| CHIFFRER, verbe trans. I.− [Sans idée de secret] A.− Rare. Écrire, transcrire en chiffres. − Emploi pronom. passif. Être noté en chiffres : 1. ... un tableau pareil à ceux qui indiquent la position des équipes à la pelote basque, où se chiffrent en blanc et rouge le flux et le reflux des valeurs.
Morand, New York,1930, p. 55. − Emploi abs. Écrire, transcrire des chiffres : 2. Hyacinthe, sans instruction, mais bon calculateur et chiffrant bien, possédait ce qu'on appelait alors une belle main; ...
A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 178. B.− P. méton. 1. Calculer en se servant de chiffres. Déterminer, sans opérations arithmétiques à chiffrer, les résultats des formules d'usinage (J. Pethoud, Principes mod. d'organ. industr. et comm.,1931, p. 64). − Emploi abs. Apprendre aux enfants à lire, écrire et chiffrer (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 158). 2. Évaluer en chiffres. a) Cour. [Avec souvent un compl. second indiquant le résultat du calcul : prép. à s'il s'agit d'une évaluation précise, prép. par s'il s'agit de l'évaluation vague d'une somme indéterminée mais importante] Évaluer, calculer (une somme, un total) en chiffres. Chiffrer le gain obtenu ou la perte éprouvée (Verne, Le Tour du monde en 80 jours,1873, p. 30): 3. ... un diablotin m'a proposé, sur le pont, de couper la gorge à Lébiadkine et à sa sœur Maria Timopheievna, pour me débarrasser de mon mariage. Il m'a demandé trois roubles d'avance. Mais il a chiffré le coût de l'opération à quinze roubles.
Camus, Les Possédés,adapté de Dostoïevski, 1959, p. 1032. − Emploi pronom. passif. C'est par dizaines de millions que se chiffre en effet la fortune du grand sucrier, ou du grand métallurgiste (Maurras, L'Avenir de l'intelligence,1905, p. 61).Les capitaux rassemblés se chiffrèrent par millions (Cendrars, L'Or,1925, p. 144).Un accroissement en flèche du nombre des victimes, qui se chiffra à près de sept cents par semaine (Camus, La Peste,1947, p. 1308). − Emploi abs. ou, plus rarement, pronom., fam. Ça chiffre, ça se chiffre. Cela s'élève à une somme, un total importants. b) Au fig., littér. [L'obj. désigne une pers., des sentiments] Estimer avec précision la valeur de quelqu'un, d'un de ses attributs, etc. Nous sommes tous chiffrés, non d'après ce que nous valons, mais d'après ce que nous pesons (Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 56).Homme actif et pressé, habitué à chiffrer ses tendresses (Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 453): 4. Nul homme plus que lui [Caillaux] ne méprise les hommes. Il les chiffre et il les croit tous à vendre.
Barrès, Mes cahiers,t. 11, 1914-18, p. 308. − Emploi pronom. passif : 5. − Quand même, disait l'abbé, votre science n'explique pas tout! L'amour, la charité, le dévouement, ça ne se chiffre pas en calories!
− Pardon, objectait Gaure. Ça se chiffre en sécrétions de glandes. Que je vous enlève les surrénales, mon cher ami, et vous perdrez cette belle logique dont vous êtes si vain.
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 72. 3. Rare. Placer dans une série, numéroter : 6. Il prit les notes qu'il avait posées à sa droite, (...) et il les mit dans une enveloppe qu'il cacheta, après l'avoir chiffrée : numéro 1.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 437. C.− P. ext., MUS. 1. Transcrire les notes à l'aide de chiffres. Noter (...) les chansons des anthropophages, chiffrer leur musique (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 348). 2. Chiffrer une basse. Indiquer par des chiffres placés au-dessus ou au-dessous des notes, les accords d'une basse. Il n'est pas difficile de chiffrer la basse et de savoir quel accord elle porte (Ch. Kœchlin, Ét. sur l'écriture de la fugue d'école,1933, p. 20). II.− [Avec une idée de secret] Transcrire des messages en un langage secret. Synon. coder; anton. déchiffrer, décrypter.Chiffrer des dépêches de quinze ou vingt pages (Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 14). Prononc. et Orth. : [ʃifʀe], (je) chiffre [ʃifʀ
̥]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. chifrer. Étymol. et Hist. 1. 1515 « calculer à l'aide de chiffres » (Lortie, Arithm. ds DG); 1611 chiffré « calculé » (Cotgr.); 2. 1574 « écrire (un message) avec un chiffre » (Lettre de M. Stuart à l'archevêque de Glasgow ds Gdf. Compl.); 1611 chiffré « codé » (Cotgr.); 3. a) 1680 « numéroter à l'aide de chiffres » (Rich.); b) 1771 mus. (Trév.); 1837 basse chiffrée (J.-G. Kastner, Gramm. musicale, p. 10); 4. 1834 « compter, évaluer » (Land.). Dér. de chiffre*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 83. DÉR. 1. Chiffrable, adj.Qui peut être évalué de façon précise et exprimé en chiffres. Une performance chiffrable, un record quantitatif (Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 233).− [ʃifʀabl̥]. − 1reattest. 1875 (Achille Mercier, Reconstruction du patrimoine national et de la famille, Paris, p. 27 ds Littré); de chiffrer, suff. -able*. − Fréq. abs. littér. : 2. 2. Chiffrage, subst. masc.Action de chiffrer. a) [Correspond à chiffrer I B 2] . Chiffrage en argent des documents relatifs aux matières, à la main-d'œuvre et aux frais (Brunerie, Les Industr. alim.,1949, p. 219).b) [Correspond à chiffrer I C] . Si la basse se termine par Dominante-Tonique, (...) le chiffrage est nécessairement 5 5 (Ch. Kœchlin, Traité de l'harmonie,t. 1, 1927-30, p. 29).c) Action d'orner d'un chiffre [Correspond à chiffre I B 3] . Le chiffrage des draps et du linge (La Civilisation écrite,1939, p. 3405).d) [Correspond à chiffrer II] Chiffrage d'une dépêche. La plupart des dict. gén. enregistrent aussi le subst. masc. chiffrement, synon. de chiffrage dans cet emploi.P. métaph. Vient le psychanalyste : l'obscurité du poème ne sera pour lui qu'un effet de chiffrage du subconscient ou de l'inconscient (Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 381).− [ʃifʀa:ʒ]. Ds Ac. 1932. − 1resattest. a) 1853 mus. (M.-G.-A. Savard, Cours complet d'harmonie théorique et pratique, p. 57), b) 1866 « art ou action d'écrire en chiffres (code) » (Lar. 19e), c) 1877 « action de fixer un chiffre, d'évaluer » (Littré Suppl.); de chiffrer, suff. -age*. − Fréq. abs. littér. : 1. 3. Chiffreur, subst. masc.a) Celui qui utilise des chiffres, qui calcule avec des chiffres. Je suis si mauvais chiffreur, que je n'ose assumer un total (Verlaine, Correspondance,t. 2, 1891, p. 170).Emploi adj., rare. La notation décimale convient quand l'équipement du calcul comporte 10 positions comme les doigts des mains ou la position d'une roue chiffreuse (E.-C. Berkeley, Cerveaux géants,1957, p. 244).b) Celui qui transcrit des messages en langage chiffré. Le chiffreur mettait sans repos en bouillie le télégramme pour Pékin (Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 52).− [ʃifʀ
œ:ʀ], fém. [-ø:z]. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. chifreur. Ds Ac. 1694-1932. − 1resattest. a) 1529 chyfreux « celui qui écrit en chiffre » (G. Tory, Champfleury, LXXIII vods IGLF), attest. et forme isolées, 1953 « attaché au service du chiffre » (Rob., s.v. chiffrer); b) 1630 chifreur « celui qui calcule au moyen de chiffres » (Monet Abrégé); de chiffrer, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 3. BBG. − Laurent (P.). Contribution à l'hist. du lex. fr. Romania. 1925, t. 51, p. 36 (s.v. chiffreur). − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 34. |