| CONSOMMATION, subst. fém. A.− Littér. Action d'amener quelque chose à son terme; fait de parvenir à son terme. 1. [Le terme est l'achèvement, l'accomplissement dans la plénitude, avec parfois l'idée de perfection atteinte] La consommation d'une affaire (Ac. 1835-1932). Il voyait en elle [la Croix] la force de l'âme, la joie de l'esprit, la consommation de la vertu, la perfection de la sainteté (Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1480): 1. La religion accrut sa force sous les règnes de Vespasien et de Titus, par la consommation d'un des oracles écrits aux livres Saints : Jérusalem périt.
Chateaubriand, Études historiques,1831, p. 72. − Consommation du mariage. Union charnelle des époux qui, selon le droit canon, rend le mariage indissoluble. Une vierge pense instinctivement à la consommation et aux suites du mariage (Amiel, Journal intime,1866, p. 193): 2. ... elle [Jeanne de Schomberg] fut mariée malgré elle au comte de Brissac qui lui répugnait, et avec raison. Elle s'opposa bel et bien, durant la nuit des noces, à la consommation du mariage, qui fut rompu juridiquement (1618).
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 437. ♦ P. ext. : 3. ... il commença d'en exiger des complaisances criminelles, et de chercher dans tous les abus des délectations charnelles, cette consommation dernière de l'amour, qu'il voulait à tout prix, ressentir.
Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 248. 2. [Le terme est l'achèvement, l'accomplissement par la destruction, l'anéantissement] :
4. Dans la mort, comme dans un océan, viennent confluer nos brusques ou graduels amoindrissements. La mort est le résumé et la consommation de toutes nos diminutions : ...
Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 84. ♦ Expr. biblique [cf. Matthieu, 28, 20]. La consommation des siècles, ou la consommation des âges, des temps, la consommation finale. La fin des temps, la fin du monde. Cette femme attendait donc la consommation finale; elle croyait qu'un dernier jour viendrait pour le monde (P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 756).La venue de l'Antéchrist devait précéder de peu de temps la fin du monde et la consommation des siècles (A. France, Vie de Jeanne d'Arc,t. 1, 1908, p. 480): 5. ... tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort de la mort.
J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 2, 1821, p. 34. − En partic. Accomplissement d'un forfait. La consommation d'un crime, d'un meurtre. J'ai veillé, scrupuleusement, moi-même, à la consommation du délit (Audiberti, Quoat-Quoat,1946, 2etabl., p. 70). B.− Spéc., ÉCON. Action d'amener une chose à perdre sa valeur économique par l'usage qu'on en fait pour la satisfaction de besoins personnels ou collectifs. La consommation n'est pas une destruction de matière, mais une destruction d'utilité (Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 435): 6. Des études sur budgets de famille montrent que certaines consommations peu « nécessaires » sont psychosociologiquement aussi incompressibles que les autres.
Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 322. SYNT. Consommation privée, publique; consommation improductive, reproductive, stérile; pousser à la consommation (loc. fam.). 1. En partic. Bien, objet, produit de consommation. Bien, objet ou produit dont l'usage amène la destruction progressive, qui apporte une satisfaction immédiate au consommateur final, par opposition aux biens d'équipement ou de production. Bien de consommation durable, semi-durable, non durable. Les prix des biens de consommation courante (alimentation) exercent une pression sur l'ensemble des salaires (L'Univers écon. et soc.,1960, p. 4415). − DR. FISCAL. Impôt, taxe de consommation. Impôt, taxe perçue sur la dépense du revenu au moment de l'achat d'un bien par le consommateur final. Par les impôts de consommation, une part démesurée des ressources publiques est demandée aux pauvres, aux prolétaires (Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. 176). − DR. CIVIL. ,,Contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge par cette dernière de lui rendre autant de même espèce et qualité`` (Code civil, 1804, art. 1892, p. 342). − Société de consommation. Société industrielle avancée qui se caractérise par la multiplication des besoins individuels et collectifs et par l'utilisation accrue des biens et des services : 7. Reconnaître que l'on vit dans une « société de consommation » c'est souvent le déplorer, d'un point de vue humain sinon strictement moral, en affirmant que la consommation capricieuse, influençable et peu rationnelle tend à se porter sur des objets futiles (les « gadgets »), dépourvus de vertu économique et ne répondant pas aux aspirations véritables de l'être humain.
Pol.1969. 2. Spécialement a) Destruction de biens ou produits alimentaires pour la nutrition des hommes ou des animaux. Consommation d'alcool, de café, de céréales, de fromage, de viande; consommation de fourrage. On remarquera comme cette expression de « consommation » désigne à la fois une destruction appropriative et une jouissance alimentaire (Sartre, L'Être et le Néant,1943, p. 684): 8. ... le miel et le pollen nécessaires à la consommation quotidienne [d'une abeille], ...
Maeterlinck, La Vie des abeilles,1901, p. 271. − P. méton., dans le lang. de la restauration. Ce qui est servi aux clients dans un café, un restaurant. Offrir une consommation; boire sa consommation; payer, régler les consommations : 9. Après avoir un peu travaillé, je suis allé au casino municipal. Mais oui! Je me suis assis à une table du hall, j'ai commandé une consommation, et j'ai écouté l'orchestre.
Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 88. b) Utilisation de matières premières ou énergétiques. − Emploi de certaines substances (généralement des matières premières) ♦ Emploi de certaines substances (généralement des matières premières) pour la fabrication, la préparation de quelque chose. La consommation de remblai correspondant au remplissage des vides (...) dans une mine (J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 94).Au fig. : 10. En coupant le Pêcheur d'Islande de Loti, j'ai une espèce d'étonnement devant la construction de ses phrases reliées par un et, commençant par un grand et, enfin faisant une épouvantable consommation de et : ...
E. et J. de Goncourt, Journal,1886, p. 580. ♦ Emploi de certaines substances (généralement des matières premières) pour le fonctionnement d'un appareil, d'une machine. Consommation de carburant, de charbon, d'électricité, d'essence, d'huile. Rem. On rencontre ds la docum. la forme apocopée consomme, arg. et pop. La longue jupe de satin groseille, jaspée de boue, tigrée de consommes épandues (Verlaine, Correspondance, t. 1, 1862-95, p. 45). C'était l'optimisme, l'enthousiasme du panorama sur Paris. Ma mère, poussait la consomme, elle profitait bien de sa chance (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 365). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃sɔmasjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. Ca 1120 consummaciun « état de ce qui est mené à son accomplissement, à sa perfection » (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, 118, 96 [omnis consummationis vidi finem]); fin xiie-xiiies. consumacion del seule (Sermons sur Ezéchiel de St Grégoire, 88, 22 ds T.-L.); 1645 en la consommation des temps (Pascal, Pensées, section IX, éd. Brunschvicg, t. 14, p. 53); 1680 consommation du mariage (Rich.). B. 1. 1580 consommation de bois (Palissy, Discours admirable, éd. A. France, p. 380); av. 1657 écon. (Fontenelle, Argenson ds Littré : entretenir... une consommation immense); 2. 1837 « boisson servie dans un établissement » (Balzac, César Birotteau, p. 220). A empr. au lat. class. consummatio (de consummare, v. consommer) « accomplissement, achèvement, perfection » d'où en lat. chrét. « achèvement des temps, la fin du monde ». B dér. de consommer « absorber, faire usage de » avec suff. -ation (-tion*); les Observations de l'Académie Française sur les Remarques de Vaugelas (1705, t. 2, p. 10) notent que l'on doit dire consommation de vivres et non consomption de vivres, v. consomption. Fréq. abs. littér. : 1 130. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 676, b) 706; xxes. : a) 876, b) 1 616. |