| CHAUD, CHAUDE, adj., adv. et subst. I.− Adjectif A.− [En parlant d'un inanimé concr. ou abstr.] 1. Qui a ou qui dégage une température relativement élevée; où règne une telle température. Eau, serre chaude; vent chaud. L'aube déjà tiède d'une chaude journée d'été (Zola, Le Rêve,1888, p. 111).À Laroche, je voulus lui faire prendre quelque chose de chaud (G. Leroux, Le Parfum de la dame en noir,1908, p. 167). SYNT. Air, climat, sable chaud; nuit, soupe chaude; chaud soleil, chaude lumière. − P. métaph. Cette vengeance (...) était prête, elle était chaude, elle bouillonnait (Balzac, La Duchesse de Langeais,1834, p. 292). − Expr. fig. ♦ (Il faut) battre le fer quand (pendant qu') il est chaud. Sans tarder (cf. battre1I A 1 b technol. ex. 6). P. plaisant. Je disais : Il faut battre le coup d'État quand il est chaud (Hugo, Histoire d'un crime,1877, p. 203).Achève ton travail pendant que nous sommes chauds tous les deux! (Claudel, Le Soulier de satin,1944, 4ejournée, 2, p. 854). ♦ Il ne trouve rien de trop chaud (ni de trop froid), il n'y a rien de trop chaud (ni de trop froid) pour lui. Il veut tout avoir, sans qu'aucune difficulté l'arrête. Les cosaques forçaient les portes, et rien ne leur était ni trop chaud, ni trop lourd (Pourrat, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 142). ♦ Si vous n'avez rien de plus chaud, vous n'avez que faire de souffler. Vous perdez votre peine, vous comptez sur une vaine espérance. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. et ds Lar. 20e. 2. [En parlant de vêtements] Qui préserve du froid, qui tient chaud. Manteau chaud. 3. Spécialement a) GÉOGR. [En parlant d'une partie du globe] Qui est situé dans une région où la température est élevée, en raison de sa position proche de l'équateur. Pays chauds. Croisières en mers chaudes (Morand, New-York,1930, p. 63). b) GÉOL. [En parlant d'un sol] Qui a une certaine température en raison de sa nature ou de son exposition. Cette terre est chaude, (...) la craie réfléchit le soleil et laisse passer l'eau (Michelet, Journal,1833, p. 113). c) MÉD., PHYSIOL. − [En parlant d'une pers., d'un animal, d'une plante ou d'une partie de leur être] Qui a une température naturelle déterminée, correspondant aux fonctions organiques, à la vie, ou dont la température s'élève sous l'action de différents facteurs (soleil, maladies, émotions diverses). Animaux à sang chaud. S'il est un peu chaud, un peu fiévreux, (...), ne t'inquiète pas. Ce sont les dents qui le travaillent (Pagnol, Fanny,1932, III, 2, p. 173). − [En parlant d'une qualité, etc.] Qui s'accompagne d'une certaine température, naturelle ou provoquée, qui donne de la chaleur ou une impression de chaleur. Le visage de Félicité s'empourpra d'une joie chaude (Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 86). d) PHYS. NUCL. [En parlant d'une substance ou d'un lieu] Dont la radio-activité élevée exige des précautions spéciales. Laboratoire chaud (Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 225). B.− Au fig. 1. [En parlant d'une chose qui exerce un effet partic. sur les sens] Qui est agréable aux sens par sa richesse, ses qualités propres, l'impression de vie qu'il donne. Le timbre chaud et expressif du nouveau jeu de clarinette (V. d'Indy, César Franck,1908-21, p. 141).L'odeur chaude-amère [des genêts] (Genevoix, Raboliot,1925, p. 303). − Spécialement a) [En parlant d'une teinte] Qui présente une dominante jaune ou rouge, qui plaît à l'œil par son harmonie. Les cimes des bois commençaient à se dorer, à prendre des tons chauds et bruns (Balzac, L'Auberge rouge,1831, p. 282). − P. anal., dans le domaine artistique ou littér.Où l'on sent le génie, l'inspiration, le cœur de l'auteur; expressif, harmonieux : 1. ... l'atmosphère sonore pénétrante et chaude, la poésie et l'ardeur expressive de toute la partie intermédiaire en mi majeur ne sont pas sans quelque liberté de diction...
A. Cortot, Frédéric Chopin,1917, p. 33. b) [En parlant d'un vin] Gorgé de soleil, riche en alcool, qui fait tourner la tête. Je le soupçonne [votre vin] (...) d'être un peu plus chaud que vous ne dites (Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 852). Rem. Ne pas confondre avec l'expr. vin chaud, vin cuit avec des épices (cannelle, etc.), parfois mélangé de thé, et que l'on boit chaud en hiver. − P. méton., région. (Ouest et Canada). Ivre. Les convives le trouvèrent un peu chaud à la seconde bouteille (G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 352). ♦ (Être) chaud de vin (ou de tout autre alcool). Avoir bu avec un certain excès. Tenir en bride un Roméo... même chaud de gin (Genevoix, Match à Vancouver, Laframboise et Bellehumeur, 1942, p. 24). ♦ Se mettre chaud. S'enivrer (cf. Hémon, Maria Chapdelaine, 1916, p. 93). 2. Domaine de la personnalité humaine. a) [En parlant d'une pers., de son tempérament, d'un aspect de son comportement et parfois, p. compar., en parlant d'un animal] Qui est animé de sentiments vifs, favorables, parfois défavorables, qui traduit de tels sentiments, ardent, passionné. Chaud partisan, chaud patriote. Drôle de type : tantôt si amical et si chaud, tantôt glacé, presque cynique (Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 244). ♦ N'être pas chaud pour qqc. N'en être pas chaud partisan, y être défavorable. SYNT. Regard, tempérament chaud; voix chaude. − Emploi subst. Personne ardente, passionnée, animée de sentiments vifs d'amour ou de haine (cf. Mounier, Traité du caractère, 1946, p. 365). − Expressions ♦ Chaud comme braise. Ardents, chauds comme braises Mes ennemis sont des gens sérieux (Verlaine, Dédicaces, Ballade, 1890, p. 191). ♦ Tout chaud, tout bouillant. Empressé : 2. ... tout chaud tout bouillant, il voulait, sans même changer de chemise ni quitter ses galoches montagnardes, rejoindre (...) la route royale...
L. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 151. ♦ [P. allus. au N. T., Apocalypse III, 15-16] N'être ni chaud ni froid. Rester indifférent, ne pas prendre parti : 3. Bienheureux qui se lève, et, luttant, irrité,
Pour la justice en peine et pour la charité,
Applique sur le mal l'efficace remède!
Et malheur à qui n'est ni chaud ni froid, mais tiède!
Leconte de Lisle, Poèmes barbares,Les Paraboles de dom Guy, 1878, p. 345. ♦ Avoir les mains froides et le cœur chaud (Rob.). Froides mains, chaudes amours. Des mains froides vont souvent de pair avec un tempérament ardent. ♦ Tête chaude. Personne passionnée, prompte à s'emporter. C'était une tête chaude, un esprit faible (A. France, L'Orme du mail,1897, p. 93).Avoir le sang chaud, la tête chaude. Se mettre facilement en colère. Il n'avait pas (...) un sang chaud et vicieux, il était animé d'une haine sourde et froide (Balzac, Les Paysans,1844-50, p. 339). ♦ VÉN. Avoir le fusil chaud. Utiliser son fusil de façon dangereuse dans la passion d'une partie de chasse. Ton grand d'Espagne dont tu dis qu'il a le fusil chaud (P. Vialar, L'Homme de chasse,1961, p. 355).P. méton. Fusil chaud. Chasseur qui, perdant son sang-froid dans la passion d'une partie de chasse, est un tireur dangereux (cf. Duchartre 1973). b) [En parlant d'une qualité, d'un sentiment, d'une activité hum., etc.] Qui est rempli de sympathie, d'amitié, qui est agréable au cœur humain. Ces souvenirs chauds qui font, (...), sourire les lèvres et frémir le cœur (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Ma femme, 1882, p. 667): 4. Lisant la mort de Turenne et le procès de Fouquet, il remarquait, pour celui-ci, que l'intérêt de Mmede Sévigné était bien chaud, bien vif, bien tendre pour de la simple amitié.
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 316. − Par litote. N'être pas chaud. Ne pas être amical. Entre eux, ça n'avait jamais été chaud, chaud (Mauriac, Le Mystère Frontenac,1933, p. 66). c) Domaine de la sensualité et de l'instinct sexuel.[Très souvent avec une nuance péj.] − [En parlant d'une pers.] Qui a les sens ardents, porté aux choses de l'amour. C'était une chaude femelle. Impudique et imprudente, elle prenait partout son plaisir (Michelet, Journal,1849-60, p. 577). ♦ Expr. fam. ou pop. Chaud de la pince. Coureur. Synon. chaud lancier.Le grand patron (...) chaud de la pince et qui pelotait (...) les femmes de ses collaborateurs (L. Daudet, La Vie de Clemenceau,1942, p. 128). Rem. On rencontre en ce sens ds la docum. les mots composés. a) Chaud-de-la-couche (E. et J. de Goncourt, Journal, 1892, p. 324). b) Chaud-de-la-pince (cf. P. Bourget, Un Crime d'amour, 1886, p. 226). Chaud lapin. Homme qui a les sens ardents. Le vieux étant encore un chaud lapin, malgré ses 75 ans et plus (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 150).Chaud comme une caille. Cf. caille1B 2 b.− [En parlant d'un inanimé] Sensuel, empreint de sensualité et, plus largement, de réalisme : 5. Moi qui ne suis pas prude, et qui n'ai pas de gaze
Ni de feuille de vigne à coller à ma phrase,
Je ne passerai rien. − Les dames qui liront
Cette histoire morale auront de l'indulgence
Pour quelques chauds détails...
T. Gautier, Albertus,1833, p. 172. ♦ Lang. pop. [En parlant d'un lieu] Où se pratique la prostitution, la débauche. Visiter les garnis les plus douteux, les « cabarets chauds » (Morand, Londres,1933, p. 106). − Spéc., ZOOL. [En parlant d'un animal, plus partic. d'une femelle] Ardent à s'accoupler, en état de le faire. C'est Aude, encline à s'accoupler Ainsi qu'une chienne chaude (Moréas, Sylves,1896, p. 20). d) P. méton. − D'un point de vue favorable. [En parlant d'une chose qui reflète, exprime une personnalité] Plein de chaleur humaine. Atmosphère chaude. Le café Lipp, tout chaud d'âme et d'intimité (Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 56). − D'un point de vue défavorable. [En parlant d'une chose qui a trait à l'activité hum. (événement, période, lieu)] Où il y a de l'animation, des disputes, des oppositions d'idées, d'intérêts. La campagne du referendum fut des plus chaudes (G. Vedel, Manuel élémentaire de dr. constitutionnel,1949, p. 305). ♦ Spécialement Où il y a des échanges de coups, du sang qui coule. Après deux heures d'un combat très chaud, Dégo fut repris (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 351).Où il y a des tensions sociales, politiques, de l'agitation, un climat de crise. Point chaud. « Chaud, chaud, le printemps sera chaud », répétaient-ils [des lycéens manifestant] (La Croix,14 mars 1975, p. 8, col. 4).Arg. Dangereux. Les communistes je ne m'en occupe pas; c'est trop chaud. Le Soudi ne peut pas les encaisser (H. Bazin, Le Bureau des mariages,1951, p. 106). 3. [Avec une valeur ou une nuance partic.] a) [Avec une valeur intensive] Fort, grave, sérieux. Nous avons eu, cette nuit, une chaude alerte (R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 469). ♦ Donner une alarme bien chaude, la donner bien chaude. Donner l'alarme en présentant la situation pire qu'elle n'est. ♦ Loc. prép. Au plus chaud de. Au plus fort de. Au plus chaud de notre passion (Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 471). ♦ Pleurer à chaudes larmes. Pleurer beaucoup et sous l'empire d'une vive douleur surtout morale. Maman pleurait à chaudes larmes en pansant mon sauveteur (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 80). − PATHOL. Chaud mal, fièvre chaude. Forte température avec délire. Il y en a plus d'un (...) que votre père arracha à la fièvre chaude (Nerval, Faust,1840, p. 53). ♦ P. métaph. Et l'Empire qui était si fier de cette fièvre chaude de l'industrie! (Zola, Germinal,1885, p. 1311). ♦ Expr. vieillie. Tomber de fièvre en chaud mal. Passer d'une situation difficile à une situation pire : 6. ... un très grand nombre de propriétaires, (...), travaillent, épargnent, capitalisent. C'est tomber de fièvre en chaud mal. (...) le propriétaire (...) qui reçoit des appointements pour son travail, est un fonctionnaire qui se fait payer deux fois : ...
Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 288. b) [Avec une nuance temp.] − [En parlant d'une chose] Qui, par la proximité d'un fait (présence d'une personne, événement, etc.) garde une certaine chaleur, réelle ou supposée. Prendre la place toute chaude de qqn. Des lèvres encore chaudes d'injures (G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 379).Faire l'histoire immédiate et toute chaude de ce qui vient de se passer (Hugo, Correspondance,1851, p. 32). − [En parlant d'une pers.] Qui est sous le coup d'un événement récent, d'une situation, qui en garde de vives impressions. Il débarquait de la campagne encore tout chaud des événements qu'il avait lus (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 656). − Expressions ♦ Le rendre tout chaud, le rendre chaud comme braise. Se venger immédiatement d'un mauvais coup, d'une parole méchante, en particulier par une répartie. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. et ds Lar. 20e. ♦ Cet ouvrage est encore tout chaud de la forge. Cet ouvrage vient d'être terminé. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. et ds Lar. 20e. ♦ Rare. N'avoir rien de plus chaud que de. N'avoir rien de plus pressé que de. Mes petits-enfants, (...) n'ont eu rien de plus chaud que d'en parler à tout le monde (Balzac, La Rabouilleuse,1842, p. 474). II.− Emplois adv. et interjectifs A.− Emplois adv. 1. Loc. verbales a) Boire, manger, servir, tenir chaud, etc. − P. métaph. [Avec une nuance temp.] Écrire vite et servir chaud (Mauriac, Journal 4,1950, p. 204). Rem. On rencontre ds la docum., également employé p. métaph., le mot composé chaud-servi. Adeptes de l'art éruptif et tout chaud-servi (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 157). − Domaine de la personnalité hum.Avec ardeur, passion. L'admirable Après-midi d'un faune (...), jouée plus chaud (...) que dimanche dernier (Willy, Notes sans portées, par l'ouvreuse du Cirque d'été,1896, p. 17). − Expr. partic., rare. ♦ Coûter chaud. Coûter cher. Je m'occupe d'un home pour enfants de déportés, et ça coûte chaud (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 250).Au fig. Avoir de fâcheuses conséquences. Il en coûte chaud, chez nous, d'être trouvé porteur d'un pistolet : ce sont les travaux forcés (Morand, Londres,1933, p. 317). ♦ Tenir chaud à qqn. Le laisser sans repos ni trêve. Ce drame... qui lui avait tenu chaud pendant l'hiver (A. Daudet, Le Nabab,1877, p. 178). ♦ Souffler chaud (Sainte-Beuve, Correspondance générale, t. 5, 1818-69, p. 311); cf. III A 1 expr. fig.). ♦ Prendre chaud et froid (Michelet, Journal, 1857, p. 346; cf III A 1 méd. physiol.). b) [À la 3epers. du sing.] Faire chaud. Il fait chaud dans cette chambre comme dans un four (Ac.1798-1878).Il fait grand chaud (M. de Guérin, Journal intime,1833, p. 160). − Lang. parlée. Il fait trop chaud marcher (Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 815). − Domaine de la personnalité hum.Faire chaud au cœur (E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin,1864, p. 141). − Expr. fig. et fam. ♦ Cela ne fait ni chaud ni froid à qqn. Cela le laisse indifférent. Il m'écoutait à peine! ça lui faisait ni chaud ni froid (Céline, Mort à crédit,1936, p. 453).Cela ne fait ni chaud ni froid à qqc. Cela n'y change rien, n'a aucune influence sur. Cela ne faisait ni chaud ni froid à mon avancement (Stendhal, Vie de Henry Brulard, t. 2, 1836, p. 453). ♦ Il fait chaud (à une bataille). Il y a du danger, des risques sérieux : 7. De grandes batailles, il n'y en a pas; mais ce qu'ils appellent des affaires de poste. Ce n'est pas qu'il n'y fasse chaud aussi; mais tout le monde n'en est pas, ...
Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1893. ♦ Il fera chaud (avec une proposition temporelle ou conditionnelle). Il ne se produira pas de sitôt que. Si jamais je vous cède ma place, eh bien, il fera chaud! (Ponchon, La Muse au cabaret,La Politesse est morte, 1920, p. 284). c) Avoir chaud. Une rose, qui a trop chaud, se dévêt de ses feuilles, une à une (Renard, Journal,1902, p. 762). − Domaine de la personnalité hum.Autrefois son âme avait froid, maintenant elle avait chaud (Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 506). ♦ Spéc., domaine de la sensualité.Vous vous êtes abandonnée à lui comme une servante qui a trop chaud (Claudel, La Jeune fille Violaine, 1reversion,1892, p. 517). − Fam. Avoir eu chaud. Avoir évité de peu un malheur, des ennuis. Mais, « il s'épongea le front », on a eu chaud! (Romains, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, p. 33). 2. Loc. adv. a) À chaud. Pendant que s'exerce l'action d'une température plus ou moins élevée. Dorure à chaud (cf. H. Fontaine, Électrolyse, 1885, p. 124). − Domaine de la personnalité hum. : 8. Tout épanchement de cœur se doit faire, il me semble à « chaud », c'est-à-dire dans un mouvement de confiance et d'affection.
Bernanos, Lettres inédites,1905, p. 1726. − Spéc., CHIR., PATHOL. En période de fièvre, d'inflammation. Une appendicite aiguë à opérer à chaud, avec menace de péritonite (Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 19). ♦ P. métaph. Cette visite artistique ne prenait pas subitement le caractère urgent d'une intervention « à chaud » (Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 684). ♦ Au fig. En période de crise : 9. La rébellion d'Algérie a éclaté non par hasard, à ce moment précis, alors qu'au Maroc et en Tunisie il fallait régler « à chaud » le passage d'un état à l'autre.
Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 385. b) Tout chaud. − [Avec une nuance temp.] Immédiatement, sur le vif. Il écrit tout chaud, sans réfléchir (Gide, Journal,1907, p. 255). − Très rare. Tout compris, au maximum. Tout chaud, cela ferait 19 000 francs (Lamartine, Correspondance,1830, p. 379). B.− Emplois interjectifs 1. [Indique une température élevée] Chaud! chaud! Le Marchand de marrons. − Chaud! chaud! les marrons! (A. France, Crainquebille,1905, p. 291). 2. Fam. Chaud! (chaud!), parfois (chaud-là). Allons! Vite! Agissons vite et bien! Chaud! chaud!... Passons au calembour! (Meilhac, Halévy, La Belle Hélène,1865, I, 11, p. 205). 3. Chaud-là! Attention. Je me pensais (...) : « Chaud là, Bélisaire!... Prenons garde qu'il n'arrive pas malheur au moutard » (A. Daudet, Contes du lundi,1873, p. 84). III.− Emplois subst. (pour désigner des inanimés). A.− Subst. masc. inv. 1. Température élevée provenant de différentes sources et plus particulièrement du soleil. Souffrir le chaud et le froid (Ac. 1798-1932). Tenir, mettre un plat au chaud (DG). Se tenir au chaud. Il faisait un grand chaud, (...) il lui montra devant eux un ombrage de sapins (G. Sand, Les Beaux Messieurs de Bois-Doré,1858, p. 234).Tout sent l'étuve, la vapeur, le chaud (A. Daudet, Jack, t. 1, 1876, p. 247). ♦ Vieilli. Crever de chaud; mourir, étouffer de chaud (Ac. 1798-1878). − P. méton. Effet produit dans l'air par une forte température. Plaines où de ce temps on voit trembler le chaud (Giono, Le Grand troupeau,1931, p. 14). − Expr. fig. ♦ (Tout) au chaud. En état de quiétude, de paix, à l'abri de tout ennui. Tout au chaud, volets clos, elle [la conscience] s'anéantit (Sartre, Situations I,1947, p. 33): 10. [Le curé de Torcy]. − (...) les pauvres écrivains bien pensants (...) s'imaginent qu'un bonhomme est à l'abri dans l'extase, qu'il s'y trouve au chaud et en sûreté comme dans le sein d'Abraham. En sûreté!...
Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1041. ♦ Souffler le chaud et le froid. Changer alternativement d'avis, d'opinions (cf. Stendhal, Vie de Henry Brulard, t. 2, 1836, p. 261). Rem. On rencontre ds la docum. les mots composés. a) Chaud-boire, lang. région. (Ouest, vraisemblablement). Boisson chaude (cf. J. de La Varende, Contes sauvages, 1938, p. 48). b) Chaud-et-froid. Alternance de fortes et de faibles températures. La fournaise d'Almeria, le chaud-et-froid de Tanger (Montherlant, La Petite Infante de Castille, 1929, p. 588). − Spéc., MÉD., PHYSIOL. Température propre à un corps, à une plante, à une de ses parties, ou provoquée par des causes extérieures (maladies, émotions). Se sentant le chaud l'un de l'autre, ils se parleraient doux (Ramuz, Derborence,1934, p. 179). ♦ Chaud et froid. Refroidissement pouvant entraîner diverses maladies (rhume, grippe, bronchite) : 11. L'orateur funèbre, ayant pris un chaud et froid au dernier enterrement, traînait un mauvais rhume à fièvre et à grosse toux creuse...
A. Daudet, L'Évangéliste,1883, p. 278. P. métaph. En littérature, il faut arriver doucement, de peur d'attraper un chaud et froid (Renard, Journal,1895, p. 264).Rem. On rencontre ds la docum. le régionalisme (Centre-Ouest) chaud-ferdis. Refroidissement (cf. Genevoix, Raboliot, 1925, p. 56). 2. Domaine de la personnalité hum. a) État moral d'une personne, fait d'ardeur intérieure, de sentiments vifs favorables ou défavorables. Ainsi passons-nous du froid au chaud, (...), tantôt bouillants d'ardeur, (...), tantôt froids et las (Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 301). b) Ce qui est sensuel, empreint de sensualité, de réalisme. Lecture (...) du voyage pornographique de Gautier, (...); du chaud, du cru, du dru (E. et J. de Goncourt, Journal,1857, p. 427). c) Domaine de l'activité hum.(Cf. I B 2 d; l'adj. est employé comme neutre).Oh! ça (sic) été d'un chaud! On a crié à faire venir les sergents de ville! (E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 225). Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. composé chaud-vif, dans lequel chaud a une valeur intensive. À mesure qu'il entrait dans le chaud-vif de son malheur (Giono, Un de Baumugnes, 1929, p. 45). d) Loc. prép. [Avec une nuance temp.] Sur le chaud de. Instantanément, sur le coup de. J'ai encore mon habit au dos et j'écris sur le chaud de la soirée (E. et J. de Goncourt, Journal,1863, p. 1248). B.− Subst. fém. 1. TECHNOL. Degré de température nécessaire à certaines matières (fer, verre) pour les travailler, variable suivant le but recherché : 12. On corroie son étoffe de fer au gros marteau, on lui flanque deux autres chaudes suantes; si le fer a été surchauffé, on le rétablit par des chaudes grasses, et à petits coups. Et puis on étire l'étoffe, ...
Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, pp. 171-172. 2. Fam. Flambée qui réchauffe rapidement, chaleur qui en résulte. Une rentrée par le brouillard, une promenade dans les prés mouillés, tout devient prétexte à une chaude (P. Arène, Contes de Paris et de Provence,1887, p. 61). 3. [Avec une nuance temp.] À la chaude, sur la chaude. Sur le champ, immédiatement. Franz partit tout de suite, à la chaude (Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 150): 13. Le soir même du passage de Monseigneur, ayant ainsi appris que le Barthaut ignorait le latin, elle alla sur la chaude en faire bruit au pas des portes.
Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 169. Prononc. et Orth. : [ʃo], fém. [ʃo:d]. Littré note que : ,,le d ne se lie pas [qu'] au plur. l's se lie``. Grammont Prononc. 1958, p. 131 signale qu'on ne lie plus un chau(d) et froid. Ds Ac. 1694-1932. Homon. chaux, chaut (peu me-). Étymol. et Hist. I. Adj. A. 1. 1100 « qui a une température élevée » (Roland, éd. J. Bédier, 950); d'où fig. 1165 chaudes lermes (Benoit, Troie, éd. L. Constans, 12753); 2. ca 1170 « qui a gardé une chaleur transmise » fer chaut (Benoit, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 15626); p. ext. 3. 1243 « récent » chaude novelle (Ph. de Novare, Quatre Ages, éd. M. de Fréville, XIII ds T.-L.). B. 1. 1165 fig. d'ire chauz (Benoit, Troie, éd. L. Constans, 30132); 2. p. ext. 1275 « sensuel » (J. de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 8262); 3. 1285 « qui donne une sensation de chaleur, fiévreux » (Adenet Le Roi, Cléomades, éd. van Hasselt, 7312 ds T.-L.). II. Subst. 1. subst. masc. 1100 « haute température (de l'atmosphère) » (Roland, éd. J. Bédier, 1011); fig. ca 1236 (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 3182 : Ce ne me fet ne froit ne chaut); 1580 au plus chaud de la meslee (Montaigne, liv. I, ch. XLVIII, p. 184 ds Gdf. Compl.); 2. subst. fém. a) av. 1511 a la chaulde « dans la première chaleur » (Commynes, VI, 5 ds Littré); b) 1611 métall. (Cotgr.). Du lat. cal(i)dus « chaud » au propre et au fig. Fréq. abs. littér. : 7 126. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 930, b) 12 414; xxes. : a) 12 354, b) 11 163. Bbg. Christmann (H. H.). Lateinisch calere in den romanischen Sprachen mit besonderer Berücksichtigung des Französischen. Wiesbaden, 1958. − Gassen (C. Th.). Z. rom. Philol. 1961, t. 77, pp. 180-184. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 99. − Goug. Mots t. 2 1966, pp. 17-19. − Gougenheim (G.). B. Soc. Ling. 1959, t. 54, pp. 108-109. − Pauli 1921, p. 36. − Quem. 2es. t. 2 1971. − Spitzer (L.). Yiddisch (t)schale(n)t : Französisch chaud? Mod. Lang. Notes. 1946, t. 61, pp. 101-104. |