| CONTINENT, ENTE, adj. et subst. I.− Adj., toujours postposé. A.− [En parlant de pers.] 1. Absolument a) Qui s'abstient, totalement ou partiellement, de rapports sexuels. Une veuve continente; des femmes désœuvrées et continentes; la plus continente des jeunes filles. Synon. chaste.Il faut être au-dessus de la loi pour s'en servir, continent, pour inspirer des désirs (J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 202): 1. Le fornicateur contraint (...) à demeurer chaste se forge, comme le moine continent, des illusions sur les délices de la chair, les amplifie et les exalte démesurément.
A. Arnoux, Le Seigneur de l'heure,1955, p. 21. b) Domaine mor. et relig.Qui pratique, observe la vertu de continence*. (Être) continent et bon de cœur, chaste et humble. Les continents et doux séminaristes (Rodenbach, Le Règne du silence,1891, p. 129). 2. Continent dans ou en + compl. indiquant le domaine concerné.Qui observe une certaine retenue. Quasi-synon. retenu, sobre, mesuré : 2. Il serait un bon mari. Car en effet, pour bien travailler, il faut être continent dans ses plaisirs, réglé.
Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 76. B.− P. métaph. ou au fig. 1. [L'adj. qualifie une pers.] Être continent dans ou en(cf. supra A 2).Être continent dans ses désirs, en paroles, dans son langage, dans ses regrets; un orateur peu continent dans son élocution : 3. Et pour Nicole, on peut dire qu'il sortit de cette épreuve, sinon en héros, du moins plus pur, plus modeste (...) plus continent dans ses plaintes, plus doucement circonspect et tolérant dans sa doctrine...
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 491. 2. [L'adj. qualifie une chose abstr., en partic. dans le domaine de la création littér.] Expression, style, récit continent(e). Quasi-synon. sobre, mesuré; anton. incontinent.Ce n'était qu'un moyen perfide de m'arracher brusquement aux simples images de l'idéale et continente beauté (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 14): 4. L'Histoire de France et l'Histoire de la Révolution Française n'ont presque rien d'un récit tenu, contenu, continent, maître de lui...
Thibaudet, Hist. de la litt. fr. de 1789 à nos jours,1936, p. 272. Rem. La lang. de la méd. connaît 2 homon.-homogr. de formation différente : a) [P. oppos. à incontinent; en parlant d'un sphincter (anal, vésical)] Qui fonctionne normalement (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970). b) Vx [P. empr. au lat. continens « continu, ininterrompu » (cf. étymol.)] Cause continente, fièvre continente. Qui continue d'agir et prolonge son effet pendant toute la durée du symptôme ou de la maladie. II.− Emploi subst., vx ou littér., RELIG. Personne qui pratique la vertu de continence (cf. continence A 2). Les plus continents avaient eu une bonne fortune (Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 877): 5. L'exemple de la chasteté d'Alexandre n'a pas tant fait de continents, que celui de son ivrognerie a fait d'intempérants...
Gide, Feuillets,1896, p. 97. − Spéc., HIST. RELIG. Membre d'une secte chrétienne prônant la continence absolue et condamnant le mariage. Rem. La docum. atteste l'adv. rare continemment. Avec continence. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃tinɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. Ca 1160 « qui pratique la continence » (B. de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 14935). B. Av. 1590 [publ. en 1628] méd. fièvre continente (A. Paré,
Œuvres, éd. J.-F. Malgaigne, t. 3, p. 95a), attest. isolée; 1756 (Encyclop. t. 6, p. 729a). Empr. au lat. continens (part. prés. de continere au sens de « réprimer, refréner ») attesté en lat. class. au sens de « sobre, tempérant » et chez les auteurs chrét., à partir du iiies., au sens A. Au sens B, empr. au lat. class. continens « continu, ininterrompu » (de continere « maintenir relié »). Fréq. abs. littér. : 32. |