| CHAROGNARD, subst. masc. A.− Oiseau de proie (notamment vautour) ou animal se nourrissant de charognes. Des terrains vagues que hantent des hordes de charognards (...) semblables à d'énormes pigeons pelés (Gide, Voyage au Congo,1927, p. 685).Le coyote (qui est un charognard) (...) intermédiaire entre herbivores et carnivores (C. Lévi-Strauss, Anthropol. struct.,1958, p. 249). − P. anal. : 1. − Foutus, les Turcs! Condamnés à mort. Moribonds déjà si bien qu'autour d'eux, les charognards pullulent. Vous savez ce qui en est : dès que le blessé saigne, les corbeaux pleuvent du ciel. Pour le blessé turc, les corbeaux de la première heure ont été les Grecs. Ensuite les Syriens sont venus, et puis les Arméniens, les Persans, les Juifs. Tous s'escrimèrent à qui mieux mieux du bec et des ongles. Et la chair turque se déchira, s'arracha lambeau par lambeau.
Farrère, L'Homme qui assassina,1907, p. 43. B.− P. métaph., péj. Individu qui suscite une forte désapprobation par son mauvais caractère ou par la rapacité, la cruauté avec lesquelles il exploite la misère d'autrui. (Quasi-)synon. chacal, vautour : 2. L'abjecte vipère! Mais c'est lui qui veut notre peau! Depuis toujours qu'il nous guette! Il veut notre cimetière! Il le veut!... Nous le gênons! Il ne s'en cache même plus!... Il veut nous faire crever, les vieux!... (...) C'est nos pauvres quatre sous! C'est notre pauvre croûte à nous qu'il guigne? Tu ne vois donc rien? Mais oui! Mais oui! Il sait bien ce qu'il fait le gredin! Il le sait le petit salaud! Le charognard! La petite frappe! Il a pas les yeux dans sa poche! Il nous a bien vus dépérir! Il est aussi vicieux que méchant!
Céline, Mort à crédit,1936, p. 388. Rem. 1. S'emploie rarement en fonction d'adj. : Un homme (...) bien plus charognard que les crocodiles et les requins (Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 32), ou au genre fém. : Voleuse. Charognarde (Aymé, La Vouivre, 1943, p. 204). 2. On peut se demander si dans certains des emplois B, le mot n'est pas plutôt un néol. formé à partir du rad. du verbe charogner et du suff. péj. -ard, et donc sans réf. métaph. à l'oiseau. − Spéc., arg. milit. Embusqué qui s'attire les honneurs sans les mériter : 3. Charognard prenait une singulière allure quand on l'entendait en Artois, entre deux attaques, dans la bouche du vaillant commandant Fr..., stigmatisant ceux des officiers de l'arrière qui recueillaient sans droit les avancements et les faveurs (mai 1915).
A. Dauzat, L'Arg. de la guerre,1918, p. 87. Prononc. : [ʃaʀ
ɔ
ɳa:ʀ]. Pour le timbre de la 1resyll. cf. charogne. Étymol. et Hist. 1. 1894 (C. Virmaitre, Dict. d'arg. fin-de-s., p. 63 : Charognard. Généralement les patrons ou les contremaîtres qui commandent durement sont qualifiés tels); 2. 1899 « vautour » (Nouv. Lar. ill.). Dér. de charogne*; suff. -ard*. Fréq. abs. littér. : 22. |