| CHARMER, verbe trans. A.− Vieilli. Soumettre à un charme, à un pouvoir magique. Enchanter, ensorceler, envoûter.Les Muses charment Amphion endormi, prodiguent sur lui des gestes d'enchantement (Valéry, Variété III,1936, p. 97): 1. « Ô Monsieur Patience! criait l'enfant en joignant les mains, ne me maudissez pas, ne me charmez pas, ne me donnez pas de maladie ».
G. Sand, Mauprat,1837, p. 37 ds L. Vincent, La Langue et le style rustiques de George Sand dans les « romans champêtres », 1916, p. 197. − P. anal. Charmer les oiseaux, les serpents, les tigres. Charmer la fureur des loups (Béranger, Chansons,Le Chasseur et la laitière, t. 3, 1829, p. 189). − P. ext. Enchaîner, leurrer, tromper. On peut charmer l'impatience de généreux coursiers en leur donnant à mâcher un frein d'or (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 778).Telles sont les chimères qui charment et égarent au matin de la vie (Durry, Gérard de Nerval et le mythe,1956, p. 159): 2. La rêverie attire, enjôle (...) puis fait de vous son complice. Elle vous met de moitié dans les tricheries qu'elle fait à la conscience. Elle vous charme. Puis vous corrompt.
Hugo, L'Homme qui rit,t. 2, 1869, p. 146. B.− Briser les effets d'un charme; endormir, calmer, apaiser. SYNT. Charmer la fièvre, la maladie de qqn. [Sylvinet à Fadette] − (...) vous êtes grande remégeuse, et vous savez charmer la maladie (G. Sand, La Petite Fadette, 1849, p. 319). − P. métaph. Charmer sa misère, ses tourments; charmer l'ennui, la mélancolie, la solitude de qqn. − Pop. Charmer le cabot. ,,Fermer la gueule à un chien en lui jetant une boulette empoisonnée ou quelque morceau de viande`` (France 1907). Charmer la volaille. ,,Empêcher, par un moyen quelconque, les poules de crier quand on les vole`` (France 1907). Charmer les puces. ,,S'enivrer. L'ivrogne, ne sentant plus la piqûre des puces, ou n'ayant pas la force de se gratter, les laisse s'ébattre à leur aise`` (France 1907). C.− Enchanter, émerveiller. Synon. captiver, séduire, plaire. SYNT. Charmer l'oreille, les yeux de qqn; charmer l'âme, l'esprit, l'imagination de qqn; charmer les jours, les loisirs de qqn. Mes filles embellissent et charment ma vie (Maine de Biran, Journal, 1819, p. 233). « Weber me charmait jusqu'à l'extase, » écrit-il dans ses Souvenirs (R. Dumesnil, Hist. illustrée du théâtre lyrique, 1953, p. 136) : 3. ... il met tout en œuvre avec plus de faste que de discernement. Pour lui, charmer c'est éblouir, c'est surprendre, ...
Viollet-Le-Duc, Entretiens sur l'archit.,1872, p. 185. 4. ... enfin c'était une volupté déjà étrange, (...) à céder à la fascination de l'eau. L'eau qui m'a toujours attiré, séduit, pris, charmé...
J. Lorrain, Sensations et souvenirs,1895, p. 12. 5. Les gosses comprennent très tôt que l'important pour eux c'est d'être mignon et de nous plaire. Leur coquetterie s'éveille en même temps que la conscience. Ils s'initient d'abord à leur métier qui est de charmer ce monstre : la grande personne. Quelles flatteries, dans les petites classes, à l'égard du maître!
Mauriac, Journal 2,1937, p. 191. − Emploi pronom. Françoise se reprit à se charmer de l'avenir qu'elle lui imaginait [à Xavier] (S. de Beauvoir, L'Invitée,1943, p. 113). − Au passif, cour., mais moins usuel que enchanté. Être très heureux. Je suis charmé de faire votre connaissance, de vous voir. Prononc. et Orth. : [ʃaʀme]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 « soumettre à une opération magique » (Thèbes, 8880 ds T.-L.) d'où 1550 part. prés. adj. charmant « qui a le pouvoir magique de charmer » (Ronsard, Odes, 75bd'apr. Vaganay ds Rom. Forsch., t. 32, p. 30); 2. 1560 « apaiser, adoucir » (J. Grévin, Olimpe, p. 241 ds IGLF : Charmer l'ennuy des ans); 3. 1560 « faire céder à un pouvoir attrayant, fasciner » (J. Grévin, Olimpe, p. 266, dsIGLF) d'où 1629-30 part. prés. adj. charmant « séduisant, qui plaît beaucoup » (Corneille, Mélite, II, 7, dsIGLF). Dér. de charme* « pouvoir magique »; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 952. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 043, b) 1 770; xxes. : a) 1 031, b) 735. Bbg. Duch. Beauté 1960, pp. 81-84. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 13-14. |