| CHER(R)ER,(CHERER, CHERRER) verbe. Arg. [P. réf. au sens de cher « qui est d'un prix élevé »] Majorer un prix (cf. Esn. 1966) :1. Il jeta une pièce de cinq francs sur le comptoir. L'aubergiste rendit la monnaie. À la grimace maîtrisée du Patron je devinai que le gargotier cherrait un peu, forçait le prix de la piquette.
A. Arnoux, Zulma l'infidèle,1960, p. 251. ♦ Loc. (région. et Canada). Être cher(r)ant. Vendre cher. Vous êtes pas mal chérant (R. Girard, Marie Calumet,Montréal, 1946, p. 73). − Au fig. ,,Dépasser la mesure en actes ou en paroles`` (Esn. 1966). ♦ Rudoyer, rosser (quelqu'un), et absol., frapper fort (cf. Esn. 1966 et Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au dict. de Delesalle, 1900). ♦ Se moquer exagérément (cf. charrier) : 2. − Mais vous n'avez pas peur de moi, n'est-ce pas?...
− Faudrait pas trop cherrer, la gosse. Tu peux toujours t'amener...
F. Carco, Les Inoccents,1916, p. 96. Prononc. et Orth. : [ʃeʀe], (je) chère [ʃ
ε:ʀ] (graph. chérer); [ʃ
ε
ʀe], (je) cherre [ʃ
ε:ʀ] (graph. cherrer). Chérer ds Ac. Compl. 1842 et Lar. 19e. Pour notre docum. ds Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au Dict. de Delesalle, 1900, p. 66; G. Esnault, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956, pp. 143-147; L. Larchey, Dict. hist. d'arg., 2eSuppl., 1883, p. 34; Ch.-L. Carabelli [Lang. pop.]. Cherrer ds Quillet 1965. Pour notre docum. ds A.-L. Dussort, Journal 1929-34, ms. dép. par G. Esnault, 1953, p. 8; M. Stéphane, Ceux du trimard, 1928, p. 172; A. Dauzat, L'Arg. de la guerre, 1918; Sain. Tranchées 1973; C. Lambert, Le Lang. des Poilus, 1915; Marcus, L'Arg. tel qu'on le parle, 1947; Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]; L. Stollé, Douze récits historiques racontés en arg., 1947; A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1905; Rossignol, Dict. d'arg., arg.-fr. et fr.-arg., 1901; J. Lacassagne, L'Arg. du « milieu », 1928; F. Déchelette, L'Arg. des poilus, 1918. Les 2 graph. sont admises ds Lar. 20e, Lar. Lang. fr. Étymol. et Hist. a) Av. 1883 « frapper, battre » (Macé ds Larch. Suppl., p. 34); 1901 cherrer « foncer dans » (Bruant, p. 400); b) 1919 « forcer la dépense (au bridge) » (d'apr. Esn.); c) 1915 cherrer « exagérer » et « se moquer » (Le Poilu, no4 ds Sain. Tranchées, p. 140); 1915 « mentir, plaisanter » (C. Lambert, Le Lang. des poilus, p. 11). Prob. dér. avec dés. -er de cher* : du sens « prix élevé », on passe à celui de « forcer la dépense » puis au fig. de « exagérer » et de celui de « rude » (FEW, s.v. carus, p. 441b) à celui de « malmener, rudoyer » (v. Esn. Poilu; FEW, s.v. carus, pp. 441-442). |