| CONSULTER, verbe. I.− Emploi intrans., vx ou rare A.− Consulter 1. (P. ell. avec soi-même). Délibérer avec soi-même, en âme et conscience, réfléchir, peser le pour et le contre avant de prendre une décision. Si je consulte et que je cherche le fond, peut-être y a-t-il, − et c'est sûr, − cette crainte de passer pour un homme de moindre esprit, si je ne pense pas comme lui (E. Delacroix, Journal,1852, p. 111). 2. (P. ell. avec qqn, avec d'autres pers.). Délibérer avec d'autres, pour prendre une décision commune. a) Consulter avec qqn.Cours chez Moreau [le tapissier]; consulte avec lui sur tout ce qu'il faut faire (Balzac, La Vieille fille,1836, p. 358).Pour moi je blâme celui qui gouverne sans consulter autour de lui (Cocteau, Antigone,1932, p. 15). b) Consulter(en parlant de plusieurs pers. ensemble). Synon. se concerter, s'entendre.Vers 1611, trois hommes se trouvèrent réunis un jour pour consulter sur ce que leur suggérerait la volonté de Dieu par rapport à la restauration de l'Église (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 9). − En partic. Médecin qui consulte avec un confrère (pour diagnostiquer une maladie et prescrire un traitement, dans un cas difficile ou une maladie grave). Synon. conférer.M. Dupuytren examina la blessure, puis se retira à l'écart pour consulter avec les hommes de l'art (Chateaubriand, Mélanges hist.,1827, p. 200): 1. J'attendrai l'arrivée du médecin de Paris, et nous nous adjoindrons le chirurgien en chef de l'hôpital pour consulter : tout ceci me paraît bien grave.
Balzac, Pierrette,1840, p. 141. B.− [En parlant d'un médecin ou d'un avocat] Donner des consultations, recevoir les clients dans son cabinet. Ce médecin, cet avocat consulte tous les jours de cinq à six heures (Lar. 19e). Rem. Attesté aussi ds Besch. 1845, Nouv. Lar. ill. et Lar. 20equi le signale comme peu usité, Quillet 1965 qui le qualifie de néol. fâcheux, Dub., et Lar. Lang. fr. qui ne parle que de l'emploi médical. II.− Emploi transitif, usuel. A.− Consulter une pers. ou un groupe (sur, au sujet de quelque chose) 1. S'adresser à une personne compétente pour lui demander un avis, un conseil. Consulter ses parents, un ami, un savant. Synon. interroger, questionner, s'informer auprès de, prendre avis, prendre conseil.Le roi. − Dans une affaire aussi grave, je dois consulter mon conseil (A. Dumas père, Les Demoiselles de Saint-Cyr,1843, III, 4, p. 148).Carhaix est précieux à consulter, car il est documenté sur bien des choses (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 60): 2. Devenu un homme et ayant acquis une pleine liberté d'esprit, aux heures de trouble et d'irrésolution, je consultais encore les deux sœurs. Un jour que j'avais un particulier besoin de voir clair en moi-même, j'allai les interroger.
A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 92. − Emploi pronom. a) À sens réfléchi. S'interroger, délibérer en soi-même, réfléchir avant de prendre une décision. Je voudrais réfléchir... me consulter... Enfin, je ne suis pas tout à fait décidé (Barrière, Capendu, Les Faux bonshommes,1856, III, 12, p. 111). b) Réciproque. S'entretenir, échanger mutuellement ses points de vue avant de prendre une décision commune. Se consulter du regard, à voix basse. Synon. se concerter, s'entendre.Ils s'arrêtèrent au milieu du carrefour et firent groupe, comme des gens qui se consultent (Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 538): 3. Dans les premiers enchantements de l'inspiration, j'invitai Lucile à m'imiter. Nous passions des jours à nous consulter mutuellement, à nous communiquer ce que nous avions fait, ce que nous comptions faire.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 121. 2. Spécialement a) S'adresser à une personne qui fait profession de donner des conseils. Consulter un homme de loi (un avocat, un jurisconsulte, un notaire, etc.), un spécialiste, un expert. P. ell. consulter. George, montrant le notaire : J'avais à consulter sur des points importants (Ponsard, L'Honneur de l'argent,1853, II, 5, p. 35).Je consultai un avoué : il me demanda deux cents francs (Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 251): 4. Sans connaître rien aux lois, je puis craindre que mon refus de continuer à vivre sous le même toit que lui n'entraîne la déchéance de mes droits maternels. L'avocat que je veux consulter dès mon retour à Paris m'indiquera les moyens d'éviter cela, qui me serait intolérable.
Gide, L'École des Femmes,1929, p. 1280. − Consulter un médecin, p. ell. consulter. Aller voir un médecin. Il faut consulter. MmeRémy. − À qui sont ces bagages? Scipion. − À une dame de Livron, qui vient consulter (Romains, Knock,1923, III, 1, p. 15): 5. Un jour le médecin qui l'auscultait diagnostiqua une péricardite, ou une péripneumonie; et le grand docteur spécialiste, que l'on consulta ensuite, confirma ces appréhensions.
R. Rolland, Jean-Christophe,Antoinette, 1908, p. 882. b) Consulter (une collectivité dans la limite de ses attributions).Consulter un comité, un conseil; consulter l'Assemblée; consulter la nation, le pays, l'opinion. Synon. sonder.Il [le chef de l'État] possède le droit de consulter le pays, soit par référendum, soit par élection d'assemblées (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 240). 3. [Le compl. d'obj. désigne une pers. versée dans l'art divinatoire, l'astrol.] Interroger pour connaître les secrets de l'avenir, de la réussite, etc. − [Chez les Anciens] Consulter les dieux, les devins, les oracles, les auspices, la sibylle. Au moment de livrer bataille, il fit consulter les poulets sacrés (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 194).Je viens consulter la déesse pour savoir si l'enfant que je porte sera un garçon ou une fille (Renan, Drames philos.,Le Prêtre de Némi, 1888, III, 3, p. 578): 6. Énée consulte les devins et interroge les oracles. Il ne marque pas lui-même sa route et son but; il se laisse diriger par la divinité : ...
Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 181. − [De nos jours] Consulter un astrologue, un sorcier, une diseuse de bonne aventure, une cartomancienne : 7. Oh! Justin, Justin, il fallait voir le monde entier, mais pas Joseph. Tu pouvais consulter des marabouts, des voyants, des tireuses de cartes, des princes de la science ou des affaires, n'importe qui, mais il fallait laisser Joseph en dehors de notre projet.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 78. B.− Consulter qqc. 1. [Un obj. concr. et parfois abstr., source d'information] Examiner, regarder pour y chercher un renseignement, une information, une explication. a) Consulter des ouvrages.Ouvrages à consulter; consulter un dictionnaire, des archives; livres à consulter sur place (dans une bibliothèque); consulter les auteurs, l'histoire. Synon. parcourir, feuilleter, compulser, interroger, scruter.Les expériences et les enseignements salutaires que l'histoire donne à tous ceux qui la consultent avec sincérité (Quinet, Napoléon,1836, p. 139).Elle consultait avidement les catalogues des magasins (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 34): 8. Impossible de partir dès le lundi matin. Cependant, l'état de M. Thibault ne permettait guère de différer. Antoine consulta son agenda, puis l'indicateur, et résolut de prendre, dès le lendemain soir, le rapide de Lausanne.
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Sorellina, 1928, p. 1195. − Consulter la Bible, pour y lire la volonté de Dieu (pour une circonstance donnée). − Emploi pronom. passif. Se consulter.Être consulté. Ouvrage qui se consulte facilement (rare). b) Consulter un objet.Consulter sa montre, un baromètre, une boussole, le pouls, la météo. L'impatience me dévorait, à tous les instants je consultais ma montre (B. Constant, Adolphe,1816, p. 27). SYNT. Consulter son calepin, son carnet, un calendrier, un almanach, les affiches, les horaires, un indicateur de chemins de fer, un annuaire, un atlas, une carte, un plan, un guide, un registre, un dossier, un journal, un menu, un programme, une liste, un fichier, des notes. c) En partic. Pour y chercher les secrets de l'avenir, de la réussite, etc. Consulter les astres, les cartes, le marc de café : 9. ... je rangeai les cartes sur mon lit, et, après quelques tours, je les jetai de colère, ne trouvant rien en rapport avec ma situation.
− Il y en a qui ouvriraient la Bible; vous, vous consultez les cartes.
J. Champfleury, Les Aventures de MlleMariette,1853, p. 171. d) Loc. fig. ♦ Consulter son chevet (vx), consulter son oreiller, son bonnet de nuit (mod. et fam.). Passer la nuit avant de prendre une décision. ♦ Consulter son miroir. Se regarder dans son miroir. Mon crâne est devenu semblable à ces miroirs de métal convexes, que consultent avec tant d'étude et de soins les dames pingouines (A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 142). ♦ Consulter son porte-monnaie, son estomac, son appétit (fam.). Examiner l'état de sa bourse, de son appétit avant d'agir. Je viens de consulter mon portefeuille; je dois quarante-neuf sous en tout dans les restaurants de Paris (J. Vallès, Les Réfractaires,1865, p. 51): 10. ... pour procéder à la destruction de la pâtisserie ninivite, Gilberte ne consultait pas seulement sa faim; elle s'informait encore de la mienne, tandis qu'elle extrayait pour moi du monument écroulé tout un pan verni et cloisonné de fruits écarlates, dans le goût oriental.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 506. ♦ Consulter ses forces. Mesurer, évaluer ce dont on est capable avant d'entreprendre quelque chose. Voyez si la dot ainsi payée vous convient, consultez vos forces (Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 125). ♦ Consulter ses souvenirs. Repasser en mémoire, se rappeler ses souvenirs, les interroger pour en tirer profit. Consulter les faits, l'expérience. Je crois me rappeler ce nom-là, dit Léon qui consulta ses souvenirs (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 2, Le Club des Valets de cœur, 1859, p. 160).Interrogez votre expérience. Consultez vos souvenirs. Faites autour de vous votre statistique (Valéry, Variétés IV,1938, p. 165). 2. [L'obj. désigne une entité abstr.] Prendre pour modèle d'action, pour guide. (Ne) consulter (que) son cœur, son caprice, son intérêt, son goût, sa raison, son devoir. Synon. écouter, suivre, se régler sur, interroger.La princesse ne consulte que la raison et son devoir (Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 2, 1795, p. 299): 11. Son bonheur est, dès ce moment, la seule loi qui me dirige, et l'unique principe que je consulterai le reste de ma vie.
Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797p. 1884. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃sylte], (je) consulte [kɔ
̃sylt]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [1410 (date donnée par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 8, p. 489, mais il s'agit d'une copie non datée) consulter de qqc. « délibérer de quelque chose » (ordonnance ds La Chron. du bon duc Loys de Bourbon, éd. A.-M. Chazaud, p. 325)]; 1468 consulter qqc. « conférer sur quelque chose » (Compt. de Nevers, CC 63, fo22 vods Gdf. Compl.); 2. 1549 sans compl. « prendre conseil (de quelqu'un) » (Est., p. 129, s.v. conseil); 1585 trans. (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, Bibl. elz., t. II, p. 41); 3. 1549 « donner des consultations » ici, en parlant d'hommes de loi (Est., loc. cit.); 4. 1585 trans. « regarder quelque chose pour y trouver un renseignement » ici, des livres (N. du Fail, op. cit., t. II, p. 260). Empr. au lat. class. consultare « délibérer » et « consulter, interroger », fréquentatif de consulere « id. ». Fréq. abs. littér. : 2 812. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 853, b) 4 953; xxes. : a) 3 173, b) 3 253. DÉR. Consultable, adj.Qui peut être consulté; qu'il est bon de consulter. Livre, manuscrit consultable. L'archiviste a pour premier devoir de les [les documents] rendre consultables aussi rapidement que possible (L'Hist. et ses méthodes,1961, p. 1155).Rem. Pt Rob. signale un anton. inconsultable.− [kɔ
̃syltabl̥]. − 1reattest. 1660 (A. Oudin, Trésor des deux lang. espagnolle et françoise, Paris); de consulter, suff. -able*. BBG. − Gottsch. Redens. 1930, p. 199, 233, 452. |