| CIME, subst. fém. A.− Extrémité supérieure d'un objet généralement élevé et terminé en pointe. La cime des monts, des montagnes, des arbres; les hautes cimes. Jusqu'aux cimes acérées où semblaient s'érafler les nuages (Genevoix, Raboliot,1925, p. 261).La cime des pins venant frissonner à la hauteur des terrasses (Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1902-04, p. 295): 1. La brise cessa; à la plus haute cime des trembles, il n'y avait pas une feuille qui ne fût immobile.
G. Sand, Lélia,1838, p. 498. 2. Le jour de la vengeance du Matterhorn, de sa libération dernière, avait sonné. En quelques minutes, flèche de cathédrale emportée derrière eux par le ciel, la cime disparut dans les nuages de la tourmente.
Peyré, Matterhorn,1939, p. 278. SYNT. a) [En gén.] La cime altière, haute, majestueuse; le haut de la cime; la cime s'élève, émerge; de la base, des pieds à la cime; au-dessus, par-dessus les cimes; la cime d'un clocher, d'un toit, d'une tour. b) [En parlant d'une montagne] La cime escarpée, éternelle, inaccessible; l'air, le vent, la lumière des cimes; gravir, escalader une cime. c) [En parlant d'un arbre] La cime d'un cyprès, d'un if, d'un sapin; la cime se balance. − P. méton. La cime du bois, les cimes de la forêt. Le discret murmure du vent sur les cimes de l'avenue (R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 630). − P. métaph. 1. [P. réf. à une cosmogonie antique et pré-copernicienne] À la cime de la nue noire persistaient les feux éphémères (G. Kahn, Le Conte de l'or et du silence,1898, p. 85). ♦ P. méton., souvent au plur. Dieu, les divinités. Toi [la cathédrale de Reims] dont la renommée est le chant le plus long Que le sol ait voué aux cimes! (A. de Noailles, Les Forces éternelles,1920, p. 22). ♦ P. ext. La cime du soir, de la nuit. Une, dix, cent étoiles renaissent, une par une, à la cime de la nuit (Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 234). 2. Les cimes des vagues, des flots, de la mer. Ces cimes bleues de la mer qui n'ont de nom sur aucune carte géographique (Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 673). 3. [Au sens propre et au sens fig. (cf. B), comme le siège de la pensée et de l'intelligence] . La cime adorable de sa tête (Valéry, Eupalinos ou l'Architecte,1923, p. 22). − Poét. [Pour évoquer le Parnasse, montagne sacrée dédiée à Apollon et aux Muses, divinités de la Poésie] La double cime, le mont, le Parnasse à double cime : 3. C'était un régal minime
Que Juliette ou Monime!
Descends de ta double cime,
Et, sous quelque pseudonyme,
Fabrique une pantomime; ...
Banville, Odes funambulesques,1859, p. 253. B.− Au fig. 1. Le degré le plus élevé, le paroxysme, l'apogée. Rem. Cime fonctionne comme un superlatif relatif puisqu'il exprime le degré le plus élevé qu'a la qualité de la substance à laquelle il s'applique. Le sublime est la cime du grand (J. Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 94). La cime ardente de la canicule (Bernanos, La Joie, 1929, p. 552). Cet îlot riant d'inconscience balancé à la cime d'une catastrophe (Gracq, Un Beau ténébreux, 1945, p. 23). − Employé notamment a) dans le domaine hist.La cime du Moyen Âge (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 254).Je poursuis ma victoire. M'y voici! J'ai gravi la cime de l'histoire (Quinet, Napoléon,1836, p. 214). b) dans le domaine soc. : 4. Quel festin, quand on va pouvoir rassasier son ambition! Et l'on y est presque, et l'on s'écorche avec bonheur! Puis, c'est fait, la cime est conquise, il s'agit de la garder.
Zola, L'Œuvre,1886, p. 197. SYNT. (dont l'orig. métaphorique n'est plus toujours perçue). Voler, courir vers les cimes, de cime en cime, atteindre la (les) cime(s). Suivez de votre jeune aile aventureuse le grand vol vers les cimes (Clemenceau, Vers la réparation, 1899, p. 514). c) dans le domaine intellectuel.La cime de l'esprit (Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 114).La cime de la création (Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1193).Les cimes de la pensée (R. Rolland, Jean-Christophe,Dans la maison, 1909, p. 959).Laissez-moi vivre à la cime de moi-même (Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1342). ♦ Spéc., dans le domaine artistique.Celui qui parvient aux cimes de la peinture (É. Faure, L'Esprit des formes,1927, p. 213).L'op. 132 [quatuor de Beethoven] (...) est une des quelques cimes de l'art du quatuor et de la musique tout entière (J. de Marliave, Les Quatuors de Beethoven,1925, p. 354).Mais à la cime de sa poésie [Ronsard] il y a deux sentiments très nobles, très purs, très intenses (Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 20): 5. Au grand silence qui règne autour de tous les derniers vers que je vous ai cités [de la comtesse de Noailles], à la pureté du souffle qui passe sur eux et exalte vos forces, à l'immensité des horizons environnants et dominés, vous sentez que vous vous trouvez sur une cime.
Proust, Chroniques,1922, p. 192. d) dans le domaine moral et relig.La cime de l'âme (Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 4, 1920, p. 571).La cime du sacerdoce (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 452).Deux âmes s'élèvent sans effort jusqu'à la dernière cime de l'amour, s'étreignent subtilement en Dieu (R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 228). Rem. Employé au plur., cime peut évoquer l'idée de transcendance; sa valeur superlative en est alors renforcée et il signifie en gén. « les hauteurs, les limites ». Cette entrevue qui dépassa les cimes du cocasse (Bloy, Journal, 1901, p. 65). 2. P. méton. [En parlant de qqn ayant atteint l'apogée dans une discipline, dans un domaine particulier (cf. 1 a, b, c, d)] Je parle de la masse, non des cimes (Benad, La Trahison des clercs,1927, p. 14): 6. Je me disais que Bach est cette cime qui échappe à être une fuite, cette altière reconstruction des mondes dont la crypte se trouve au plus profond, au plus central de notre âme même.
Du Bos, Journal,1924, p. 40. Prononc. et Orth. : [sim]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Dernier quart xiies. cyme « partie la plus élevée d'un objet (ici d'un arbre) » (Myst. Adam, éd. P. Aebischer, 1120) d'où l'emploi fig. fin xiies. cime « le plus haut degré de qqc. » (Robert le diable, éd. E. Loseth, 605); 1559 cyme de dignité (Amyot, Caton ds Littré). Du lat. class. cȳma « tendron de légume », attesté en lat. médiév. au sens de « pointe d'arbre » et « sommet de colline » d'apr. Nierm.; empr. au gr. κ
υ
̃
μ
α « tendron de chou » proprement « chose enflée ». Fréq. abs. littér. : 1 831. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 553, b) 2 532; xxes. : a) 2 254, b) 2 042. DÉR. Cimeau, subst. masc.Arbre mort; grosse branche dépouillée de ses feuilles, sur laquelle viennent percher des oiseaux, qui peuvent être tirés par les chasseurs à l'affût. Autour du poste, sont plantés des arbres morts, des cimeaux, comme on les nomme (Zola, Contes à Ninon,1864, p. 153).− Seule transcr. ds Littré : si-mô − 1reattest. av. 1223 cimeus a. norm. « branches détachées d'un arbre » (Enq. de Ph. Aug., Cart. norm., no200 ds Gdf.) − 1481 cymeaulx; d'où 1866 cynégétique cimeau (Lar. 19e); de cime, suff. -eau*. BBG. − Lammens 1890, p. 28. − Popinceanu (I.). Elemente nichtlateinischen Ursprungs im französischen und rumänischen Wortschatz. In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 423. |