| CHEVELURE, subst. fém. A.− Ensemble des cheveux (généralement longs et abondants) d'une personne. Chevelure d'enfant; chevelure noire, abondante, bouclée; caresser, saisir la chevelure de qqn : 1. Les jeunes ribauds en gilet rouge (...) qui laissent pousser leurs chevelures comme des rois mérovingiens, qui sacrent avec des jurons du xvesiècle, ne se doutent guère qu'ils sont les pionniers d'un âge d'exégèse et de documents.
P. Bourget, Essais de psychol. contemp.,1883, p. 103. 2. O Toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
O boucles! O parfum chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!
...
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Baudelaire, Les Fleurs du Mal,La Chevelure, Paris, Gallimard, 1961 [1859], p. 25. SYNT. Chef à la longue chevelure (Chateaubriand, Les Martyrs, t. 1, 1810, p. 203); chevelure au vent (T. Gautier, Albertus, 1833, p. 182); chevelure artiste (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1844, p. 160). − Spéc. [Chez les Indiens d'Amérique et dans certaines tribus primitives] Enlever la chevelure, porter la chevelure des vaincus. La portion du cuir chevelu de l'ennemi portée en guise de trophée. Enlever la chevelure des vaincus (Voyage de La Pérouse,t. 2, 1797, p. 272).Chevelures d'ennemis suspendues à une haute perche (A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 39). − P. métaph. 1. [En parlant d'un arbre, d'une plante] Qui imitent une chevelure. Chevelure des saules, chevelure du foin ... enguirlandée de verdures, d' herbes et de chevelures de fenouil (E. et J. de Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 28).La verte chevelure des bromes (Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 120): 3. La chevelure des pins noirs déployée au septentrion découvrait, dans le ciel, la course des étoiles.
Maurras, Le Chemin de Paradis,1894, p. 196. 2. Poét. [En parlant d'une fumée, d'une lueur, etc.] Une chevelure d'air (Hugo, Dieu, 1885, p. 23); une chevelure de flamme (Hugo, Paris,1867, p. 88). B.− P. anal., ASTRON. Longue traînée lumineuse qui s'étale autour du noyau d'une comète. L'énorme chevelure de la comète (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 1, 1811, p. 24): 4. On a aperçu une étoile (...) On distingue un frisson de lueur autour d'elle. Cet astre (...) remue. Ce n'est pas l'étoile, c'est la comète. C'est l'immense incendiaire du ciel. L'astre marche, grandit, secoue une chevelure de pourpre, devient énorme.
Hugo, L'Homme qui rit,t. 3, 1869, p. 91. Rem. La docum. fournit l'adj. cheveluré, ée. Noire chevelurée (Morand, Parfaite de Saligny, 1947, p. 105). Prononc. et Orth. : [ʃ
əvly:ʀ]. Pour les 2 [ə] muets cf. chevelu. Attesté ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1100 cheveleüre (Roland, éd. J. Bédier, 1327); p. anal. 1680 astron. chevelure de comette (Rich.); 1680 en poésie « feuillage des arbres » (ibid.). Plutôt issu du b. lat. capillatura « arrangement des cheveux » que dér. de l'a. fr. chevel, cheveu; suff. -ure*. Fréq. abs. littér. : 1 697. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 446, b) 3 635; xxes. : a) 2 445, b) 1 710. Bbg. Brüch (J.). Die Wörter für « Haar » im Latein und ihr Fortleben im Romanischen. Wiener Studien. 1957, t. 70, pp. 61-62. − Mat. Louis-Philippe. 1951, p. 99. |