| CONVENABLE, adj. I.− Qui convient, qui est bien adapté (à une norme ou à une fin explicite ou implicite). A.− [Suivi d'un compl. prép. à] 1. [Le compl. désigne la destination] Les mesures convenables à un dessein. Synon. approprié.Les moyens convenables à la nature et à la destination de la science sociologique (Comte, Philos. posit.,t. 4, 1839-42, p. 327): 1. Les moines ayant à remplacer par des édifices plus durables leurs oratoires établis provisoirement cherchèrent les dispositions les plus convenables au but qu'ils se proposaient.
A. Lenoir, Archit. monastique,t. 1, 1852, p. 104. − [Avec la prép. pour] L'emplacement convenable pour l'ensemencement des radis. 2. [Le compl. désigne la convenance] Synon. adapté.Des actions (...) plus convenables à un soldat qu'à un archevêque (Montherlant, Port-Royal,1954, p. 979): 2. Il fallut à Titien l'ombre de la mort prochaine pour lui inspirer la tristesse religieuse convenable à cette scène lugubre.
T. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 49. − [Avec un compl. prép. en] Les formules convenables en la circonstance (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1932, p. 514). 3. [Avec un compl. désignant un humain] Vieilli. De nature à être accepté sans difficulté. Présenter sous une forme convenable au consommateur. Quasi-synon. agréable.Nous serions bien heureux que les propositions vous fussent convenables (Chateaubr., Corresp.,t. 1, 1789-1824, p. 240). B.− [Sans compl.] Qui convient, en la circonstance. Trouver les moyens, les mesures convenables, une solution convenable; agir avec les ménagements convenables; donner une forme convenable au projet. Synon. requis, adéquat.Le lieu convenable et le moment favorable (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 123). − [La norme implicite est d'ordre quantitatif] Mettre la quantité convenable, faire le dosage convenable; fixer à la hauteur convenable. Rem. Cet emploi est fréq. dans le discours mathématique. Pour une valeur convenable de l'angle; avec un choix convenable de la constante; en faisant les substitutions convenables. C.− [À la forme impers.] Synon. il convient de, il faut.Nous sommes en pays ennemi et il est convenable d'avoir les yeux ouverts (Feuillet, Bellah,1850, p. 36). D.− En partic. Qui est conforme aux normes sociales, aux règles, aux mœurs acceptées dans un groupe social. 1. a) [Qualifie un n. de pers.] Dont la situation, l'apparence, le comportement est conforme aux normes sociales. Un jeune homme, un monsieur très convenable. − [Du point de vue moral] Dont les manières ne sont pas choquantes (sur le plan de la décence). [Iorga] La légende veut que nos popes soient paillards et abrutis; je vous assure qu'ils sont convenables et d'esprit ouvert (Morand, Bucarest,1935, p. 276). − P. méton. Un jeune homme à l'air convenable. Toutes les gamines arborent des figures convenables (Colette, Cl. école,1900, p. 158). b) [Qualifie un subst. désignant le comportement, l'apparence, etc.] Le ton convenable et prudent d'un nouveau conformisme (Guéhenno, Jean-Jacques,t. 3, 1952, p. 167): 3. En effet, l'endimanchement des uns réagit si bien sur les autres, que les gens les plus habitués à porter des habits convenables ont l'air d'appartenir à la catégorie de ceux pour qui la noce est une fête comptée dans leur vie.
Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 134. − [En emploi négatif] Pas convenable. Qui choque les habitudes, les usages sociaux. Une robe pas convenable; faire des choses pas convenables; parler en termes pas convenables. Quasi-synon. incorrect, impoli.Quels rires, quels éclats de voix, quels gestes, pas convenables! (Léautaud, Pt ami,1903, p. 129). 2. [Impliquant la convenance à une situation partic.] Trouver une solution plus convenable que le divorce; donner à ses enfants une éducation convenable. Elle songea que cette lampe n'était pas convenable, il fallait un cierge (Zola, Nana,1880, p. 1485): 4. Il doit suffire de savoir lui présenter la chose, de trouver les mots convenables. Les trouvera-t-il, le moment venu?
Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1433. − [Avec un compl. prép. pour] Ce n'est pas une heure convenable pour se présenter; préoccupé de la grandeur convenable pour des cartes de visite. 3. [Emploi impers.] Il serait peu convenable pour moi que je vous reçoive (de vous recevoir) en l'absence de mon mari. Rem. Dans les emplois 2 et 3, on peut retrouver la valeur sém. de « adaptation à une circonstance » (cf. supra, B), mais un jugement de valeur normative s'y ajoute toujours. 4. Emploi subst. Ce qui est convenable (cf. supra D), socialement accepté. Le convenable est le grand malheur du dix-neuvième siècle (Stendhal, Prom. ds Rome,t. 1, 1829, p. 96).Sachez attendre, les limites du convenable reculeront dans une confusion presque endormie (Butor, Pass. Milan,1954, p. 214). II.− Qui est d'une qualité, d'une valeur suffisante. A.− [En parlant d'objets concr., de caractéristiques concr. ou abstr.] Acceptable. Ce ruban a un pouvoir adhésif convenable; un [champagne] veuve Cliquot fort convenable. Synon. correct, satisfaisant.J'ai eu beaucoup de peine à trouver une paire de chaussures convenables (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 221): 5. Il y avait un bon tapis, les fauteuils étaient convenables, mais la pièce puait le tabac, le pétrole, le charbon, le vieux dossier.
Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 87. − [Avec un compl. prép. pour] Un stock de peaux de mouton, un peu mitées mais encore très convenables pour des soldats (Romains, Hommes b. vol.,Verdun, 1938, p. 172). − [En parlant de données intellectuelles] Avoir des connaissances convenables en grec; des résultats convenables à un examen. B.− [Dans le domaine moral] Estimable : 6. « C'est drôle, se dit-il. Dès qu'on fait un truc convenable, au lieu de vous conférer des droits, ça vous crée des devoirs. »
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 142. Rem. De nombreux ex. manifestent une ambiguïté entre les sens I et II : Il avait une situation convenable [= acceptable, mais aussi socialement non méprisée], mais c'était le fils d'un ouvrier (Butor, Pass. Milan, 1954, p. 50). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃vnabl̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 « (d'une chose) qui convient » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4331); 1754 subst. « ce qui convient » (Encyclop.); b) ca 1170 « (d'une personne) adapté à sa mission, accompli » (B. de Sainte-Maure, Chronique des Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 5582); 2. a) 1611 « conforme à la bienséance, bienséant » (Cotgr.); b) 1803 « (d'une personne) décent, qui a de bonnes manières » (Constant, Journaux, p. 33). Dér. de convenir*; suff. -able*. Fréq- abs. littér. : 1 961. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 473, b) 3 993; xxes. : a) 2 169, b) 1 931. Bbg. Matoré (G.). Proust linguiste. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 1, p. 288. |