| CHEMINÉE, subst. fém. A.− Construction en maçonnerie qui permet d'allumer un feu dans une habitation et se compose d'un foyer (ou âtre) à découvert et d'un conduit ménagé à l'intérieur du mur, et communiquant avec l'extérieur pour laisser s'échapper la fumée et assurer un bon tirage. Grande cheminée à large foyer et à manteau élevé (Viollet-Le-Duc, Entretiens sur l'archit.,1872, p. 311). SYNT. Cheminée ancienne, rustique, moderne, bretonne, lorraine; cheminée monumentale; vieille, petite cheminée, haute cheminée de marbre blanc, grande cheminée sculptée, vaste cheminée renaissance, immense cheminée villageoise, hautes cheminées à hottes; cheminée à large manteau; cheminée d'appartement, de cuisine, de salon, de salle à manger, de chambre; hotte de la cheminée; manteau, chambranle, tablier, tablette de la cheminée; foyer, âtre de la cheminée; chenêts, soufflet, pinces, pincette de la cheminée; cheminée qui tire mal. − Hirondelle de(s) cheminée(s). Hirondelle commune qui, cherchant la chaleur, fait son nid à l'intérieur d'une grande cheminée de bois. L'oiseau le plus généralement répandu sur tout le globe, est l'hirondelle de cheminée, ou de rivage (Voyage de La Pérouse,t. 3, 1797, p. 77). − Spéc. Cheminée (à la) prussienne. Poêle qui s'adapte entre les jambages d'une cheminée d'appartement, son tuyau allant se loger dans le conduit en maçonnerie de la cheminée : 1. Les grandes et vénérables cheminées du xviesiècle ne recèlent pas, sous leur manteau, les ignobles et économiques cheminées à la prussienne qui savent se nicher sous de moins grandes.
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 180. − Loc. fig., fam., vieilli. [P. allus. aux cheminées, suffisamment vastes pour que l'on puisse s'installer à l'intérieur, sous leur manteau, pour parler] Sous (le manteau de) la cheminée. En secret et en dehors des voies normales. Toutes les infamies qui se pratiquent sous le manteau d'une cheminée ou autrement (Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 131).Entrons dans un ménage Où, sous la cheminée, on bâcle un mariage (Barbier, Satires, Matrimonium, 1865, p. 131): 2. ... il est comme ces grands seigneurs qui ont une charge honoraire, et les entrées aux jours de gala; mais le cabinet leur est clos; ce ne sont pas là leurs affaires. (...); il sert de paravent à tout ce qui se passe sous le manteau de la cheminée. Si le mari est jaloux, c'est de lui; tient-on des propos? c'est sur son compte; c'est lui qu'on mettra à la porte un beau matin que les valets auront entendu marcher la nuit dans l'appartement de madame; ...
Musset, Le Chandelier,1840, I, 1, p. 23. B.− P. méton. 1. Endroit où brûle le feu. a) Foyer, âtre de la cheminée : 3. Comme la soirée était un peu humide, nous avions allumé un petit feu de bois dans la cheminée de la salle; et cela nous aidait à parler de notre vie passée, sans aucun effort; car l'on sait que le feu facilite le jeu de la mémoire et rappelle de loin les souvenirs les plus oubliés.
Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 126. SYNT. Cheminée sans feu, chauffée, chargée; cheminée garnie de bûches, emplie de charbons rougeoyants, recouverte de cendres; feu de cheminée; feu qui flambe, brûle, pétille dans la cheminée; faire, allumer du feu dans la cheminée; jeter du bois, des papiers dans la cheminée; remettre une bûche dans la cheminée; bourrer la cheminée. − Au coin de la cheminée. Synon. au coin du feu*.S'asseoir, parler, tricoter, travailler... au coin de la cheminée. − [La Nuit de Noël] Mettre son soulier, placer son sabot... dans la cheminée (pour que le Père Noël, s'introduisant par le tuyau de la cheminée, y dépose les cadeaux). b) Encadrement (ou chambranle, avec le manteau et les jambages) en plâtre, pierre, marbre... qui entoure le foyer et fait saillie dans la pièce. Durtal, adossé à la cheminée (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 32).Une cheminée de marbre dont les deux montants parallèles empiétaient sur le sol en griffes contractées (Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-Cuir,1893, 3etabl., 3, p. 110).Devant le foyer, un tapis en chenilles de laine; sur la cheminée, (...), deux grands vases d'albâtre (Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 765). SYNT. Cheminée en pierre, de briques, de porphyre, de bois; cheminée plaquée de marbre; cheminée ornée, garnie d'une pendule, de vases, de fleurs, de porcelaines rares; garniture, parure, flambeaux, pendules de cheminée; la glace, les vases, les candélabres de la cheminée; s'accouder, s'adosser à la cheminée; s'appuyer contre la cheminée; poser qqc. sur la cheminée. − Proverbial, vieilli. Faire une croix à la cheminée. Faire véritablement une croix sur l'encadrement de la cheminée à l'occasion d'un événement particulier dont on veut garder la trace : 4. − Tu as manqué de confiance en nous, lui dit Michel Chrestien, nous ferons une croix à la cheminée et quand nous serons à dix...
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 243. ♦ Au fig., p. iron. [A propos d'un événement] Il faut faire une croix à la cheminée. Il faut considérer cet événement comme tout à fait extraordinaire. 2. Endroit par où s'échappe la fumée. a) Conduit de la cheminée, ménagé à l'intérieur du mur et communiquant avec l'extérieur pour laisser s'échapper la fumée et assurer un bon tirage. Par la cheminée filtre la lumière du ciel, des tons verts tombent d'en haut sur les pierres de l'âtre (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 416): 5. Le Petit Savoyard, de Guiraud, je crois, ne serait plus possible. Celui-là est tout de même de la Savoie, (...). Malin, profite de notre sensiblerie. ramone très bien la première cheminée et ne va pas jusqu'en haut des autres. Il crie quand il est au milieu. On le fait déjeuner. Il bat des mains pour secouer la suie, ...
Renard, Journal,1906, p. 1082. SYNT. Cheminée noire, encroûtée de suie, bouchée, débouchée; suie (qui tombe) des cheminées. ♦ Feu de cheminée. Incendie se produisant à l'intérieur du conduit de la cheminée par inflammation de la suie. b) En partic. Partie supérieure et terminale du conduit en maçonnerie − ou tuyau métallique terminant ce conduit − en saillie au-dessus du toit et visible de l'extérieur. Une cigogne a fait son nid autour de la cheminée (Quinet, Ahasvérus,1833, 3ejournée, la mort, p. 179).La cheminée des cuisines faisait une grosse fumée de fabrique (Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 719).Un océan de cheminées, de tuiles rouges, d'ardoises violettes (Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, 2epart., 8, p. 189).Sous la forêt malsaine de leurs cheminées à pigeons tristes, les rangées d'alvéoles de la rue Descartes (Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 167): 6. ... j'entendis sa voix me crier :
− Michel! Michel! Et je m'arrêtai, comme si la cheminée m'était tombée sur la tête.
− Qu'est-ce que tu veux, Marguerite? lui dis-je, sentant mon cœur battre à défoncer ma poitrine.
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 1, 1870, p. 202. 7. ...
Il reste encore un pays
Qu'on n'aperçoit que du toit,
Sur le maquis des cheminées,
C'est le grand ciel qui s'en va.
Jouve, Tragiques,Livre de la nuit, 1922, p. 48. SYNT. Fumées, orifice des cheminées; grosse, haute(s) cheminée(s); cheminées fumantes, fumeuses; cheminée qui fume, cheminées qui se dressent (à l'horizon). C.− [P. anal. de forme et/ou de fonction avec le conduit d'une cheminée] 1. Tout conduit de dégagement de produits de combustion (fumées, vapeurs, gaz...). De longs bâtiments d'usine, de hautes cheminées crachant de la suie (Zola, Germinal,1885, p. 1207).La vapeur d'eau qui se dégage abondamment pendant la cuisson s'échappe par une cheminée à tirage (J. Bourde, Les Trav. publ.,t. 2, 1929, p. 113).Ces bateaux, à la cheminée losangée de rouge, à la coque d'émail blanc (Morand, New-York,1930, p. 63). SYNT. Cheminée d'usine, de haut-fourneau, de locomotive, de chauffage central. − Cheminée d'appel (dans un système de combustion). Conduit déterminant le tirage. ♦ P. ext. [Dans un système de ventilation] Conduit d'aération. Une circulation de l'air (...) emporte l'humidité extraite du bois hors de la chambre de séchage, par des cheminées d'aération (J. Campredon, Le Bois,1948, p. 58).Spéc., MINES. Cheminée (d'appel ou d'aération ou d'aérage). Galerie, puits servant à l'aération de la mine, à la circulation des mineurs ou à l'évacuation du minerai : 8. La compagnie, depuis dix ans, se proposait de combler cette fosse morte; mais elle attendait d'avoir installé au Voreux un ventilateur. Car le foyer d'aérage des deux puits, qui communiquaient, se trouvait placé au pied de Réquillart, dont l'ancien goyot d'épuisement servait de cheminée.
Zola, Germinal,1885, p. 1366. − P. ext. a) ARM., HIST. [En parlant d'un fusil à piston] Petite pièce cylindrique où se place la capsule fulminante. b) TECHNOL. [Dans une lampe] Cylindre de verre ouvert à sa partie supérieure, qui protège la flamme, détermine le tirage et laisse s'échapper la fumée. c) VOLCANOLOGIE. Canal d'ascension des laves qui débouche dans le cratère du volcan. 2. Tout conduit ou orifice de dégagement. − AÉRONAUTIQUE ♦ [Dans un parachute] Orifice situé au sommet de la voilure et servant à laisser s'échapper l'air gonflant le parachute lors d'une descente pour en assurer la stabilité (d'apr. Lar. encyclop.). ♦ Synon. de trou* d'air. − MAR. Orifice par où passe le mât de hune. − MUS. [Dans un tuyau d'orgue] Petit cylindre, ouvert à ses deux extrémités, plus étroit que le tuyau d'orgue et qui s'adapte à sa partie supérieure pour la fermer partiellement et modifier le timbre (cf. tuyau d'orgue bouché*). Cheminée d'un tuyau d'orgue; tuyaux à cheminée. − TECHNOL. Orifice d'emplissage et de vidange d'une fosse d'aisances. − THÉÂTRE. [Machinerie] . ,,Sorte de tuyau, de puits, où passent les cordages supportant les contre-poids nécessaires aux manœuvres des décors`` (Littré). Cheminées de contre-poids. 3. [P. anal. de forme seulement] − COIFFURE, HIST. [Au Moy. Âge] (Coiffure en) cheminée. Coiffure féminine en hauteur dont la forme pyramidale évoque celle d'une cheminée en tourelle sur un toit. Synon. (coiffure en) mitre*. − GÉOGR. PHYS. ♦ Cheminée des fées. Colonne, pyramide d'argile surmontée d'un rocher qui la protège du ravinement que les eaux de ruissellement exercent autour d'elle. Synon. demoiselle. ♦ [En montagne, dans le lang. des alpinistes] Couloir étroit, proche de la verticale, dans un mur de rochers ou de glace, dans lequel l'alpiniste s'élève par un jeu d'efforts opposés sur les deux parois. − IMPR. ,,Intervalles de mots malencontreusement en regard sur plusieurs lignes successives, donnant à l'œil l'impression d'un long couloir blanc à travers la page`` (Voyenne 1967). Rem. Lar. encyclop. enregistre également un emploi en carrosserie : ,,Séparation munie d'une glace mobile et qui, placée à l'intérieur d'une voiture, isole les voyageurs de l'avant de ceux de l'arrière``. Prononc. et Orth. : [ʃ(ə)mine]. Pour [ə] muet cf. chemin. Ds Ac. 1694-1932. Homon. cheminer. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1170 « salle munie d'une cheminée » (Chr. de Troyes, Cligès, éd. W. Foerster, 5562) − xviiies., Dole ds Gdf.; 2. dernier tiers xiies. « ensemble architectural permettant de faire du feu dans une pièce » (G. de Berneville, St Gilles, 2728 ds T.-L.); 2emoitié xiies. ceminee de marbre (Aiol, 1130 ds T.-L.); 3. ca 1160 keminee « conduit de cheminée dépassant du toit » (Flore et Blanchefor, 1814 ds T.-L.); p. ext. 1832 « intérieur du tuyau d'un bateau à vapeur » (Raymond); 1857 « id. d'une usine » (Flaub., MmeBovary, III, V, p. 169 ds Rob.). B. p. anal. 1649 en parlant d'un volcan (Scarron, Virgile travesti, III, 148b ds Richarson); 1690 orgue (Fur.); 1829 « verre de lampe » (Boiste); 1831 mar. « trou permettant le passage du mat de hune » (Will.); 1866 mines cheminée d'aérage (Lar. 19e); 1890 alpinisme (DG). Du b. lat. [camera] caminata « salle pourvue d'une cheminée » (584 Bréquigny et la Porte du Theil, p. 79ad'apr. Diez5, p. 80; viiies. ds Nierm.) puis « cheminée » (ixes. Hincmar, ibid.), dér. de camīnus « fourneau, cheminée », lui-même empr. au gr. κ
α
́
μ
ι
ν
ο
ς « fourneau » et « conduit de cheminée ». Camminus (chemin*) qui a causé, du fait de l'homon., la disparition du simple, aurait aussi contribué au maintien du -i- par étymol. populaire, v. Bl.-W.5et FEW t. 2, p. 139. Fréq. abs. littér. : 3 762. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 438, b) 9 629; xxes. : a) 6 290, b) 4 122. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, pp. 217-221; p. 444. − Quem. 2es. t. 2 1971. |