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CHIFFON, subst. masc.
A.− [Désigne une pièce d'étoffe]
1. Morceau de vieux linge. Chiffons sales; tas de chiffons :
1. − Des chiffonniers ramassent dans l'Europe entière les chiffons, les vieux linges, et achètent les débris de toute espèce de tissus, dit l'imprimeur en terminant. Ces débris, triés par sortes, s'emmagasinent chez les marchands de chiffons en gros, qui fournissent les papeteries. Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 118.
SYNT. Chiffon de chanvre, de coton, de fil, de lin; vieux chiffons; bouts de chiffon(s); magasin, marchand de chiffons; poupée de chiffon(s); ramasser, vendre des chiffons.
(Papier) chiffon. Papier de luxe fait exclusivement avec du chiffon.
Spéc. Morceau de tissu utilisé pour certains travaux de nettoyage. Chiffon à chaussures; chiffon à poussière; donner un coup de chiffon. Des servantes sans impatience, munies d'un chiffon de laine, caressent inlassablement toutes ses surfaces, [de l'escalier] (R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1385).
2. P. ext., gén. au plur.
a) COUT. Chutes de tissu (cf. Leloir 1961).
b) Vêtement chiffonné, froissé ou très usé. Elle avait ramassé ses chiffons de jupes contre son ventre (Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 321).
c) P. antiphrase. Vêtements ou garnitures de vêtements considérés comme objets de coquetterie. Chiffons élégants (Frapié, La Maternelle,1904, p. 102).Au feu les dentelles et les bonnets, et les voiles et tous ces chiffons coquets dont elle se parait pour aller faire de l'amour mathématique avec M. César (Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 155).
Parler chiffons. Parler toilette. P. ext. Parler de choses frivoles, futiles. On s'arrête pour discuter avec eux, parler chiffons et mode littéraire (Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 122).
B.− P. anal.
1. Chiffon de papier et, p. ell., chiffon. Petit morceau de papier plus ou moins sale ou froissé. Un chiffon de papier couvert d'une écriture si menue (Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1493).
Écrit sans valeur ou sans importance :
2. D'abord vous n'avez jamais reçu de lettres de moi; ensuite vous en avez reçu une, mais qui n'était de nulle importance, un chiffon qui ne signifiait rien; puis tout d'un coup voilà ce chiffon transformé en une lettre fort importante... P.-A. de Beaumarchais, Mémoires,t. 1, 1789, p. 95.
2. Argot
a) Billet de banque. Un chiffon de cinq cents francs qu'il tira de son portefeuille (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole, 1859, p. 241).
b) Chiffon ou chiffon rouge. Langue. Maintenant, (...), tu peux larguer ton chiffon rouge (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 5, 1859, p. 124).
3. Lang. région. Chiffon de pain. Gros morceau de pain. Les mêmes figures hâves et terreuses se montrant au guichet de la grand'porte pour recevoir (...) deux sous et un chiffon de pain (A. Daudet, La Petite paroisse,1895, p. 25).
Rem. Sur ce dernier sens, v. aussi chignon*, quignon*.
C.− Au fig.
1. Péjoratif
a) Femme négligée dans sa tenue ou libre dans ses mœurs. Les Lorilleux menaçaient de déménager si leur chiffon de nièce amenait encore des hommes à son derrière (Zola, L'Assommoir,1877, p. 725).
b) Personne sans énergie (cf. chiffe B 1). Ce n'est pas un chiffon mouillé comme Antonin (L. Halévy, Carnets, t. 2, 1908, p. 116).
2. [Avec une valeur hypocoristique] Petit enfant ou très jeune fille :
3. Le Roi parla de l'âge de Mademoiselle : « Comment, petit chiffon, s'écria-t-il, vous avez déjà quatorze ans! » Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 252.
Prononc. et Orth. : [ʃifɔ ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. chifon avec un seul f. Étymol. et Hist. 1609 « pièce de tissu, de vêtement froissée » (M. Régnier, Sat., XI ds Littré : un chiffon de rabat); 1611 « lambeau de vieille étoffe » (Cotgr.) 1752 p. anal. en parlant de papier, de feuilles volantes (Trév.); 1812 chiffon de papier (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, p. 3). Dér. de chiffe*; suff. -on*. Fréq. abs. littér. : 574. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 498, b) 1 405; xxes. : a) 911, b) 714. Bbg. Goug. Lang. pop. 1929, p. 150. − Lammens 1890, p. 262. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 87. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], pp. 200-201; p. 210.