| CLOU, subst. masc. A.− Petite pièce métallique pointue, généralement pourvue d'une tête et utilisée dans les métiers du bâtiment pour fixer ou décorer : 1. Des clous larges comme des soucoupes, et quelques-uns avec une tête de la grosseur d'un œuf, décorent magnifiquement les panneaux massifs des portes.
Barrès, Greco,1911, p. 80. SYNT. a) Clou d'airain, de bronze, de cuivre, de fer, d'argent, d'or; clou à tête plate, ronde; clou sans tête, à crochet; clou à soulier, de fer à cheval; clou de tapissier. b) La tête, la pointe d'un clou; un cent de clous. c) Des souliers à clous; une porte bardée de clous. d) Forger, enfoncer, planter, river, arracher un clou; accrocher, pendre qqc. à un clou; orner, garnir de clous. ♦ P. compar. Maigre comme un clou : 2. Cet homme grand, sec et maigre, pouvait avoir quarante ans; il ressemblait à un long clou à grosse tête; sa tête, en effet, était large et forte.
Verne, Les Enfants du Capitaine Grant,t. 1, 1868, p. 49. − P. ext., MÉD. Tige de métal, pointue à une extrémité, utilisée pour maintenir les fragments osseux dans certaines fractures (cf. Méd. Biol. t. 1, 1970). − P. méton. Les clous. Synon. fam. de passage clouté.*Traverser dans les clous. B.− Emplois métaph. et fig. 1. Expr. proverbiales. ♦ Compter les clous de la porte. Attendre longtemps : 3. « Tu ne viendras pas chez moi faire tes manigances. » Il la prend par la main, la ramène jusque sur les marches. Maintenant, compte les clous de la porte, tu sauras combien il y en a.
Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des Amourettes, 1930, p. 133. ♦ Il n'y manque pas un clou [en parlant d'une maison, d'un bâtiment]. Elle/il est en parfait état : 4. Du capitole, il ne restait absolument rien. Pourtant il est là, devant nous et l'on m'assure que pas un clou n'y manque à présent.
Green, Journal,1933, p. 179. ♦ Ne tenir ni à fer ni à clou. Être peu solide. ♦ Un clou chasse l'autre (cf. chasser). 2. [P. réf. à clou en tant qu'objet que l'on enfonce] Région. (Canada) − Au fig. [À propos d'une pers.] Cogner des clous (v. cogner I A). − P. compar. [À propos de la pluie] Tomber comme des clous. Pleuvoir à verse par grosses gouttes bruyantes au moment où elles frappent le sol. Tiens, la pluie augmente encore. Ça tombe comme des clous (J.-J. Richard, Pièges,Ottawa, 1973, p. 131). 3. [P. réf. à clou en tant qu'objet servant à accrocher] C'est (...) Dumas qui disait : ,,Qu'est-ce-que l'histoire? C'est un clou auquel j'accroche mes tableaux`` (Sainte-Beuve, Pensées et maximes,1869, p. 79): 5. Je pense qu'il existait, à la Sûreté générale, un dossier concernant la situation de famille de Syveton, les bizarreries de son milieu, tous les clous sales, en un mot, auxquels on pouvait accrocher un meurtre, un scandale.
L. Daudet, Au temps de Judas,1920, p. 277. − Au fig. (cf. clouer au pilori « accrocher l'attention »). Le clou d'une pièce, d'un spectacle, d'une fête, etc. Ce qui retient l'attention. Si nous mettions votre tambourinaire dans la pièce? Il manque un clou ça pourrait peut-être servir à accrocher le succès (A. Daudet, Trente ans de Paris,1888, p. 119).Il y a ici une exposition de peinture assez intéressante dont le clou est un portrait de Madame Manet (Claudel, Correspondance[avec Gide], 1899-1926, p. 203). 4. [P. réf. à clou en tant qu'objet servant à immobiliser] − Fam. River le clou (à qqn). Avancer un argument qui ne permet pas à l'interlocuteur de répliquer : 6. Au fort des discussions, elle lançait une phrase, elle concluait d'un mot, elle « rivait le clou » à Charvet lui-même.
Zola, Le Ventre de Paris,1873, p. 748. − Pop. Mont-de-piété. Mettre au clou. Mettre en gage au mont-de-piété. Il chercha dans la pauvreté de ses nippes et le vide de ses meubles : rien, il ne restait plus rien dont le clou eût voulu (E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 119): 7. Gervaise aurait bazardé la maison; elle était prise de la rage du clou, elle se serait tondu la tête, si on avait voulu lui prêter sur ses cheveux.
Zola, L'Assommoir,1877, p. 645. − Arg. Prison. Voilà mon pauvre Vallé au clou comme conspirateur et racoleur de conjurés (Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 369). 5. [P. réf. à clou en tant qu'objet de peu de valeur] a) Fam. Objet usagé, détérioré, en partic. vieille bicyclette, vieille automobile. Qu'est-ce-que tu veux parier que j'aurai ma voiture avant la fin du mois. Et pas un clou, je te le promets (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 42): 8. Bah! on conservera son vieux clou rouillé, aux énormes pneumatiques hernieux, au cadre oblique et grêle, grotesquement hors de mode...
A. Arnoux, Pour solde de tout compte,1958, p. 24. b) Loc. fam. et pop. ♦ Cela ne vaut pas un clou. Cela ne vaut rien. Dans ces moments là, mes qualités sommeillent, s'enfoncent, je ne vaux pas un clou (Léautaud, Journal littér.,t. 1, 1893-1906, p. 326). ♦ Faire qqc. pour des clous. Pour rien. Alors, quoi? On se sera dérangé pour des clous! (Aymé, La Tête des autres,1952, p. 189). ♦ Ne pas en ficher (en foudre) un clou. Ne rien faire. Ça [le travail de sa femme] permettait à notre homme de ne pas en fiche un clou, lui qui est né un peu fatigué, justement (Toulet, Les Tendres ménages,1904, p. 131). ♦ Exclam. Des clous! Pas du tout, certainement pas (sous entendu : vous n'aurez que des clous c'est-à-dire « rien »). Tirer sur le peuple, des clous! (Malraux, L'Espoir,1937, p. 463). C.− [P. anal.] 1. [de forme] Clou de girofle. Bouton floral du giroflier, employé comme condiment. Oignon piqué de clous de girofles. Un grand verre de calvados brûlant, épicé de clous de girofle et de citron (Mille, Barnavaux et quelques femmes...1908, p. 91).Son haleine (...) sentait la carie dentaire et le clou de girofle (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 87). 2. [avec une tête de clou martelée et abîmée] TYPOGR. Caractères en têtes de clous. Usés, abîmés. Han d'Islande se contenta de gros papier gris imprimé en têtes de clous (MmeV. Hugo, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie,1863, p. 12). 3. [avec une tête de clou ronde] . Furoncle : 9. Je suis laid à faire peur. J'ai un énorme clou à la joue droite, qui m'enfle l'œil et me distend le haut de la figure.
Flaubert, Correspondance,1847, p. 255. 4. [avec la douleur que provoquerait l'enfoncement d'un clou] :
10. Je dois dire que les douleurs de reins ne sont jamais revenues. Mais j'ai toujours parfois le clou, là, derrière la tête...
Zola, Fécondité,1899, p. 448. − MÉD. Clou hystérique. Douleur vive ressentie par les hystériques en un point précis du corps (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Rem. Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Quillet 1965 enregistrent le subst. fém. clouure. Endroit où un clou est enfoncé; emploi de clous. La ligne de clouure (cf. A. Croneau, Construction pratique des navires de guerre, t. 1, 1892, p. 346). Prononc. et Orth. : [klu]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787 et Gattel 1841 insistent sur le plur. qui s'écrit clous. P. anal. on pourrait rencontrer le plur. en x des mots bijou, caillou, etc. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 clou « petite tige de métal pointue garnie d'une tête, servant à fixer ou à orner quelque chose » (Roland, éd. J. Bédier, 3584); 2. 1170 « furoncle » (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 217); 3. 1225-1230 clou de girofle (G. De Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 1340); 4. 1823 « mont-de-piété » [parce que les objets mis en gage étaient accrochés à des clous] (lang. poissard d'apr. Esn.); 1833 (L. Vidal, J. Delmart, La Caserne, p. 343); d'où p. anal. 1835 arg. « prison » ([Raspail], Réforme pénitentiaire, p. 2); 5. 1865 « objet usagé », (ouvriers métallurgistes d'apr. Esn.); 1877 (Zola, L'Assommoir p. 15); 1886 arg. loc. des clous « rien » (Hogier-Grison, Les Hommes de proie, Le Monde où l'on triche, p. 125); 6. 1878 « partie la plus réussie d'un spectacle » (Figaro du 6 juillet ds L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881, p. 101). Du lat. class. clavus « clou », aussi « furoncle » en lat. impérial. Fréq. abs. littér. : 1 300. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 026, b) 2 826; xxes. : a) 2 127, b) 1 869. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, passim. − Roche (P.). L'Arg. de l'Éc. de l'air. Vie Lang. 1961, p. 172. − Rog. 1965, p. 89. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 87; Lang. par. 1920, p. 133. − Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 198. |