| CHAUSSE-TRAP(P)E,(CHAUSSE-TRAPE, CHAUSSE-TRAPPE) subst. fém. A.− ARM. Pièce de fer munie de pointes placée au devant de l'infanterie et la cavalerie ennemies pour qu'elles s'y enferrent : 1. ... ils [les auteurs de l'attentat de la rue Saint-Nicaise] avaient imaginé, à cet effet, une espèce d'obus de quinze ou seize livres qui, jeté dans la voiture, eût éclaté par son propre choc, et anéanti tout ce qui l'eût entouré; se proposant, pour être plus sûrs de leur coup, de semer une certaine partie de la route de chausse-trapes qui, arrêtant subitement les chevaux, devaient amener l'immobilité de la voiture.
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 228. 2. Lorsque les fossés étaient dans une telle situation qu'ils ne pussent jamais être inondés (...) on y suppléait (...) par l'emploi de chausse-trapes, de pieux aiguisés, etc., cachés sous les herbes qui tapissaient le fond du fossé.
Mérimée, Ét. sur les arts au Moyen Age,1870, p. 230. − P. anal., BOT. ,,Plante très commune dans les lieux incultes et le long des chemins, qui a ses fleurs ornées d'épines disposées à peu près comme les pointes des chausse-trapes dont on se sert à la guerre`` (Ac. 1835, 1878). B.− Trou camouflé cachant un piège servant généralement à prendre les animaux sauvages : 3. Ce n'est pas lui qui aurait fait planter des arbres sur sa tombe pour abriter le voyageur lassé pendant le midi; il aurait plutôt fait creuser une chausse-trappe sur sa fosse pour y engloutir le voiturier égaré ou le piéton perdu dans l'herbe haute.
P. Borel, Champavert,Champavert, le lycanthrope, 1833, p. 231. − En appos. Les cahots épouvantables causés par le pavé chausse-trape de Tolède (T. Gautier, Tra los montes, Voyage en Espagne, 1843, p. 174). − P. ext. Oubliette. [Louis XI] expirant entouré de gibets, de cages de fer, de chausses-trappes (Chateaubriand, Ét. hist.,1831, p. 219). ♦ P. métaph. : 4. À peine au lit (...) une chausse-trappe s'ouvre, où tombe en des profondeurs d'oubli, de repos, l'aide de camp noctambule et fourbu...
A. Daudet, Les Rois en exil,1879, p. 107. C.− Au fig. Embûche, piège. Un pays (...) creusé de chausse-trapes par le fisc et la police (Cocteau, Lettre aux Américains,1949, p. 77): 5. Si tout autour de nous est semé de chausses-trapes, si le désir n'est qu'une amorce du malin, pourquoi bouger?
Amiel, Journal intime,1866, p. 252. Prononc. et Orth. : [ʃostʀap]. Seule transcr. de calcitrape ds Littré : kal-si-tra-p'. Attesté ds Ac. 1694-1932. Besch. 1845 écrit calcitrappe. Ortho-vert 1966 : trappe prend 2 p alors que chausse-trape n'en prend qu'un. Au plur. des chausse-trapes. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 bot. pic. cauketrepe (Moniage Guillaume, éd. W. Cloetta, II, 5108); av. 1220 chauchetrepe (G. de Coinci, Miracles II, Prologue, 1, 343, éd. V. F. Koenig); 1530 id. (E. de Laigne, Traicté contenant les propriectez des tortues d'apr. Roll. Flore t. 7, p. 155); 2. a) 1284 « pièce de fer munie de pointes » (Jean de Meung, L'Art de Chevalerie, éd. U. Robert, p. 126 : tribles c'est à dire chardons, kauketreppes); 1430 chausses trapes (Inv. de la Bastille, p. 331 ds Gay); b) 1320-50 calketrappe « piège pour animaux » (N. Bozon, Contes Moralisés, 185 ds T.-L.). 1 est composé de l'a. fr. chauchier « fouler » (v. cauchemar) et treper (v. trépigner) au sens soit de « fouler aux pieds, marcher sur » soit de « sauter » (quia facit trepare calcantes, v. A. Thomas ds Romania, t. 41, p. 449); la chronologie et l'extension géogr. de ses attest. (FEW t. 2, p. 65) montrent qu'il est antérieur à 2 (cf. lat. médiév. calcatripa « chardon » ixes. ds Nierm. et André Bot.); 2 a est vraisemblablement un calque sém. du lat. tribulus (gr. τ
ρ
ι
́
ϐ
ο
λ
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ς) « engin à trois pointes » et « plante piquante »; 2 b a subi l'attraction de trappe* « piège pour animaux »; le mot souvent altéré a été définitivement refait d'apr. chausser* et trappe*. Fréq. abs. littér. Chausse-trappe : 22. Bbg. Perrot (Général). Vocab. milit. Banque Mots. 1972, no4, p. 204. − Rigaud (A.). Allons au fond des chausses! Déf. Lang. fr. 1970, no55, pp. 8-10. |