| CONSTITUTIONNEL, ELLE, adj. A.− PHYS., PHYSIOL., PSYCHOL. et PSYCH. 1. Vx, PHYS. Qui est inhérent à la constitution* de l'air, de l'atmosphère : 1. Des souffles capricieux tourbillonnaient, à la fois intermittents et continus. Ils traversaient l'air imbibé, surchauffé de soleil, sans y attiédir leur froid constitutionnel et inaltérable. C'était le vent permanent des hauts espaces, inodorant et éternel.
Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 222. 2. Qui est inhérent à la constitution psychophysiologique d'une personne. Type, vice constitutionnel; maladie, syphilis constitutionnelle; médecine constitutionnelle. L'homme souffre et toujours souffrira : sa maladie est héréditaire et constitutionnelle (Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 142): 2. Madame Danquin tout à fait impotente, assise de l'autre côté de la cheminée, dans un fauteuil, entre ses deux béquilles, gardait sa gaîté constitutionnelle. Elle me parla de toute cette jeunesse à laquelle elle s'intéressait : ...
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 519. 3. Qui est inhérent à la constitution mentale (morbide) d'une personne (selon la théorie constitutionnaliste). Anomalie, psychose, tendance constitutionnelle, déséquilibre constitutionnel; symptôme constitutionnel prépsychotique : 3. ... l'émotif constitutionnel (...) s'annonce presque sans doute possible chez l'enfant anormalement peureux, timide ou craintif, dont les sentiments ont tous quelque chose de violent, d'exclusif ou de passionné, dans la joie comme dans le chagrin.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 226. B.− DR. PUBL. 1. Qui concerne la Constitution d'un pays. Conseil, décret constitutionnel; loi, erreur constitutionnelle. Acte constitutionnel (Robespierre, Discours,Sur la guerre, t. 8, 1792, p. 78).Le pacte constitutionnel qui doit lier la nation et le monarque (Maine de Biran, Journal,1814, p. 10).L'homme dont il est question dans les lois constitutionnelles ou civiles (Valéry, Variété III,1936, p. 199). − Spéc. Droit constitutionnel. Discipline juridique qui étudie les constitutions politiques. J'ai enseigné dans les universités allemandes le droit constitutionnel de ces pays (Barrès, Mes cahiers,t. 12, 1919-20, p. 288).Professeur de droit constitutionnel (Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 264). 2. Qui est conforme à la Constitution en vigueur. Lois, formes constitutionnelles. Des moyens légaux, constitutionnels, et dégagés de tout arbitraire (Constant, Principes de pol.,1815, p. 22). 3. [En parlant d'un pouvoir royal] Qui est régi par une Constitution. Monarchie constitutionnelle; charte constitutionnelle; gouvernement, régime constitutionnel. Synon. parlementaire; anton. absolu.Roi constitutionnel (Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1591).L'Angleterre, le plus constitutionnel des pays, n'a jamais eu de constitution écrite (Renan, La Réforme intellectuelle et morale,1871, p. 7): 4. ... il m'avait fait ce singulier raisonnement sur les différentes sortes de gouvernements : « Il y en a trois espèces, me disait-il, la république, le gouvernement constitutionnel et le régime absolu ».
Musset, Le Temps,1831, p. 93. − P. plaisant. [P. all. à la célèbre citation de Thiers : ,,Sous un gouvernement constitutionnel, le roi règne et ne gouverne pas``] :
5. ... je suis le maître de la maison, mais un maître constitutionnel... je règne peu et je ne gouverne pas du tout.
J.-F.-A. Bayard, Le Mari à la campagne,1844, II, 6 p. 469. 4. Qui est favorable à un gouvernement constitutionnel. Parti constitutionnel : 6. Dans le cas où le parti constitutionnel prévaille, le roi aura toute l'autorité compatible avec les principes du gouvernement représentatif, et il n'a rien à craindre personnellement de l'opposition à laquelle ce gouvernement donne lieu.
Maine de Biran, Journal,1816, p. 138. − Emploi subst. masc. ♦ Un constitutionnel. Un partisan du gouvernement constitutionnel. Deux constitutionnels, deux hommes amis de la monarchie limitée, de la liberté dans l'ordre (Mmede Staël, Lettres diverses,1793, p. 536). ♦ Le Constitutionnel. Journal libéral fondé en 1815, qui contribua à la chute de Charles X. Il trouva le vieillard lisant le Constitutionnel au coin de son feu (Balzac, César Birotteau,1837, p. 249). 5. HIST. (Révolution fr.). Qui a adhéré à la Constitution civile du clergé en prêtant serment à la Nation. clergé, prêtre, évêque constitutionnel. Synon. assermenté; anton. réfractaire : 7. Un grand tort, dont il semble cependant qu'il devait être facile à l'Assemblée constituante de se préserver, c'est la funeste invention d'un clergé constitutionnel : exiger des prêtres un serment contraire à leur conscience, et, lorsqu'ils s'y refusent, les persécuter par la privation d'une pension, et plus tard même par la déportation...
Mmede Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 1, 1817, p. 285. − Emploi subst. masc. Un constitutionnel (cf. assermenté III, ex. 8). − P. méton. Qui concerne la Constitution civile du clergé. Le schisme constitutionnel, suivi bientôt de l'abolition du culte et de la proscription des prêtres (Lamennais, L'Avenir,1830-31, p. 215).Le serment constitutionnel des prêtres (A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 159). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃stitysjɔnεl]. Ds Ac. 1798-1932. Pour la graph. cf. constitution. Étymol. et Hist. A. 1. 1720 subst. « partisan de la bulle Unigenitus » (Mém. de M. Marais, éd. de Lescure, i. 390 ds Barb. Infl. p. 30), attest. isolée; 1791 subst. « partisan de la constitution » (Dict. de la constit. ds Frey, p. 40); 1791 adj. « qui a adopté la constitution civile du clergé » (Demergue, Journal, II, 136 d'apr. Brunot t. 6, p. 1259 : évêque constitutionnel); 2. 1765 adj. « qui constitue, établit » (Dupont de Nemours, Préface à Quesnay, Collection Daire, t. 2, p. 31 : élever l'autorité au-dessus des lois constitutionnelles de l'ordre social); 3. 1769 « relatif à la constitution de l'État » (Grenville, Tableau de l'Angl., p. 53 ds Barb. Infl., p. 30 : force constitutionnelle); 1893 droit constitutionnel « droit relatif à l'étude des constitutions » (Durkheim, De la Division du travail soc., p. 34 : le droit administratif et constitutionnel); 4. 1782 « conforme à la constitution » (Ling[uet], XIII, 403 ds Gohin, p. 275 : justice la plus [...] constitutionnelle); 1791 « qui est soumis à la constitution » (Ami du p.[euple], 4 sept., p. 8 ds Frey, p. 40 : royauté constitutionnelle). Dér. de constitution*; suff. -el*; avec peut-être infl. de l'angl. constitutional (1730 ds Cah. Lexicol., t. 14, 1969, p. 10) pour le sens politique (cf. Proschwitz Beaumarchais, pp. 231-232 et Fér.). Fréq. abs. littér. : 890. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 611, b) 1 182; xxes. : a) 431, b) 663. DÉR. 1. Constitution(n)aliser,(Constitutionaliser, Constitutionnaliser) verbe trans.a) dr. [En parlant d'un texte législatif] Rendre constitutionnel, conforme à la Constitution. P. ext. Élever à la hauteur d'une institution, faire passer dans les pratiques habituelles d'une société. Les primes et bonus se répandent et se « constitutionnalisent » (Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 640).b) dr. [En parlant d'un État] Doter d'une constitution politique, d'un régime constitutionnel. Constitutionnaliser un pays (Littré). Rem. On rencontre ds la docum. un part. passé constitutionalisé. Les peuples de l'Europe constitutionalisée (Balzac,
Œuvres diverses, t. 2, 1850, p. 103).− [kɔ
̃stitysjɔnalize], (je) constitution(n)alise [kɔ
̃stitysjɔnali:z]. Pour la graph. cf. constitution. − 1resattest. 1830 adj. (Balzac, Lettres sur Paris, 23, 151, 18 déc. ds Quem.); 1845 (Besch.); de constitutionnel, suff. -iser*. − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Constitution(n)alisme,(Constitutionalisme, Constitutionnalisme) subst. masc.a) Psychol. Doctrine fondée sur la constitution psychophysiologique de l'homme. Le constitutionnalisme peut être érigé en solution paresseuse du problème psychothérapique (...) ce n'est pas tant la constitution que le genre de vie et l'éducation qui prédisposent à l'hystérie (Mounier, Traité du caractère,1946, p. 386).b) Pol., vx. Doctrine des partisans d'un gouvernement constitutionnel, appliquant rigoureusement la Constitution. Le parti républicain, tombé en constitutionalisme, donne son désistement (Proudhon, La Révolution soc. démontrée par le coup d'État du 2 déc.,1852, p. 43).Le parti occulte dont il plaidait la cause sous la forme vague du constitutionalisme (G. Sand, Le Compagnon du Tour de France,1840, p. 245).− [kɔ
̃stitysjɔnalism]. Pour la graph. cf. constitution. − 1reattest. 1828 (Doctrine de Saint-Simon, 154 ds Quem.); de constitutionnel terme pol., suff. -isme*. − Fréq. abs. littér. : 3. 3. Constitution(n)aliste,(Constitutionaliste, Constitutionnaliste) subst. masc.a) Psychol. Partisan du constitution(n)alisme*. La liaison établie par les constitutionnalistes entre le normal et le pathologique (Mounier, Traité du caractère,1946p. 34).Les constitutionnalistes (...) admettent l'innéité et l'hérédité de la constitution (J. Delay, Ét. de psych. méd.,1953, p. 151).b) Pol., vx. Partisan du constitution(n)alisme.* La valeur et l'utilité de la démocratie semi-directe ont toujours été l'objet de vives discussions entre constitutionnalistes (G. Vedel, Manuel élémentaire de dr. constit.,1949, p. 139).− 1reattest. 1845 (E. Cabet, L'Esclavage du riche par un prolétaire, p. 8 ds Quem.); de constitutionnel, suff. -iste*. − Fréq. abs. littér. : 1. 4. Constitutionnalité, subst. fém.,dr. Caractère de ce qui est constitutionnel, conforme à la constitution politique d'un pays. Constitutionnalité d'une loi, d'un décret. Contrôle de constitutionnalité des lois (G. Vedel, Manuel élémentaire de dr. constit.,1949p. 554).Constitutionnalité des actes du pouvoir exécutif (G. Belorgey, Le Gouvernement et l'admin. de la France,1967, p. 40).Si je ne m'étais trouvé là, à mon grand détriment, pour me faire maître d'école de constitutionnalité, (...) les ultras et les jacobins auraient mis la charte dans la poche de leur frac à fleurs de lys (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 626).− [kɔ
̃stitysjɔnalite]. Pour la graph. cf. constitution. − 1reattest. 1798 (Ac. Suppl.); de constitutionnel terme pol., suff. -ité*. − Fréq. abs. littér. : 1. 5. Constitutionnellement, adv.a) Physiol. et psychol. De manière constitutionnelle*, inhérente à la constitution physique et mentale de l'homme. C'était un de ces hommes qui sont constitutionnellement incapables de rien faire sans donner le maximum de leur force et de l'énergie qui est en eux (Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 57).[Le] contenu [du ça] comprend tout ce que l'être apporte en naissant, tout ce qui a été constitutionnellement déterminé (S. Freud, Abr. de psychanal., trad. A. Bermann, 1949, p. 4).b) Dr. De manière constitutionnelle*, conforme à la constitution politique d'un pays. Anton. anticonstitutionnellement.Entre la minorité et la majorité des citoyens, manifestées constitutionnellement par le suffrage universel, le conflit par les armes est illégitime (Proudhon, Les Confessions d'un révolutionnaire,1849, p. 297).− [kɔ
̃stitysjɔnεlmɑ
̃]. Pour la graph. cf. constitution. − 1reattest. 1776 (Aff. de l'Angleterre, IV, noXVI, p. 11 ds Proschwitz Beaumarchais, p. 232); de constitutionnel terme pol., suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 19. BBG. − Barb. Loan-words 1921, p. 145. − Dub. Dér. 1962, p. 57 (s.v. constitutionnaliser). − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 38. (s.v. constitutionnaliser et constitutionnalisme). − Proschwitz (G. von). Constitutionnel, anglicisme ou mot fr.? In. : Colloque du Centre de Lexicol. pol. Saint-Cloud, 1968. Cah. Lexicol. 1969, no14, pp. 5-13. |