| COMPAS, subst. masc. I. A.− Instrument servant à prendre ou à reporter des mesures, à tracer des cercles, composé de deux branches, dont l'une se termine par une pointe en métal et l'autre peut porter une pointe, un crayon ou un tire-ligne. Le lac Pavin, si rond qu'il semble fait au compas (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Humble drame, 1883, p. 402): 1. ... de son compas, il prit, sur le dessin de M. Darzac, la mesure du rayon du cercle qui figurait l'espace occupé par la tour du Téméraire, ce qui lui permit de retracer immédiatement ce même cercle sur un morceau de papier blanc immaculé, ...
G. Leroux, Le Parfum de la dame en noir,1908, p. 147. SYNT. Compas à pointes sèches; compas de chapelier, de cordonnier; ouverture du compas; pointes, branches ou jambes du compas; étui à compas; boîte de compas; mesurer au compas; tracer un cercle, une circonférence avec un compas. − Spéc. Compas à balustre (cf. balustre B 3).Compas quart de cercle. Dont une des branches glisse sur un arc de cercle fixé à un bout de l'autre. Compas de proportion. Dont les branches sont munies de règles graduées. Compas de réduction. Pour réduire les dimensions d'un plan dans un rapport donné. Compas d'épaisseur. Pour mesurer des épaisseurs. Compas maître à danser. Pour mesurer le diamètre intérieur des objets creux. Compas à ellipse. Pour tracer les courbes elliptiques. − P. ext. Compas à verge. Longue règle portant un point fixe et une autre coulissant le long de la règle. B.− P. métaph. ou au fig. 1. [P. réf. à la forme du compas] Le (ou les) compas. Les jambes. Ouvrir, fermer le compas. Marcher. Allonger le compas. Marcher rapidement : 2. ... un homme (...) marchait devant eux (...). On pouvait lui donner dans les soixante ans mais il ouvrait solidement ses compas comme le juif errant en personne.
Giono, Le Hussard sur le toit,1951, p. 332. 2. [P. réf. à la fonction de cet instrument] a) Mesure, évaluation. Un siècle où le compas des sciences n'avait pas encore circonscrit les idées comme elles l'ont été de nos jours (J. de Maistre, Du Pape,1819, p. 94).Il [M. Cuvellier-Fleury] a le tort, même en littérature, de tout voir par la lucarne de l'orléanisme; on est jugé et mesuré par lui à ce compas (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 1, 1863-69, p. 398). ♦ Ouverture de compas. Ouverture d'esprit, largeur de vues. Regnard était un des hommes d'alors qui, dans sa vue du monde, avait le plus ouvert son compas (Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 7, 1851-62, p. 8).J'aime mieux la Correspondance de Voltaire. L'ouverture du compas y est autrement large! (Flaubert, Correspondance,1876, p. 384): 3. « Quelle tête feraient ces gens (...) à qui mon smoking impérial-royal donne une si haute idée de mon niveau de vie, si dimanche ils me voyaient sur la route de Falicon, la petite à mon bras riant très fort, comme elle doit faire, avec l'accent de la vieille ville? » J'étais tantôt assez fier de l'ouverture de compas dont je prouvais ainsi que j'étais capable; ...
Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 107. b) Locutions ♦ Faire qqc. par compas, au compas. Avec exactitude, rigueur, minutie : 4. Lorsque Grange acheta son nouveau château des sept portes, tout était délabré (...). Grange, qui aimait les choses faites par compas, rajusta tout au mieux possible.
Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 121. ♦ Fam. Avoir le compas dans l'œil. Estimer, à première vue, une dimension aussi exactement qu'avec un compas : 5. Les sculpteurs, les peintres surtout, redoutent l'empire de la géométrie (...) ils rappellent volontiers qu'il faut avoir le compas dans l'œil, suivant le mot de Michel Ange, sans songer que ce grand homme, avant de s'exprimer ainsi, avait eu longtemps le compas dans la main.
Ch. Blanc, Gramm. des arts du dessin,1876, p. 51. II.− MAR., AÉRON. Boussole de navigation. M. Dagelet a eu soin de vérifier et de corriger les relèvemens faits au compas de variation (Voyage de La Pérouse,t. 2, 1797, p. 141).Pour le compas, il y a trente-deux vents, c'est-à-dire trente-deux directions (Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 347).Je suis celui qui contrôle le compas pour y maintenir 313 degrés (Saint-Exupéry, Pilote de guerre,1942, p. 281). SYNT. Compas astronomique; gyroscopique; magnétique, liquide, renversé, de route. − Loc. Le vent part de tous les points du compas, fait le tour du compas. Il souffle de tous les points de l'horizon (indiqués par le compas). Vers midi nous sommes affalés à la côte du continent en face d'Hydra. Des coups de vent terribles, et partant de tous les points du compas, rendent la manœuvre périlleuse (Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 119).Le vent avait une tendance à sauter d'un point du compas à l'autre, qui ne permettait pas de compter sur un temps fait (Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 582). ♦ P. métaph. Ma volonté tourne à tous les points du compas (Courier, Lettres de France et d'Italie,1810, p. 835). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃pɑ]. Les dict. sont unanimes quant au caractère post. de la voyelle finale. Enq. : /kõpa, (D)/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. I. 1. Début du xiies. cumpas « système de mesure, mesure » (Voyage de Charlemagne à Jérusalem, éd. E. Koschwitz, 348); 2. xiies. compas « instrument servant à mesurer des longueurs et à tracer des circonférences » (Gloss. de Tours ds Bibl. de l'Éc. des Chartes, V, 1869, p. 330 ds T.-L.); 1740 fig. avoir le compas dans l'œil (Ac.); av. 1755 (Saint-Simon, Mémoires, éd. A. de Boislisle, t. 13, p. 20 d'apr. Adam, p. 65); 3. 1676 « nom de divers instruments professionnels servant à prendre des mesures » (Félibien Dict., p. 535); 4. 1829 pop. « paire de jambes » (Balzac, Les Chouans, p. 10). II. 1575 compas de mer « boussole marine » (Thevet, Cosmographie, XII, 12 ds Hug.). I déverbal de compasser*. Il peut-être empr. sém. à l'angl. compas « id. » (ca 1515 ds NED) [peut-être en ce sens dès le xves., v. Encyclop. brit. t. 6, p. 227a et MED]. L'évolution sém. de I à II, due à la forme circulaire de la boussole, est souvent donnée comme ayant eu lieu en ital. (compasso « compas azimutal », fin xiiies.-début xives. ds Batt.), v. Encyclop. brit. t. 6, p. 226b. Fréq. abs. littér. : 274. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 368, b) 420; xxes. : a) 339, b) 421. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 51, 156. − Gohin 1903, p. 357. − Gutmans (Th.). Une Terminol. occ. unifiée dès le Moy. Âge. Linguistique. Paris. 1970, t. 6, no1, p. 151. |