| COMPAGNIE, subst. fém. I.− Fait d'être d'une manière habituelle ou occasionnelle auprès d'une personne. A.− Présence (d'une ou plusieurs personnes, et p. métaph. d'un animal ou d'une chose) auprès d'une personne. Rechercher, aimer la compagnie; la compagnie des dames : 1. Je vois ma mère et ma nièce les dimanches, et puis c'est tout. Ma seule compagnie consiste en une bande de rats qui font dans le grenier, au-dessus de ma tête, un tapage infernal, ...
Flaubert, Correspondance,1867, p. 267. − Absol. Aimer la compagnie. Aimer être avec une ou plusieurs personnes : 2. Genevet a beau les mal nourrir, pour les rendre un peu féroces, ses chiens restent tout juste bons à aboyer faiblement à la lune, quand ils s'ennuient de se trouver seuls dans l'obscurité, tellement ils aiment la compagnie.
Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 56. B.− Vx [En parlant d'une pers., d'un animal ou d'un lieu] Être (paraître) bonne ou mauvaise compagnie. Être (pour quelqu'un) une présence agréable ou désagréable. Avec les animaux je veux passer ma vie; ils sont si bonne compagnie! (Florian, Fables,Le Savant et le fermier, 1792, p. 132).Il [Véron] était tout à fait bonne compagnie dans le sens de bon compagnon (Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 9, 1851-62, p. 531). C.− Expr. et loc. diverses 1. En bonne compagnie. Avec une ou plusieurs personnes agréables. Comtesse, permettez que je vous présente le chevalier de Valelos, ... Comtesse, je vous laisse en bonne compagnie (A. Dumas Père, Un Mariage sous Louis XV,1841, II, 3, p. 131).En galante compagnie. Avec une femme (cf. Morand, New York, 1930, p. 143). 2. Loc. verbales [Le suj. est un animé ou un inanimé] Tenir compagnie à qqn; faire compagnie à qqn (vieilli). Être auprès d'une personne (pour la distraire dans sa solitude); empêcher une personne de se sentir seule. Le feu lui tient compagnie. Les livres lui tiennent compagnie (Ac.). Fausser compagnie à qqn. Quitter (assez brusquement) la personne auprès de laquelle on se trouvait. Elle [madame de Rias] faussa tout à coup compagnie au vicomte Roger pour joindre M. de Kévern (O. Feuillet, Un Mariage dans le monde,1875, p. 20): 3. Ce bruit familier [les moulins de Leysieu], dès l'instant qu'elle l'eut identifié, lui tint compagnie. C'était une présence humaine.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 43. 3. Dame ou demoiselle de compagnie. Personne dont la fonction consiste à tenir compagnie (à une femme ou à une jeune fille) : 4. MlleAndriot : cheveux presque blancs; le visage est disgracié. Bien habillée, quoique sans élégance. Un rien « dame de compagnie », mais un rien seulement.
Montherlant, Celles qu'on prend dans ses bras,1950, p. 767. 4. Loc. adv. ou prép. a) [Détermine un verbe dont le suj. est une pers. ou une chose abstr.] De compagnie. Ensemble. Un homme riche, sot et vain, Qualités qui par fois marchent en compagnie (Florian, Fables,Le Sanglier et les rossignols, 1792, p. 115).Vers le milieu de l'été, toute la famille se prit à rêver de compagnie (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 102).Par compagnie. Comme les chances humaines vont toujours par compagnie, le petit Jean fit son apparition sous les myrtes du domaine (A. Daudet, Sapho,1884, p. 94). b) [Peut être suivi d'un nom désignant un animé ou un inanimé] En compagnie (cf. Balzac, Gobseck, 1830, p. 390). Avec une (ou plusieurs) personne(s). En (dans la) compagnie de. Avec. Hélas! je suis revenu depuis sur la terre, j'ai cheminé en compagnie de la réalité, sous la férule du jugement et de la raison (Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 173).Rien de neuf dans ma vie, mon cher vieux. Je la passe uniformément au milieu de mes livres et dans la compagnie de mon chien (Flaubert, Correspondance,1872, p. 460).De compagnie avec (Mmede Chateaubriand, Mémoires et lettres, 1847, p. 4). En même temps que, avec. SYNT. Dîner en compagnie de, se plaire ou s'ennuyer en/dans la compagnie de. II.− P. méton. Groupe de plusieurs personnes. A.− 1. Vx. Ensemble de personnes qui se trouvent habituellement auprès de quelqu'un : 5. Alors le père Maurice prononça son compliment. Il invitait le maître de la maison et toute sa compagnie, c'est-à-dire tous ses enfants, tous ses parents...
G. Sand, La Mare au diable,1846, p. 165. 2. Groupe de personnes réunies le plus souvent dans un but distractif. Une nombreuse compagnie; une compagnie choisie : 6. À cette heure même, dans une chambre voisine de la sienne, une compagnie de jeunes gens et de jeunes femmes, buvant à plein verre le vin, qui est le jus du plaisir, chantaient ce refrain connu : « dans un grenier qu'on est bien à vingt ans ».
Murger, Scènes de la vie de jeunesse,1851, p. 173. − Expr. fam. [S'adressant à une ou plusieurs pers., en guise de salut, ou à la vie, en guise d'adieu] Bonsoir la compagnie. Il saluait le bibliothécaire par ces mots : − Bonsoir, la compagnie! (A. France., La Révolte des anges,1914, p. 174): 7. Je peux encore être d'une petite utilité à la cause de la vérité; mais, si je te perdais [Maurice Sand], bonsoir la compagnie!
G. Sand, Correspondance,t. 3, 1812-76, p. 138. − Proverbe. Il n'y a si bonne compagnie qui ne se sépare ou ne se quitte (Ac.). ,,Les choses même les plus agréables ont une fin`` (Lar. 19e). 3. Spéc. La bonne compagnie. Personnes appartenant à la classe aisée, se fréquentant exclusivement. La haute ou la grande compagnie. L'aristocratie. La mauvaise compagnie. Personnes d'un bas niveau social, personnes qui, d'après les règles morales et les valeurs admises par d'autres, sont grossières et vulgaires. La bonne compagnie, en Allemagne, c'est la cour; en France c'étoient tous ceux qui pouvoient se mettre sur un pied d'égalité avec elle (Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 1, 1810, p. 170).Si violente que soit leur passion, Hermione, Andromaque, Roxane, Bérénice, gardent le ton de la meilleure compagnie (Taine, Philos. de l'art,t. 1, 1865, p. 93): 8. À Paris, dans la « Société » l'argent ne joue qu'un rôle occulte. On est censé en avoir... Manquer à cette convention, ce serait s'éliminer soi-même de la bonne compagnie.
A. Daudet, Immortel,1888, p. 119. − [En parlant d'une pers.] De bonne ou de mauvaise compagnie. Qui appartient à la bonne ou à la mauvaise compagnie et en a les manières; qui a de bonnes manières, qui est bien élevé, ou le contraire. Il faut laver son linge sale en famille, disait Napoléon, dans un langage bien digne d'un empereur de mauvaise compagnie (Fongeray, Les Soirées de Neuilly,t. 1, 1827, p. 15): 9. M. Care est un philosophe bien pensant et de bonne compagnie, la petite monnaie de Cousin, un écrivain fade et sucré, dont la tenue correcte a fait le triomphe.
Zola, Doc. littér.,Chateaubriand, 1881, p. 12. ♦ Plais. J'aurai l'honneur de vous donner un soufflet (...) de bonne compagnie... avec le gant! (Labiche, J'ai compromis ma femme,1861, 10, p. 159). ♦ P. méton. : 10. Il y a des rues de mauvaise compagnie où vous ne voudriez pas demeurer... Quelques rues... ont une belle tête et finissent en queue de poisson...
Balzac, Ferragus,1833, p. 13. B.− Groupe organisé, institué pour un but précis. 1. Corps constitué, association de personnes (magistrats, religieux, savants, gens de lettres ou artistes) réunies pour une œuvre commune. Une compagnie de ballets, une compagnie de musique. La plupart des riches paysans romains, alors comme aujourd'hui, faisaient partie de quelque compagnie de pénitents (Stendhal, L'Abbesse de Castro,1839, p. 172).Les avoués de Paris, compagnie assez calomniée, entreprennent gratuitement la poursuite des procès des indigents (Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 402). − Absol. La compagnie ou la Compagnie. Peut désigner, selon le contexte : la compagnie des Jésuites ou compagnie de Jésus, l'Académie française, la Comédie-Française; [souvent suivi d'un nom propre, nom du fondateur] la compagnie de théâtre X... ou Y... Il ressemblait, tout de noir vêtu, énergique et onctueux en même temps, à quelque membre de la Compagnie (F. Jammes, Mémoires,1922, p. 207).J'ai entendu la compagnie Stanislavsky jouer les Trois sœurs de Tchekhov (Du Bos, Journal,1926, p. 32): 11. « Messieurs de la Comédie-Française! ... » Rasés de près, solennels, saluant ainsi qu'au grand siècle, ils se campaient en nobles attitudes autour de leur doyen qui, d'une voix caverneuse, présentait la Compagnie, parlait des efforts, des vœux de la Compagnie, la Compagnie sans épithète, sans qualificatif, comme on dit Dieu...
A. Daudet, Numa Roumestan,1881, p. 297. 2. a) Société commerciale (spécialisée dans certaines opérations ou assurant un service public), ou société industrielle. Compagnie d'assurances. Le gouvernement de la République demeura soumis au contrôle des grandes compagnies financières (A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 322). SYNT. Compagnie de chemin de fer, de gaz, de navigation, d'omnibus; compagnie aérienne; compagnie pétrolière. b) Loc. Et compagnie (abrév. et Cie). [Loc. que l'on ajoute après l'énumération des associés désignant la raison sociale de la société, pour indiquer qu'il en existe d'autres qui ne sont pas nommés] Et ses associés : 12. [Le maître drapier :]. − ... Joseph, l'inventaire est fini... Madame Guillaume m'a donné l'idée de vous offrir un intérêt. Hein! Guillaume et Lebas, ces mots ne feraient-ils pas une belle raison sociale? On pourrait mettre et compagnie pour arrondir la signature.
Balzac, La Maison du chat-qui-pelote,1830, p. 31. − Familier ♦ [Après un adj. de sens péj. : laisse sous-entendre tous les synon. possibles] Tous les curés, ça se vaut, c'est hypocrite et compagnie (Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 1187). ♦ [Après un nom propre de pers.] Plais. ou péj. Et tous les autres. À ton âge, je savais Virgile et compagnie par cœur (J. de Maistre, Correspondance,t. 3, 1808-10, p. 142).Les larves sinistres comme Painlevé, Poincaré, Briand et compagnie l'avaient [Mangin] en suspicion et en haine (L. Daudet, La Recherche du beau,1932, p. 197). c) ARITHM. Règle de compagnie. Synon. règle de société*. 3. Spéc. Groupe, troupe de gens armés. Le reste du royaume était dévasté par les compagnies d'aventuriers et de brigands qui n'obéissaient à aucun souverain (Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-24, p. 58). a) Bande d'aventuriers. Réunis en bandes très-nombreuses, ou plutôt une grande armée qu'on appelait la compagnie blanche, ils [les aventuriers] pillaient les campagnes (Mérimée, Hist. de Don Pèdre Ier, roi de Castille,1848, pp. 334-335).Plur. Les grandes compagnies. Bandes qui s'étaient formées pendant la guerre de Cent ans et qui par la suite ravagèrent le pays (cf. Zola, La Terre, 1887, p. 79). b) TECHN. MILIT. Unité d'infanterie et d'autres armes anciennement à pied, commandée généralement par un capitaine. Compagnie de grenadiers, de parachutistes. Mon fils m'annonce le départ de la compagnie des gardes à pied où il est enrôlé (Maine de Biran, Journal,1815, p. 45).Les voitures de la compagnie de mitrailleuses annoncèrent la fin du bataillon (Montherlant, Le Songe,1922, 2epart., p. 131). − Vx. Compagnies franches. Détachements spéciaux ne faisant pas partie d'un régiment : 13. Elle [la République] avait d'abord pourvu à la défense des départements attaqués, en en remettant le soin aux habitants patriotes par un des articles de cette loi de messidor... Cet article... était ainsi conçu : Il sera organisé des compagnies franches dans les départements de l'Ouest.
Balzac, Les Chouans,1829, p. 8. − Compagnies de discipline. Unités, remplacées aujourd'hui par les sections spéciales, où étaient envoyés les soldats qui avaient encouru une condamnation (cf. De Vogüé, Les Morts qui parlent, 1899, p. 242). c) Compagnie républicaine de sécurité (C.R.S.). Unité mobile de police chargée du maintien de l'ordre. Un C.R.S. Policier appartenant à cette unité. À Saint-Nazaire, l'intervention des compagnies républicaines de sécurité pour dégager l'usine occupée fait de nombreux blessés (J.-D. Reynaud, Les Syndicats en France,1963, p. 140). C.− P. anal., VÉN. Bande d'animaux de même espèce qui vivent en groupe. Une compagnie de perdreaux ou de perdrix. Bêtes de compagnie. ,,Jeunes sangliers qui vont encore par troupes`` (Ac.). − Rare [En parlant d'animaux domestiques] Les carreaux blanchirent, un fiacre passa, puis une compagnie d'ânesses qui trottinaient sur le pavé (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 226). − Vieilli, fig. et fam. Être bête de compagnie. ,,Aimer la société et se laisser facilement mener où les autres veulent`` (Ac.). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃paɳi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 cumpainie « réunion de personnes » (St Alexis, éd. Ch. Storey, 604); 2. ca 1175 tenir conpaignie (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, vers 5728); 1540 faulcer compaignie (Amadis, p. 9 ds IGLF); 3. a) ca 1100 cumpagnie « troupe de gens armés » (Roland, éd. J. Bédier, vers 1471); b) 1585 « unité militaire sous les ordres d'un capitaine » (N. Du Fail, Contes et Discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 307); 4. a) 1283 compaignie « association de débiteurs » (Charte de Lille ds Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 47); [1560 Compagnie d'Afrique nom de la 1recompagnie commerciale, fondée en 1560 d'apr. Guérin 1892, sans réf.] 1635 compagnie (commerciale) (Monet Abrégé); b) av. 1655 Compagnie de Jésus (Cyrano de Bergerac, Lettres satiriques, p. 121 ds IGLF); 5. 1559 « groupe d'animaux » (Amyot, Cicéron, 59 ds Littré). Dér. en -ie* soit de l'a. fr. compain (compagnon*, copain*), soit de l'a. fr. compaign(i)e « compagnie » (Alexis, éd. Ch. Storey, 607) issu d'un lat. pop. *compania, dér. de companio (compagnon*). Fréq. abs. littér. : 5 441. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 061, b) 8 359; xxes. : a) 9 244, b) 7 074. Bbg. Gohin 1903, p. 334. − Gottsch. Redens. 1930, p. 27, 374. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 21. |