| CHÂTIER, verbe trans. A.− [L'obj. désigne une pers. ou une partie du corps humain] 1. [Une pers.] Littér. Punir sévèrement celui qui a commis une faute, en vue de le corriger, de le rendre meilleur. Châtier un enfant, un coupable, un traître, un peuple rebelle; châtier durement, sévèrement, justement. Anton. récompenser.Si Jahvé corrige et éprouve, c'est par amour, comme un père qui châtie son enfant (Dict. de théol. cath.,t. 4, 1repart., 1920, p. 976): 1. ... si sévère qu'elle fût envers ses enfants, elle ne les fouettait jamais au moment où elle les prenait en faute, ne voulant pas, disait-elle, les châtier alors qu'ils avaient le cœur gros. Elle attendait qu'ils se fussent calmés pour aller chercher les verges.
Green, Journal,1935-39, p. 227. − P. métaph. : 2. ... Roussainville, tantôt, quand la pluie avait déjà cessé pour nous, continuait à être châtié comme un village de la Bible par toutes les lances de l'orage qui flagellaient obliquement les demeures de ses habitants, ou bien était déjà pardonné par Dieu le Père qui faisait descendre vers lui, inégalement longues, comme les rayons d'un ostensoir d'autel, les tiges d'or effrangées de son soleil reparu.
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 152. − Proverbe. Qui aime bien châtie bien. Corriger quelqu'un, c'est lui prouver qu'on l'aime vraiment, qu'on veut son bien (cf. Alain, Propos, 1913, p. 157). − P. ext., ÉQUIT. Châtier un cheval. Lui donner des coups d'éperon ou de cravache pour le faire obéir. Quand la bête se bloquait, il la châtiait rudement. La main tordait les rênes comme un garot, sciait les lèvres; les longues jambes lardaient le ventre à grands coups d'éperon (Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 184). − P. méton. Châtier une faute, un vice (par exemple l'orgueil, un crime, une hérésie). Synon. réprimer : 3. La nature à l'homme s'allie
Pour châtier comme il le faut
L'orgueilleuse mélancolie
Qui vous fait marcher le front haut, ...
Verlaine, Poèmes saturniens,Eaux-fortes, Grotesques, 1866, p. 69. 2. [Une partie du corps] Littér. Châtier son corps, sa chair. S'imposer des souffrances physiques, des privations, pour un motif religieux de pénitence, ou moral, ou utilitaire. Elle [Céline] châtia de son mieux ses innocents petits sens. Elle se priva des plats qu'elle aimait (E. et J. de Goncourt, Sœur Philomène,1861, p. 41). − Se châtier.Châtier son corps, se mortifier. − En partic. Châtier ses nerfs, sa voix. Les maîtriser, les discipliner par un rude effort (cf. Cendrars, Moravagine, 1926, p. 57). B.− Fig., LITT. [L'obj. désigne le style, le lang., la diction, etc.] Le travailler dans un souci d'extrême correction, d'extrême pureté. Synon. polir.Châtier son style, sa prose. Il n'a pas assez châtié ses derniers ouvrages (Ac.1798-1932). Prononc. et Orth. : [ʃ
ɑtje], (je) châtie [ʃ
ɑti]. Ds Ac. 1694 et 1718 s.v. Chastier; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. xes. castier « réprimander, blâmer » (St Léger, éd. J. Linskill, 18, 104), encore dans la lang. class. (v. Littré); 2. [xies. d'apr. Lar. Lang. fr. et FEW, s.v. castigare] 1160-74 chastier « punir » (Wace, Rou, éd. H. Andresen, II, 2048); 1350-1400 proverbe Qui bien ayme bien chastie (Proverbes fr., éd. J. Morawski, 1836); 3. 1121-35 spéc. sa chair chastïer (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 2772); 4. ca 1170 Soi chastier « se corriger, s'amender (d'un défaut) » ([Chrest. de Troyes], G. d'Angleterre, éd. W. Foerster, 1187); 5. 1661 littér. « corriger le style » (Somaize, Dict. des Précieuses, p. 201 ds Brunot t. 3, p. 252). Du lat. castigare « corriger » attesté en lat. eccl. au sens de « se mortifier » (Pseudo-Hilaire ds Blaise). Fréq. abs. littér. : 314. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 313, b) 595; xxes. : a) 593, b) 391. Bbg. Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 139. |