| CONVENANCE, subst. fém. I.− Vieilli ou littér. A.− Rapport de conformité entre deux ou plusieurs choses, accord d'une chose avec une autre, concordance. Le mariage (...) implique des convenances d'humeur, des sympathies physiques, des concordances de caractère (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 256).Le Beau est assurément la rencontre de toutes les convenances (Delacroix, Journal,1852, p. 186): 1. Les amours, les décisions [chez Dos Passos] sont de grosses boules qui tournent sur elles-mêmes. Tout au plus pouvons-nous saisir une sorte de convenance entre l'état psychologique et la situation extérieure : quelque chose comme un rapport de couleurs.
Sartre, Situations I,1947, p. 18. Rem. Noter la constr. convenance à : Il n'est point d'erreur qui n'ait quelque convenance à la nature humaine (Alain, Propos, 1922, p. 378). − Spéc., LITT. : 2. Elle [la beauté des vers] réside dans mille harmonies et convenances cachées, qui font la force poétique et qui vont à l'imagination...
E. Delacroix, Journal,1852, p. 240. B.− Fait d'être approprié à sa destination. Quant à la convenance de l'acte, elle constitue ce qu'on appelle la finalité (Boutroux, Conting.,1874, p. 107): 3. La beauté de l'animal est toute de convenance. Elle tient à l'évidente destination de ses membres pour la fonction particulière qui lui est départie.
Ch. Blanc, Grammaire des arts et du dessin,1876, p. 29. − Spéc., LITT. et B.-A. Bossuet a toujours été aussi sincère que le pouvaient permettre les conditions mêmes et les convenances du genre (Lemaitre, Contemporains,1885, p. 185). II.− Usuel. Fait de convenir à. A.− Fait d'être approprié à quelque chose. C'est Péclet qui a choisi les couleurs, moins pour leur convenance au détail du sujet, que pour l'effet d'ensemble qu'il espère obtenir (Romains, Hommes b. vol.,1932, p. 138): 4. Si une certaine peinture convient à une époque, l'époque suivante voit dans cette convenance, une convention.
Valéry, Degas, danse, dessin,1936, p. 138. − Loc. En convenance avec. En rapport avec. J'ai pris un visage mort, un air de stupidité laborieuse, tout à fait en convenance avec ma fonction (Frapié, La Maternelle,1904, p. 237). B.− Fait de convenir à quelqu'un. 1. P. méton. Ce qui convient à quelqu'un; utilité, commodité particulière qu'une chose a pour quelqu'un. Une mesure de convenance personnelle (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 197).Quant à l'avenir de la France, il est en elle-même, non point dans les convenances des alliés (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 189): 5. L'idée de droit implique respect mutuel, convenance réciproque : si la convenance n'existe que d'un côté, si elle est unilatérale, c'est du pur égoïsme.
Proudhon, La Guerre et la paix,1861, p. 116. − Congé de (ou pour) convenance personnelle. Congé sollicité par un fonctionnaire pour s'occuper de ses propres affaires (cf. Davau-Cohen 1972). 2. Loc. à valeur adv. ou adj. a) À ma (votre...) convenance. Trouver quelque chose à sa convenance. ♦ Emploi adj. Qui me (vous...) convient : 6. On voit le défrichement de landes communales achetées aux confins du bien. Marché à la convenance de tous : de la municipalité heureuse d'écouler de maigres terrains (...) du propriétaire satisfait d'arrondir l'héritage...
Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. VI. ♦ Emploi adv. Comme je (vous) le désire (désirez) : 7. La justice, d'une manière, vous n'en avez pas plus de souci que moi, hein, pas vrai? Il vous suffit que l'affaire s'arrange à votre convenance, correctement, moi de même.
Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1458. b) Loc. adv. Par convenance. Pour sa (leur) convenance. Ils s'efforçaient d'entendre le mariage à la façon des gens du monde qui se marient par convenance, pour arrondir leur fortune et ne pas laisser périr leur nom (Zola, M. Férat,1868, p. 264). c) Loc. adj. De convenance : 8. ... il [Gontran] aurait peut-être autant méprisé Christiane d'être fidèle à ce mari de convenance et d'utilité, qu'il se serait méprisé lui-même de ne pas puiser dans la bourse de son beau-frère.
G. de Maupassant, Mont-Oriol,1887, p. 235. ♦ Mariage de convenance. Est-ce un mariage d'amour ou simplement de convenance que vous devez contracter? (Leclercq, Proverbes dram.,MmeSorbet, 1835, 6, p. 150): 9. « Et cette prostitution-là est plus pardonnable cent fois et moins repoussante qui pousse une pauvre fille à vendre son corps pour avoir du pain, que celle décorée du nom de mariage de convenance, qui n'a pour but et pour cause qu'un cachemire, ou des perles, ou une voiture. (...) »
Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 148. III. A.− Fait d'être conforme aux usages de la société, à ses règles morales : 10. ... madame de Maintenon se distingua de bonne heure, et dans tous les états, par cette prudence accomplie, cet esprit de conduite (...) qui de nos jours est resté tant à cœur à la haute société monarchique, sous le nom presque sacré de convenance.
Sainte-Beuve, Premiers lundis,t. 1, 1869, p. 149. − Emploi adj. De convenance. Qui est conforme aux usages de la société. Elle-même n'avait jamais eu qu'une religion de convenance, qui faisait partie d'une bonne éducation, au même titre que le maintien (Zola, Joie de vivre,1884, p. 847). − Loc. adv. Par convenance. Par respect des usages; par décence. Il [Charles] se tut, par convenance, à cause de la domestique qui entrait (Flaubert, Madame Bovary, t. 2, 1857, p. 47).Est-ce que, par convenance pour votre femme, vous ne pourriez pas remplacer cela [le modèle] par un semblant, un cartonnage? (A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 169). B.− P. méton., plur. (rare au sing.). Les convenances (sociales). Règles du bon usage imposées par la vie en société, par la vie mondaine. Le sentiment des convenances; respecter les convenances. Ma joie a quelque chose d'indompté, de farouche, en rupture avec toute décence, toute convenance, toute loi (Gide, Journal,1917, p. 639): 11. La loi morale, ce n'est qu'un ensemble de convenances sociales, et cet ensemble est, par nature, provisoire, puisqu'il doit, pour garder sa valeur pratique, évoluer en même temps que la société : ...
Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 506. Rem. On rencontre ds la docum. 2 emplois de convenance qui semblent devoir être rattachés à l'emploi vieilli de convenant (subst. masc.) et à l'expr. bail à convenant : 12. − Vous avez hérité?
− Non, monsieur, mais on vend beaucoup de bois aujourd'hui. La machine que je sers est toujours en travail. Je gagne. Je demande d'acheter au prix de la terre courante; à la convenance, je ne puis pas.
Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 169. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃vnɑ
̃:s]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. A. Fin du xiies. « accord, pacte » (Raimbert de Paris, Chevalerie Ogier de Danemarche, éd. J. Barrois, 4168) − 1688 (Miège, The great french dictionary ds FEW t. 2, p. 1127 a, s.v. convenire). B. 1. a) 1504 « rapport de conformité, analogie entre deux choses » (J. Lemaire de Belges, Couronne Margaritique, IV, 75 ds Hug.); 1798 mariage de convenance (Ac.); b) ca 1790 « commodité, agrément » (Marmontel, Contes moraux, Scrup. ds Littré); 2. a) 1740 « caractère de ce qui est conforme aux bons usages » (Ac.); b) 1762 plur. « règles du bon usage » (J.-J. Rousseau, La Nouvelle Héloïse, II, 2, éd. H. Coulet et B. Guyon, t. 2, p. 194). Dér. de l'a. fr. co(n)venant, part. prés. subst. de convenir* (v. covenant); suff. -ance* (cf. lat. class. convenientia, « accord parfait, harmonie; convenance »). Fréq. abs. littér. : 1 154. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 700, b) 1 730; xxes. : a) 1 321, b) 880. |