| CONFRONTER, verbe trans. I.− Emploi trans. indir., vieilli. [Le suj. désigne un terrain, une construction, etc.] Confiner à, être contigu à, être situé au bord de (cf. affronter I B 3). Un petit bien jointif au mien. Il confronte, du côté du levant, à deux de mes métairies (Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 13; cf. également p. 109). Rem. La docum. fournit un emploi p. ext. du tour passif (être) confronté à qqc. (cf. II B 1) avec la signif. « (être) mis à côté de qqc. dans une relation d'opposition et de mise en valeur réciproque », donc jouant simultanément sur le sens vieilli (et étymol.) de l'emploi trans. indir. et sur le sens mod. d' « opposition » que tend à prendre le mot (cf. II B 3, III A 2 et III B 2). Un violet velouté confronté à un mauve très pâle (Colette, Gigi, 1944, p. 191). II.− Emploi trans. A.− DR. PÉNAL. [Pendant l'instruction d'une affaire] Confronter (des pers.), confronter qqn avec ou à qqn.Mettre en présence un prévenu avec sa victime ou avec un témoin, en vue de comparer leurs déclarations. Confronter des prévenus. Et le juge d'instruction ne vous croira pas sur parole? Si on vous confronte avec vos copains, ils vous contreront? (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 473): 1. Au criminel, la procédure se faisoit publiquement. On confrontoit l'accusateur à l'accusé, et celui-ci obtenoit tous les moyens de défense qu'il pouvoit croire favorables à son innocence, ou à l'excuse de son crime.
Chateaubriand, Essai sur les Révolutions,t. 1, 1797, p. 324. B.− P. ext. 1. [L'idée dominante reste celle de « face à face contradictoire », mais en dehors d'un cont. jur.] Confronter (des pers.), confronter qqn avec ou à qqn : 2. − Pourquoi l'appelez-vous? dit l'abbé Demange, pourquoi l'humilier? À quoi bon! (...)
− J'aime à vous confronter, fit-il. J'aime à vous voir face à face.
Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 124. 3. − Il est vrai, monsieur le Supérieur, (...) que j'ai pour lui de l'amitié, mais cette amitié n'est pas de telle nature... Je vous en prie, appelez-le, confrontez-moi avec lui!
Billy, Introïbo,1939, p. 90. − Au passif. (Être) confronté à ou avec qqc.[Le suj. appartient à la catégorie de l'animé, ou y est assimilé; le compl. d'obj. désigne une chose à laquelle le suj. se trouve contraint de faire face] (Être) mis face à quelque chose. Douce nuit, notre témoin et notre juge, devant laquelle nous voici tout d'un coup confrontés avec notre destin (Guéhenno, Journal d'un homme de 40 ans,1934, p. 258).Mais nous sommes confrontés avec un problème beaucoup plus grave (Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 22): 4. Confronté jour et nuit à son crime innocent, il devenait trop difficile pour lui de se maintenir et de continuer. Il valait mieux en finir...
Camus, La Chute,1956, p. 1531. Rem. 1. Cette tournure néologique très en vogue est critiquée par les puristes (cf. Colin 1971 s.v.). 2. On rencontre ds la docum. cette accept. avec le verbe à l'actif : confronter qqn à qqc. Les relations étrangères, les rapports avec la résistance métropolitaine, (...) confrontaient notre comité avec de multiples problèmes (De Gaulle, Mémoires de guerre, 1956, p. 121). 3. Colin 1971 signale : ,,On trouve même le verbe à l'actif avec un complément d'objet direct désignant la personne. Les problèmes qui nous confrontent. C'est un tour à déconseiller.`` 2. [Cet emploi retient, du sens de base, les idées de « face à face » et de « comparaison »] Confronter (des choses), confronter qqc. avec ou à qqc., confronter qqc. et qqc., confronter (des choses entre elles).Examiner (des choses, des faits, des idées, etc.) dans un esprit de comparaison, pour mettre en évidence les rapports de ressemblance ou de différence sur lesquels fonder son opinion. Synon. didact. conférer.Mentalement il confronte tous ces récits, les classe, les compare (Cendrars, L'Or,1925, p. 41).Portraits de saints presque tous confrontés avec des masques mortuaires qui corroborent, ou infirment, le témoignage de la peinture (Green, Journal,1945, p. 275).Nous nous sommes bornés (...) à confronter entre elles, des vérités théoriques ou pratiques reconnues de tous (Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 63): 5. Il arrive constamment que l'esprit confronte avec une idée déterminée une certaine masse d'expérience qui lui est donnée, mais ne l'est pas sous forme d'idée...
Marcel, Journal métaphysique,1923, p. 290. − Emploi abs. Comparer. J'écoute, j'interroge, je note, je confronte, je me fais l'effet du greffier de l'histoire (Hugo, Correspondance,1852, p. 75).Une intelligence primesautière, saisissant ses objets à la volée, sautant de l'un à l'autre, (...) incapable de confronter, de réfléchir, d'abstraire (Mounier, Traité du caractère,1946, p. 651). 3. Rare. [P. infl. du verbe affronter* I B 2, l'idée de « face à face contradictoire » évoluant en idée d'« opposition », de « conflit », d' « affrontement »; avec un suj. appartenant à l'animé ou à l'inanimé] Confronter (des choses), confronter qqc. à qqc.Opposer, mettre face à face, faire s'affronter (des choses) : 6. ... luttez contre la matière qui s'appelle césarisme avec cette toute-puissance impalpable, la pensée. L'absolutisme vous fait face, confrontez-lui la liberté.
Hugo, Correspondance,1868, p. 101. 7. Laval tenta, d'abord, d'exposer sa conduite (...) comme la manœuvre d'un homme d'État qui composait avec le pire et limitait les dégâts. (...) l'accusé pouvait imaginer que le débat tournerait à une discussion politique, confrontant, entre gens du métier, des théories diverses et aboutissant à une cote mal taillée qui lui vaudrait, finalement, les circonstances atténuantes.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 251. Rem. On rencontre ds la docum. un emploi isolé de la constr. confronter qqn avec le sens « lui faire face, l'affronter » : 8. L'heure est arrivée face à face, et retirée toute échappatoire, de confronter enfin Israël, de lui livrer, de lui placer entre les mains la réalisation en pleine figure de cette attente de tout l'univers dont, par-dessus les siècles et les millénaires et les éons, il a été constitué l'expression légale.
Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 27. III.− Emploi pronom. [L'idée dominante est celle de « face à face » le plus souvent alliée soit à celle d'« appréciation par comparaison », soit à celle d'« opposition », de « conflit », d'« affrontement »] A.− Emploi pronom. réfl. 1. [Avec les idées de « face à face » et d' « appréciation par comparaison »] Se confronter avec ou à soi-même.Se mettre face à soi-même en cherchant à se situer, à s'évaluer, à prendre sa propre mesure (cf. affronter II A 2 b). Les Oflags aussi ont été ces vases clos où l'homme ne trouve plus que lui-même à qui se confronter (Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 308): 9. Elle [la présence de Lampieur] empêchait absolument Léontine de revenir en arrière, de communiquer avec elle-même, de se confronter avec elle-même...
F. Carco, L'Homme traqué,1922, p. 56. ♦ Se confronter.Prendre sa mesure, se jauger par comparaison. Un homme qui agit nécessairement se confronte (S. de Beauvoir, Le Deuxième sexe,1949, p. 460).Pour l'homme mûrissant déjà engagé dans la réalisation d'une œuvre, lire les romans des autres, c'est une manière de faire le point; c'est se confronter (Mauriac, Mémoires intérieurs,1959, p. 69). 2. Se confronter avec ou à qqc., avec ou à qqn. a) [Les idées dominantes restent celles de « face à face » et d'« appréciation par comparaison »] Se mettre face à quelque chose ou quelqu'un par rapport à quoi ou à qui l'on se situe, s'évalue. Je rêvais, (...) je m'accordais le plaisir de me confronter à des vies peut-être imaginaires (Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 81).C'est seulement quand je me confrontais à Zaza que je déplorais amèrement ma banalité (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 115): 10. Ne m'avez-vous pas dit l'émotion qui vous prit à simplement vous confronter avec la façade du château de La Valette? J'ai voulu vous donner comme compagnons les esprits qui inspirèrent l'ordre créateur de ces œuvres nobles.
Giono, Angelo,1958, p. 201. b) [À l'idée de « face à face » s'ajoute celle d'« opposition », de « conflit », d'« affrontement »] Se mesurer avec quelque chose ou quelqu'un (cf. affronter II A 2 b) : 11. Apparemment, il s'agit de transformer la plus lumineuse des baies en un port gigantesque. En fait, c'est encore une occasion pour l'homme de se confronter avec la pierre.
Camus, L'Été,1954, p. 51. B.− Emploi pronom. réciproque. 1. [L'idée dominante est celle de « face à face »] Se faire face (cf. affronter I B 1 et II B). Elle ni lui ne parlaient. On eût dit deux statues qui se confrontaient (Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 371). 2. [À l'idée de « face à face » s'ajoute celle d'« opposition », de « conflit », d'« affrontement »] Se faire face en se mesurant, en s'opposant l'un à l'autre (cf. affronter II A 2 a). L'intérieur si vivant de ce jeune couple fut le carrefour où se confrontèrent les débutants « talentueux », comme disait Goncourt (Blanche, Mes modèles,1928, p. 9).Au cours de cette séance se confrontèrent ouvertement les conceptions et les passions (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 53). Rem. gén. ,,Confronter peut être tout aussi bien suivi de à que de avec : (...) Néanmoins l'usage tend de plus en plus vers l'emploi unique d'avec`` (Thomas 1956). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃fʀ
ɔ
̃te], (je) confronte [kɔ
̃fʀ
ɔ
̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1344 « être situé près de, confiner à » (A.N. JJ fo83 vods Gdf. Compl.) − 1878, Ac.; 2. 1371 « établir, déterminer (spécialement les limites d'une terre) » (Ch. des compt. de Dole, C 377, A. Doubs. ds Gdf. Compl.); 1538 « comparer » (Est., s.v. componere); 1585 confronter des tesmoins (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, t. 2, p. 173 ds IGLF). Empr. au lat. médiév. confrontare (composé de cum et frons « le front »), « confiner à » (domaine gascon, 1289 ds Latham). Fréq. abs. littér. : 318. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 227, b) 299; xxes. : a) 338, b) 789. Bbg. Le Bidois Délire 1970, p. 270. |