| CONJONCTURE, subst. fém. A.− 1. Rare. Liaison d'événements concomitants dans une situation donnée. En, dans une telle conjoncture : 1. L'occasion n'est pas l'instant pur et simple, mais elle n'est pas davantage le cas indifférent, casus, ni l'accident ou l'incident faisant problème, ni la conjoncture ou le nœud de circonstances formant grumeau au centre d'une situation imprévue...
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 107. − Absol. La situation momentanée, pour l'homme. Ce que la conjoncture, les jeux du destin font de nous (Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 11). 2. P. méton., usuel a) Gén. au sing. Ensemble d'événements se produisant en même temps et définissant comme tel une situation généralement attribuée, au moins en partie, au hasard. Synon. concours de circonstances, occasion, occurrence : 2. ... nous avons (...) en quelques dizaines d'années, créé et bouleversé tant de choses aux dépens du passé (...) que le présent nous apparaît comme une conjoncture sans précédent et sans exemple, un conflit sans issue entre des choses qui ne savent pas mourir et des choses qui ne peuvent pas vivre.
Valéry, Variété IV,1938, p. 197. SYNT. Heureuse, fatale, triste conjoncture; conjoncture délicate, difficile, grave, pénible, terrible, tragique, agréable, favorable; conjoncture momentanée, transitoire, actuelle, plus lointaine, accidentelle, imprévisible, particulière; la conjoncture électorale, militaire, politique, syndicale, stratégique; conjoncture internationale; conjoncture atomique mondiale; conjoncture ponctuelle. − P. ext. Situation politique, économique d'ensemble du moment. Faire une sorte de « conjecture sur la conjoncture » (J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 44).Une décision de principe que la conjoncture me fait paraître urgente (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 615). b) Au plur., plus rare. Les événements dont l'ensemble forme la conjoncture. Les conjonctures; une série de conjonctures; dans les conjonctures actuelles, présentes; en de pareilles conjonctures. La conduite qu'il leur conviendrait de tenir dans les conjonctures présentes et les éventualités futures (A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 290).L'heure était solennelle et les conjonctures d'une exceptionnelle gravité (Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 259).Esclaves-nés des circonstances et des conjonctures (Bernanos, L'Imposture,1927, p. 406).Dans les grandes conjonctures comme dans les petites (Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1173). B.− Spéc., ÉCON. 1. Situation économique ou financière (d'une entreprise, d'un pays, etc.) à un moment déterminé, résultant d'événements plus ou moins fortuits et incontrôlés. Fléchissement de la conjoncture; fluctuations, variations de la conjoncture. − Ensemble des éléments variables d'une situation économique, par opposition aux structures. Décrire, étudier la conjoncture européenne, française, mondiale; conjoncture haute, basse : 3. Même si une politique régularisatrice est poursuivie par les grandes firmes, les groupes et les pouvoirs publics, la modification de la conjoncture et des rapports de forces suscite des changements.
Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 151. 2. P. méton. Connaissance de ces éléments, en vue de prévoir l'évolution d'une situation économique, financière, des éléments qui y sont liés (politiques, sociaux, démographiques, etc.). Études, instituts de conjoncture; la prospective s'appuie sur la conjoncture : 4. Les études de conjoncture, fondées sur les « baromètres » de l'économie, les enquêtes (...) statistiques et (...) économiques (...), permettent des prévisions à court terme et orientent l'action en procédant par quatre étapes : observation des faits et statistiques, diagnostic de présentation, diagnostic explicatif, et pronostic.
D'apr. Romeuf, t. 2, 1958. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃
ʒ
ɔ
̃kty:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Av. 1475 « situation résultant d'un concours de circonstances » (G. Chastellain, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, t. V, p. 141 : mauvaise conjoncture); 2. 1937 spéc. « ensemble des éléments dont dépend la situation économique, démographique, politique ou sociale à un moment donné » [ici, économique] (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, p. 71). [Ce n'est pas conjoncture, mais conjecture, var. conjointure, qui est attesté au xives. ds J. Le Fevre, Mattheolus, éd. Kervyn de Lettenhove, 2845]. Réfection, d'apr. le lat. conjunctus (conjoint*), de l'a. fr. conjointure (attesté dep. ca 1170 au sens de « récit agencé selon les règles de l'art d'écrire » ds Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 14), lui-même dér. de conjoint*. Le lat. médiév. conjunctura (FEW t. 2, p. 1054b) ne semble pas attesté. L'ital. congiuntura (EWFS2; Brunot t. 3, p. 221; Wind, p. 172) n'est pas attesté au sens 1 av. 1600 (Davanzati ds Batt.). Fréq. abs. littér. : 253. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 318, b) 174; xxes. : a) 190, b) 595. DÉR. Conjoncturiste, subst.,écon. Spécialiste qui étudie tous les éléments (statistiques, courbes de variations, etc.) de la situation économique afin d'établir un diagnostic et un pronostic sur son évolution. L'embarras des conjoncturistes pour dresser un modèle économétrique qui permettrait de déterminer mathématiquement la consommation des ménages à partir de leurs liquidités s'explique (Le Monde,9 janv. 1968ds Gilb. 1971).− [kɔ
̃
ʒ
ɔ
̃ktyʀist]. − 1reattest. 1953 (Lar. 20eSuppl.); de conjoncture, suff. -iste*. BBG. − Conjoncture et ses dér. Vie Lang. 1966, pp. 573-575. − Giraud (J.), Pamart (P.), Riverain (J.). Mots dans le vent. Vie Lang. 1970, p. 96. − Wind 1928, p. 172. |