| CONSERVATION, subst. fém. Action de conserver; résultat de cette action. I.− [Avec une idée d'intentionnalité] Action de maintenir hors de toute altération, dans le même état ou en bon état. A.− [Le compl. désigne un inanimé, une qualité ou propriété de l'obj. explicitement exprimée ou non] Conservation + compl. prép. ou en constr. abs. (subst. + de conservation).Action de garder intact, sauver, entretenir. Pour peu que la brise fût fraîche, la mer s'élevait d'une manière alarmante pour la conservation de nos mâts (Voyage de La Pérouse,t. 3, 1797, p. 58).La conservation des substances médicamenteuses est importante (Deschamps d'Avallon, Compendium de pharmacie pratique,1868, p. 107): 1. La conservation de ce château coûte à son propriétaire des sommes énormes et il en jouit bien moins que le public.
Michelet, Sur les chemins de l'Europe,1874, p. 65. 2. ... tout un art empirique de la conservation des aliments s'est développé, parallèlement à l'art culinaire dont il était corollaire, et de nombreuses pratiques, dont on retrouve les traces dans les civilisations les plus anciennes, subsistent encore de nos jours comme procédés techniques : dessication, fumage, salage, froid dans les régions polaires, alcool, vinaigre.
G. Brunerie, Les Industr. alim.,1949, p. 85. SYNT. Conservation des documents, des fonds : L'archivistique des manuscrits, c'est donc la discipline qui a pour objet la reconstitution idéale ou matérielle des fonds de manuscrits dispersés, ou la conservation des fonds ayant échappé au démembrement (L'Hist. et ses méthodes, 1961, p. 1091). Conservation des sols : Le problème si important de la conservation des sols comporte l'étude de l'érosion par le ruissellement des eaux et par le vent (Ch. Maurain, La Météor. et ses applications, 1950, p. 234). − P. métaph., littér. L'Homme s'occupa (...) de créer plus de régularité encore en inventant des procédés de conservation... Conservation matérielle... Conservation des observations : mémoire fixée, écriture, dessin. Conservation et récupération à volonté des émotions : poésie, musique, prière, etc. (Valéry, Mauvaises pensées et autres,1942, p. 216). B.− [Le compl. désigne un animé ou un ensemble d'êtres animés, une qualité ou propriété de l'obj. ou de l'agent, le plus souvent implicite] 1. [L'action est envisagée du point de vue de l'obj.] Conservation de qqn, de qqc. à qqn : 3. ... il sentira sûrement quel soin particulier il doit donner à la conservation des équipages employés dans l'expédition dont sa majesté lui a confié la conduite.
Voyage de La Pérouse,t. 1, 1797, p. 55. SYNT. Conservation de l'espèce : Notre peuple obéit à la loi ethnique, à la loi zoologique de la conservation de l'espèce (De Vogüé, Les Morts qui parlent, 1899, p. 424). Instinct de conservation : Nous devons nous demander s'il est légitime de concevoir l'idée d'un instinct de conservation, d'une tendance par laquelle l'individu vivant se proposerait le maintien de sa propre vie (J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort, 1949, p. 29). − En partic. Action d'entretenir, soigner, sauver. J'estime que, malgré toutes les tentations contraires, nous devons travailler à la conservation du malade (Romains, Knock,1923, I, p. 5). ♦ Spéc., RELIG. Action de Dieu en tant que Providence qui maintient ses créatures en vie. Nous prierons Dieu pour la conservation de vos jours, lui dirent les deux mendiants (Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 15). 2. [L'action est envisagée du point de vue des visées de l'agent] Domaine sc. ou pol.Action de garder, de défendre, de s'opposer à tout changement d'état : 4. « Il y a quelque chose au-dessus de la république, c'est la défense et la conservation de la patrie ».
Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. XCV. SYNT. Conservation sociale (vieilli) : Dans les périodes de conservation sociale, la presse économique et financière a un rôle relativement simple : elle enseigne comment placer ses capitaux (La Civilisation écrite, 1939, p. 3803). Esprit de conservation : C'est par esprit de conservation, par amour de la stabilité que le paysan français est devenu le plus ferme appui de la révolution française (Les Fondateurs de la 3eRépublique, Ferry, 1885, p. 243). Parti de la conservation, politique de conservation : Ces conséquences, que Louis-Philippe et Guizot avaient entrevues lorsqu'ils s'étaient associés à Metternich pour une politique de conservation, échappaient aux républicains français (Bainville, Histoire de France, t. 2, 1924, p. 188). − Emploi abs., vieilli : 5. ... la royauté mérovingienne a été soumise à des études particulièrement approfondies : Fustel de Coulanges a employé toute son érudition à mettre en lumière le caractère conservateur qu'elle a affecté; la conservation lui paraissait si forte qu'il osait écrire qu'il n'y avait pas eu de véritable révolution et il se représentait toute l'histoire du haut moyen âge comme un mouvement ayant continué le mouvement de l'empire romain, avec un peu d'accélération.
Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 128. II.− Résultat (intentionnel ou non) de l'action de conserver, état de ce qui est conservé. Conservation de qqc. ou de qqn : 6. ... le manque de conservation des bières tient fréquemment à leur richesse trop grande en matières azotées apportées par le malt.
E. Boullanger, Malterie, brasserie,1934, p. 71. 7. Les diverses formations de syllabes, d'intensités et de temps que l'on peut composer sont très inégalement favorables à la conservation par la mémoire, comme elles le sont d'ailleurs à l'émission par la voix. On dirait que les unes ont plus d'affinité que les autres avec le mystérieux support du souvenir : chacune semble affectée d'une probabilité propre de restitution exacte, qui dépend de sa figure phonétique.
Valéry, Variété III,1936, p. 18. SYNT. (Bon, mauvais) état de conservation : Je me garderai bien de dire que Ronquerolles semblait être bâti de fer, tant l'action des siècles l'avait respecté; mais ce que je dois affirmer, c'est que l'état de conservation de ce vaste bâtiment était véritablement très remarquable (Soulié, Les Mémoires du diable, t. 1, 1837, p. 5). − En partic. ♦ ADMIN. Charge d'entreposer, classer. Les inscriptions se font au bureau de conservation des hypothèques dans l'arrondissement duquel sont situés les biens soumis au privilège ou à l'hypothèque (Code civil,1804, art. 2146, p. 389).P. méton. Administration chargée d'enregistrer quelque chose. Impossible de découvrir sa tombe et flemme d'aller me renseigner à la Conservation (Léautaud, Journal littér.,t. 1, 1893-1906, p. 275).Conservation des eaux et forêts (G. Belorgey, Le Gouvernement et l'admin. de la France,1967, p. 299). ♦ SC. Capacité de conserver, force conservatrice inhérente à une chose. Conservation de la quantité de mouvement, de la force, etc. On peut dire qu'on n'a fait, depuis Descartes, que changer ce qui ne change pas : conservation de la quantité de mouvement, conservation de la force vive, conservation de la masse et celle de l'énergie; il faut convenir que les transformations de la conservation sont assez rapides (Valéry, Variété V,1944, p. 246).Loi, principe de conservation : Les équations de Hertz pour l'électrodynamique des corps en mouvement sont-elles conformes au principe de la conservation de l'énergie? (H. Poincaré, Électr. et opt.,1901, p. 394). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃sε
ʀvasjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1364 « action de conserver » (Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 182 : conservation du droit); 1721 « état de ce qui est conservé » (Trév.); 2. 1617 « fonction de conservateur » (Pomey); 1804 conservation des hypothèques (Code civil, p. 389). Empr. au lat. class. conservatio « action de conserver », dér. de conservare (conserver*). Fréq. abs. littér. : 1 001. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 097, b) 920; xxes. : a) 1 116, b) 1 301. |