| CONTRASTER, verbe. A.− Emploi intrans. 1. [Le suj. est un plur.] Être en opposition, en contraste; s'opposer : 1. ... ceux des phénomènes qui diffèrent ou même contrastent dans le domaine extérieur − la terre molle là, la pierre dure ici − donnent à ce même pas des sonorités différentes.
É. Faure, L'Esprit des formes,1927, p. 77. − Absol. Jolies couleurs qui contrastent (Barrès, Mes cahiers,1898-99, p. 80).Souvent une maison réussit par deux hommes qui contrastent (Alain, Propos,1930, p. 951). 2. [Le suj. est le plus souvent un sing.] Contraster avec.Être en opposition, en contraste avec; s'opposer à; trancher avec. L'agitation de cet inconnu contrastait singulièrement avec la placidité du major (Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 1, 1868, p. 49).Des pins dont la verdure presque noire contrastait si violemment avec la lumière éclatante (J. et J. Tharaud, La Fête arabe,1912, p. 122).Une réalité sociale qui contrastait durement avec ses « chimères » (Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 60). − [Le compl. n'est pas exprimé] Mon regard (...) aperçoit dans l'ombre une lueur d'autant plus froide qu'au dehors l'aridité contraste (Jammes, Les Nuits qui me chantent,1928, p. 123): 2. Aspect rustique d'une petite ville de Provence. Le manteau à dentelles qu'elle avait mis contrastait singulièrement.
Michelet, Journal,1858, p. 408. − Rare. Créer un contraste : 3. Comme dans la sérénade de Don Juan, où la guitare se moque de la voix langoureuse, Cadenet avait contrasté, mais cyniquement, éraillant les sons, déhanchant le rythme, avec des staccati canailles.
J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 211. B.− Emploi trans. Mettre en opposition, en contraste; introduire des oppositions, des contrastes. Contraster les tons, les lignes. Il ne s'agit que de contraster quelques traits, de presser la phrase et de faire briller le mot (Chateaubriand, Fragments du Génie du christianisme primitif,1800, p. 241).Il faut contraster les légendes, la plupart comico-tragiques, d'une gaîté héroïque (Michelet, Journal,1851, p. 155): 4. Le bizarre et industrieux animal dialectique (...) se dépense à édifier, en appareillant et contrastant les intelligibles, la demeure de la vie spéculative.
Valéry, Variété IV,1938, p. 242. − Spéc. Contraster une photographie. Accentuer l'opposition entre parties claires et parties foncées. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃tʀaste], (je) contraste [kɔ
̃tʀast]. Ds Ac. 1718-1932. Étymol. et Hist. 1. 1541 contraster (à) « lutter contre » (G. de Selve, Huict Vies de Plutarque, Camille, 28 vods Hug.); 2. 1669 peint. (Molière, La Gloire du Val-de-Grâce ds
Œuvres, éd. E. Despois et P. Mesnard, t. 9, p. 540 : groupes contrastés [dans un tableau]). Réfection, sous l'influence de l'ital. contrastare (dep. 1remoitié xiiies., « contredire, contester », G. da Lentini; « s'opposer à » dep. av. 1292, Giamboni; terme de B.-A. dep. xviies., Baldinucci ds Batt.), de l'a. fr. m. fr. contrester « résister », attesté de ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 2511) à 1660 (Oudin Fr.-Esp.), du b. lat. contra stare « s'opposer à ». Fréq. abs. littér. : 378. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 792, b) 484; xxes. : a) 289, b) 497. Bbg. Gohin 1903, p. 321. − Hope 1971, p. 183. |