| CHÂTAIGNE, subst. fém. A.− Fruit du châtaignier, caractérisé (une fois sorti de la bogue*) par sa forme plus ou moins arrondie et son écorce brun clair. Gauler des châtaignes : 1. Quelquefois l'un d'entre nous découvre à l'extrémité des branches d'un châtaignier des gousses de châtaignes oubliées sur l'arbre après la récolte. Nous nous armons tous de nos frondes, nous lançons avec adresse une nuée de pierres qui détachent le fruit de l'écorce entr'ouverte, et le font tomber à nos pieds. Nous le faisons cuire sous la cendre de notre foyer...
Lamartine, Les Confidences,1849, p. 57. − Domaine alim.Ce fruit (dans ses variétés comestibles) utilisé comme aliment après avoir été grillé, bouilli, etc. Manger, vendre des châtaignes : 2. Il tisonnait aussi pour autre chose : pour griller les marrons. C'était de tradition ce soir-là. Cela faisait passer la veillée. Chaque métairie, à tour de rôle, d'année en année, lui en envoyait sa provision dans un sac, y joignant encore une dame-jeanne de vin nouveau pour les arroser (on ne peut manger sans boire), glissée parmi les couches brunes des châtaignes. Et, armé d'une poêle à longue queue, le carillonneur les faisait sauter, sauter sur la flamme, dans les intervalles de sa musique aérienne, au milieu d'une troupe d'enfants accourus qui lui tenaient compagnie, croquaient avec lui les fruits éclatés, les fruits brûlants...
Pesquidoux, Le Livre de raison,1928, p. 122. Rem. Ce fruit est communément appelé marron quand il présente une forme presque sphérique (cf. ex. 2 supra); ,,tous les marrons sont des châtaignes (sauf le marron d'Inde) mais toutes les châtaignes ne sont pas des marrons`` (Dupré 1972). − P. métaph. Ma mère (...) étranglée de diamants, empanachée d'une aigrette nocturne, châtaigne étincelante hérissée de rayons (Cocteau, Portraits-souvenirs,1935, p. 40): 3. Nullement combative avec ça [Suzanne], mais seulement châtaigne, agaçante, toute en bogue : une de ces filles qui ne sont savoureuses qu'une fois cuites, je veux dire éprises.
H. Bazin, La Mort du petit cheval,1949, p. 37. − Pop. Coup de poing. (Quasi-) synon. pop. gnon, marron, pêche : 4. ... il y eut encore une furieuse batterie, où, pour une pauv' châtaigne ou deux, j'encaissai cent marrons des pus gros du monde.
M. Stéphane, Ceux du trimard,1928, p. 73. B.− P. compar. et p. anal. 1. [de forme] a) BOTANIQUE ♦ Châtaigne d'eau, châtaigne aquatique, etc. Nom vulgaire de la mâcre dont le fruit ressemble à la châtaigne. La macre farineuse, cette châtaigne des étangs (A. Arnoux, Calendrier de Flore,1946, p. 45). ♦ Châtaigne de terre. Racine comestible d'une plante ombellifère (bunium bulbocastanum). Déterrer les châtaignes de terre, qui sont grosses comme le bout du doigt et qui ont un goût entre celui de la pomme de terre et celui de la noisette (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 174). Rem. Selon Fournier 1961, p. 675, se dirait plutôt marron-de-terre ou terre-noix. b) ZOOL. Excroissance cornée des membres de certains équidés (cheval, âne, etc.). De la conformation de la plus noble conquête de l'homme (...) le paturon (...) la châtaigne (Gyp, Mariage civil,1892, p. 95). 2. [de couleur] a) P. compar. Des cheveux (...) d'un brun doré comme l'écorce mûre de la châtaigne (Lamartine, Les Confidences,1849, p. 71). b) P. anal. Couleur de châtaigne. La masse des guides, couleur de châtaigne et de feuille morte (Peyré, Matterhorn,1939, p. 15). − P. ell. (inv.). Châtaigne. Les beaux yeux châtaigne d'Irène (A. Arnoux, Double chance,1958, p. 64).Blanc, sable, kaki ou châtaigne (Catal. Madelios, été 1951). 3. [d'enveloppe] Pop. Châtaigne de mer. Oursin. Les oursins, hérissés comme des châtaignes (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 193).Se résigner aux oursins et aux châtaignes de mer (Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 368). Rem. On rencontre ds la docum. (se) châtaigner, verbe trans. (Se) battre (cf. Match, 26 févr. 1935, p. 15 ds A. O. Grubb, French sports neologisms, 1937, p. 25; A. Simonin, J. Bazin, Voilà taxi! 1935, p. 215). Prononc. et Orth. : [ʃ
ɑtε
ɳ]. Enq. : /ʃ
ɑtε
ɳ/. Fér. Crit. t. 1 1787 note qu'on rencontre la forme chatagne qu'il juge vicieuse. Pour l'hist. de la finale lat. -anea ayant abouti très vite à [-ε
ɳ] (écrit -aigne, -eigne) dans l'est de la France, mais étant restée plus longtemps [-aɳ] ailleurs, cf. Bourc.-Bourc. 1967, § 45 Hist. Ds Ac. 1694 et 1718 s.v. Chastaigne; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. 1180 chastaigne désigne le fruit (Mort Aymeri de Narbonne, 1906 ds T.-L. : chastaignes et olives); d'où p. anal. 2. 1561 chastaigne d'eau « macre » (A. Pinaeus ds Roll. Flore t. 6, p. 7); 1564 chastaigne de mer « oursin » (J. Thierry, Dict. fr.-lat., Paris); 3. 1635 chastagne sur les doigts « coup sur les doigts » (Sage Folie, Rouen d'apr. FEW, loc. cit.); 1866 pop. (A. Delvau, Dict. de la lang. verte : Chataigne. Soufflet appliqué sur la joue). Du lat. castanea désignant le fruit et l'arbre; le lat. est lui-même empr. au gr. κ
α
́
σ
τ
α
ν
ο
ν « id. » v. aussi André Bot.; 3 prob. en raison de la couleur et de la forme de la contusion, que peut provoquer un tel coup (Sain. Lang. par., p. 384; cf. norm. prune « coup, blessure » (Héron) et (oi)gnon*, au même sens. Fréq. abs. littér. : 189. Bbg. Armstrong (E. C.) Mediaeval French : souffler la châtaigne. Mod. Lang. Notes. 1932, t. 47, pp. 490-492. − Ascoli (C. I.). Saggiuoli diversi. Archivo glottologico italiano. 1890, t. 11, p. 427. |