| * Dans l'article "CHAUSSER,, verbe trans." CHAUSSER, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− [L'obj. désigne la chose que l'on adapte, que l'on met] 1. [Toute espèce de chaussures ou de bas] Mettre à ses pieds. Il enfila une veste de chasse sur son chandail et chaussa des souliers de marche (Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1620): 1. Il [Walter] sauta d'un bond sur le tapis, chaussa ses pantoufles et, (...) il se précipita à son tour vers l'appartement de sa fille.
Maupassant, Bel-Ami,1885, p. 376. ♦ Expr. Chausser (prendre) des bottes* de sept lieues; chausser le brodequin*, le cothurne*. − Au fig. Chausser (les bottes, les pantoufles) de qqn. Jouer le rôle de, se mettre à la place de : 2. Amant paisible d'un bas-bleu, il chaussa assez gauchement les bottes d'Antony. « J'ai été tout près de la tuer, raconte-t-il vingt ans après ».
A. France, La Vie littéraire,t. 3, 1891, p. 304. − [Avec un obj. interne indiquant la pointure] Chausser du 49. Porter des chaussures de cette pointure. Je sais maintenant qu'elle [sa mère] chausse du 32 (P. Léautaud, Le Petit ami,1903, p. 149). 2. [Autre chose que des chaussures] a) Arch., fig. Aider à chausser les bas violets. Faire accéder quelqu'un à la dignité épiscopale : 3. − C'est un excellent prêtre (...) Mais le général demanda brusquement : − Eh bien! que puis-je faire pour lui? − L'aider à chausser les bas violets qu'il a bien mérités, (...) Sa candidature à l'évêché vacant de Tourcoing est posée.
A. France, L'Orme du mail,1897, p. 188. b) Usuel. Engager son pied dans un système de fixation. Chausser des étriers, des skis : 4. ... je mis mon manteau, j'en relevai le collet, je chaussai mes étriers, et j'allai tranquillement au grand pas de ma jument...
Mérimée, Dernières nouvelles,1870, p. 72. 5. Ces messieurs et dames circulent sous l'aspect moyenâgeux des uniformes sportifs. Ils chaussent les skis, grimpent les pentes et se cassent glorieusement les jambes.
Cocteau, La Difficulté d'être,1947, p. 7. − Expr., vx. Chausser les éperons à qqn. Lui conférer le titre de chevalier : 6. ... des éperons d'or que les Yseult, les Genièvre, les Oriane, chaussèrent jadis à de vaillants chevaliers.
Chateaubriand, Les Aventures du dernier Abencerage,1826, p. 202. c) Ajuster sur une partie du corps. Chausser ses lunettes. Et jamais le pantalon n'a chaussé entrejambe d'une si haute distinction (A. Arnoux, Paris-sur-Seine,1939, p. 56): 7. ... Camille (...) un béret de tricot accroché miraculeusement sur l'occiput, chaussait avec rage ses mains nues de gants à entonnoirs...
Colette, La Chatte,1933, p. 117. − Arg. Chaussez vos bésicles. Regardez bien (Esn. 1966). 3. P. métaph. [L'obj. désigne une abstraction] Concevoir : 8. Passons outre, et ne donnons pas à notre esprit le temps de chausser une plaisanterie.
Balzac,
Œuvres diverses,t. 1, 1850, p. 197. 9. Du moment que la dame du photographe a chaussé l'idée qu'elle a des étouffements si elle ne sort pas, ça suffit pour qu'on la trouve un jour étouffée dans l'escalier.
Colette, Gigi,1944, p. 143. B.− P. méton. [L'obj. désigne la pers. ou la chose à quoi qqc. est adapté, mis] 1. [L'obj. désigne une pers. ou une partie du corps humain] a) [Le suj. désigne une pers.] Mettre une chaussure à. Chausser un enfant, chausser un joli pied : 10. Les femmes accusent une jolie coquetterie, chaussent leurs pieds d'« escarpins » ou de « cothurnes » à la romaine, sans talon.
G. Villard, Hist. abr. du cost.,1956, p. 82. Rem. Éventuellement construction prép. (de, avec). − Fournir en chaussure. Ce bottier chausse toute la famille, absol., ce bottier chausse bien : 11. L'année 1915 vit l'extension progressive de cette activité. Haverkamp continua de chausser les armées de la République.
Romains, Les Hommes de bonne volonté,Verdun, 1938, p. 170. b) [Le suj. désigne une chose] ♦ [En parlant de chaussure] S'adapter (bien ou mal) au pied. Ce soulier me chausse bien, absol., ce soulier chausse avantageusement : 12. Voilà huit jours que je mets, toutes les après-dînées, mes bottines du dimanche, pour aller chez lui, celles qui me chaussent bien, mais qui me font mal aux pieds.
Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 153. ♦ Fam. Cela me chausse (cf. botter). Cela me convient : 13. ... cent mille à Minoret, cent mille à la petite, et à chacun de nous trois cents : voilà ce qui serait juste.
− Ah! cela nous chausserait proprement.
Balzac, Ursule Mirouët,1841, p. 41. 2. [L'obj. désigne un animal de trait] Garnir de fer ses sabots : 14. Ce défilé retentissant (...) de grands chevaux chaussés de fer fit rendre au pavé sonore un bruit de métal...
Fromentin, Dominique,1863, p. 132. − P. anal. et fam. Garnir de pneumatiques les roues d'un véhicule : 15. Il est donc logique de compter d'abord sur les locomotives qui emploient du charbon plutôt que sur les rares camions disponibles que l'on ne peut ni alimenter ni chausser.
C. Pineau, La S.N.C.F. et les transp. fr.,1950, p. 17. 3. [L'obj. désigne des végétaux] Butter, entourer de terre le pied (d'un arbre, d'une plante) : 16. La machine à traction pour planter la vigne (...) comprend (...) un butteur réglable qui ouvre un sillon (...) des butteurs (...) qui chaussent les plants après leur plantation.
R. Brunet, Le Matériel viticole,1909, p. 86. II.− Emploi pronom. A.− [Sens réfl.] Mettre des chaussures à ses pieds. Rem. 1. Éventuellement constr. prép. (de, avec, en). Elle [madame Moreau] s'était donc chaussée en brodequins de peau bronzée et en bas de fil d'Écosse (Balzac, Un Début dans la vie, 1842, p. 398). 2. On rencontre ds la docum. l'adj. chausseté, ée. Enveloppé dans des chaussures fines semblables à des chaussons. Il dîne en chemise de soie rouge, sans cravate, les pieds assez mal chaussetés dans des petits bouts de babouches (Renard, Journal, 1898, p. 485). B.− [Sens passif] Se chausser de, également, être chaussé de.Être fortement attaché à. Être chaussé d'une idée (DG). Prononc. : [ʃose], (je) chausse [ʃo:s]. Enq. : / ʃos, D / (il) chausse. Ds Ac. 1694-1932. Homon. chaussée. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 calcer « mettre, passer à ses pieds (des chausses, des éperons) » (Roland, éd. J. Bédier, 3863); 1155 chaucier (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 9275); 1174-87 pronom. (Chr. de Troie, Graal, éd. W. Foerster, 1427); p. ext. 1552 chausser ses lunettes (Rabelais, Quart Livre, prologue, éd. Marty-Laveaux, II, 253); b) avec un régime indirect ca 1100 ici p. ext. « mettre, ajuster sur une partie du corps » (Roland, éd. J. Bédier, 2678); 2. avec un régime direct désignant une pers., 1155, ici p. ext. « vêtir, habiller » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 14015); 3. 1225-30 « aller bien ou mal, en parlant d'une chaussure » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2139); 4. 1611 « fournir (qqn) de chaussures » (Cotgr.); 5. fig. 1566 « mettre dans son esprit » (C.D.K.P., trad. de Gelle, Discours fantastiques de Justin Tonnelier, Disc. III, p. 94 ds Hug. : L'opinion fausse et perverse qu'ils ont chaussée); 1690 chausser la cothurne (Fur.); 6. 1690 hortic. (Fur.); 7. 1732 mus. (Trév. : Chausser les voix à leur point). Du lat. calceare « mettre des chaussures » attesté (sous la forme du part. passé) dep. Varron ds TLL s.v., 131, 53. Fréq. abs. littér. : 200. DÉR. Chausseur, subst. masc.Fabricant ou marchand de chaussures (cf. bottier). Les superbes magasins ou le chausseur de high-life étale ses chefs-d'œuvre de cordonnerie féminine (J. Richepin, Le Pavé,1883, p. 121).− [ʃosœ:ʀ]. − 1reattest. 1883 id.; de chausser, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Gall. 1955, p. 51, 352. (s.v. chausseur). − Gottsch. Redens. 1930, p. 78, 198, 209, 309. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 104. − Sain. Lang. par. 1920, p. 199. |