| COMPROMETTRE, verbe. A.− Emploi intrans., vieilli − DR. S'engager par un acte à s'en rapporter au jugement d'un ou plusieurs arbitres pour régler ses différends avec autrui; avoir recours à un arbitrage. Ils ont compromis de toutes leurs affaires entre les mains d'un tel. Je lui ai offert de compromettre là-dessus s'il voulait. Ils ont compromis sur tous les chefs du procès (Ac.1835-1932) : 1. On ne peut compromettre sur les dons et legs d'aliments, logement et vêtements; sur les séparations d'entre mari et femme, divorces, questions d'état, ni sur aucune des contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public.
Code de procédure civile,1806, art. 1004. B.− Emploi trans. Mettre dans une situation qui peut devenir critique, exposer à un danger. 1. [L'obj. est un inanimé désignant une valeur] Mettre en danger, exposer à un dommage, à un préjudice. Compromettre son avancement, le succès d'une affaire : 2. Pourquoi ne m'a-t-elle pas laissé suivre ma voie? Nous sommes pauvres, c'est entendu; mais ce n'est pas une raison pour avoir faussé ma carrière, perdu ma vie, compromis, gâché mon bonheur.
G. Duhamel, Confession de minuit,1920, p. 31. SYNT. Compromettre l'avenir, les chances, la défense, l'équilibre, l'existence, les intérêts, l'unité (de qqc.), la sûreté ou l'honneur de l'État; craindre, risquer de compromettre. − [L'obj. peut être un inanimé concr.] On causa du printemps, dont les grandes pluies avaient compromis les récoltes (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 353).Les sous-barbes du beaupré cassèrent et compromirent la stabilité du mât de misaine (Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, p. 41). 2. Compromettre qqn (dans une situation, une affaire) a) Mettre quelqu'un pour un temps plus ou moins long, à titre plus ou moins définitif, dans une situation difficile, au physique et surtout au moral, en l'impliquant dans une affaire où il risque de perdre sa réputation, le plus souvent pour servir son propre intérêt. Je ne voudrais pas qu'il fût rien dit [dans le procès] qui pût vous nuire et vous compromettre, vous personnellement (Hugo, Correspondance,1832, p. 518).Nous ne voterons pas pour lui; il est trop compromis comme orléaniste (Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 1147): 3. Compromis dans le Panama, dans toutes les affaires suspectes, il passait chaque fois à travers les mailles du filet de la justice, reparaissait souriant et acquitté.
De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 17. − P. méton. [L'obj. désigne un élément, un aspect représentatif de la pers.] Il faut se tenir éloigné des affaires publiques quand elles peuvent compromettre la conscience, quand on ne peut s'en mêler sans trahir le devoir et l'honneur (Maine de Biran, Journal,1815, p. 90). − Spéc. Compromettre une femme. Risquer de nuire à sa réputation par son attitude, ses paroles en donnant à penser qu'on a une liaison avec elle : 4. Moi, mon cher, je n'ai pas à me reprocher d'avoir jamais compromis une femme ou déshonoré une fille. Je n'ai heureusement rencontré que des personnes qui avaient pris leurs précautions avant de me connaître. Je n'ai eu que des amours de table d'hôte.
A. Dumas Fils, Le Fils naturel,1858, III, 2, p. 138. b) Emploi pronom. − Péj. Se mettre dans une situation délicate, douteuse, risquer d'y perdre sa réputation : 5. Moi, je peux écrire des niaiseries; moi, je peux m'avilir; moi, je peux me compromettre. Je suis dès maintenant, en effet, compromis dans toute cette sale cuisine.
G. Duhamel, La Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, pp. 162-163. ♦ Spéc. [En parlant d'une femme] Se compromettre (avec qqn).S'afficher avec un homme en donnant à penser qu'on a une liaison avec lui, en donnant prise aux commérages. Et elle se promenait avec lui dans les rues, tête haute, sans peur, disait-elle, de se compromettre (Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 126). − Non péj. Assumer des risques dans une affaire difficile, engageant à fond sa personne, son avenir. Se compromettre dans une affaire difficile avec qqn; ne pas craindre de se compromettre. Je suis excédé de leur lâcheté, de leur besoin de ne jamais se compromettre tout à fait (Malraux, Les Conquérants,1928, p. 140). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃pʀ
ɔmεtʀ
̥], (je) compromets [kɔ
̃pʀ
ɔmε]. Ds Ac. 1694-1932. Cf. mettre. Étymol. et Hist. 1. 1283 intrans. « s'en remettre à l'arbitrage d'un tiers » (Arch. S 4949, pièce 46 ds Gdf.); d'où 1580 fig. compromettre a « se soumettre à » (Montaigne, Essais, II, chap. 17, collection Pléiade, p. 739), rare; 2. 1636 compromettre de « exposer (qqc.) à un préjudice » (Corneille, Cid, Avertissement : avoir compromis de ma réputation); 1680 pronom. « s'exposer à quelque préjudice » (Rich.); 1690 trans. (Fur.); spéc. 1837-38 se compromettre [d'une femme] (Gautier, Fortunio, p. 74 ds Rob.). Empr. (avec adaptation d'apr.promettre) au lat. jur.compromittere (proprement « promettre en même temps »), « s'engager mutuellement à, soumettre un différend à l'arbitrage d'un tiers » (class., médiév. v. Bambeck ds Mél. Wartburg, t. 2, 1968, pp. 216-217 et Nierm.); sens 2 peut-être dû au fait qu'en s'en remettant à l'arbitrage d'un tiers, on s'expose au hasard de son jugement, donc à un préjudice possible. Fréq. abs. littér. : 1 468. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 426, b) 2 643; xxes. : a) 1 703, b) 1 731. Bbg. Bambeck (M.). Mittellateinische Lexikalia zum FEW. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, pp. 216-217. |