| CHARLATAN, subst. masc. et adj. I.− Subst. masc. A.− Vx. Marchand ambulant qui, après avoir débité un boniment, vendait des drogues, arrachait des dents, etc., sur les places publiques et dans les foires : 1. Un charlatan, sur un tréteau,
Pantalon rouge et vert manteau,
Vend à grands cris la vie;
Puis échange, contre des sous,
Son remède pour loups garous
Et l'histoire de point en point suivie,
Sur sa pancarte,
D'un bossu noir qu'il délivra de fièvre quarte.
Verhaeren, Les Villes tentaculaires,Les Campagnes hallucinées, 1895, p. 68. − P. ext., péj. Guérisseur qui se vante de connaître des remèdes miraculeux : 2. Un marchand d'orviétan passa dans le village; mon père, qui ne croyait point aux médecins, croyait aux charlatans : il envoya chercher l'empirique, qui déclara me guérir en vingt-quatre heures.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 84. ♦ P. anal. Médecin incapable et sans scrupules. [Les] charlatans en médecine (H. Beer, Introd. à l'astrol.,1939, p. 16). B.− P. ext., péj. Personne habile qui trompe sur ses qualités réelles et exploite la crédulité d'autrui pour s'enrichir ou s'imposer. Synon. imposteur.C'était un charlatan, ancien radical devenu conservateur, faiseur de romans, orateur pompeux (Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 116). SYNT. Les charlatans de la gravité (Baudelaire, Curiosités esthétiques, De l'Essence du rire, 1867, p. 166). [Les] charlatans du socialisme (P. Bourget, Nos actes nous suivent, 1926, p. 36). Les charlatans de la palette et de la plume (Montherlant, Les Célibataires, 1934, p. 818). Rem. Le subst. fém. charlatane est attesté ds Lar. 19e-20e, Littré, Guérin 1892. II.− Adj. Qui utilise des procédés de charlatan. Une espèce de médecin charlatan (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 188).[Les] voyageurs (...) tombent dans les lacs de guides charlatans (Gide, Feuilles de route,1896, p. 83). − P. anal. [Un cheval] un peu charlatan, comme il convenait de l'être pour faire briller son cavalier (G. Sand, Les Beaux Messieurs de Bois-Doré,t. 1, 1858, p. 151). Rem. On trouve ds la docum. une attest. isolée de la forme fém. charlatane (cf. Verlaine,
Œuvres posthumes, t. 2, Vive le Roy! 1896, p. 196). Prononc. et Orth. : [ʃaʀlatɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. On rencontre ds la docum. les formes charlatant, subst. masc. (Abellio, Heureux les pacifiques, 1946, p. 136) et charlatante, subst. fém. (Proust, La Prisonnière, 1922, p. 365). Étymol. et Hist. 1. 1572 « bateleur » (Amyot,
Œuvres morales et meslées de Plutarque, Oracles de la Pythie, 25 ds Hug., s.v. triacleur); 2. 1668 « imposteur » (La Fontaine, Fables, II, 1339). Empr. à l'ital. ciarlatano « charlatan » (xves. ds Batt.) issu du croisement de cerretano proprement « habitant de Cerreto » (village dont les habitants vendaient souvent des drogues dans les marchés; cf. orviétan) d'où « crieur de marché », « charlatan » (xves.) et de ciarlare « bavarder, jaser » (d'orig. onomat., v. DEI). Fréq. abs. littér. : 316. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 682, b) 531; xxes. : a) 310, b) 289. DÉR. 1. Charlatanerie, subst. fém.,péj. a) Procédé, attitude ou propos de charlatan. La médecine (...) a été un art (...) avec le génie du diagnostic, avec les trucs et les charlataneries des praticiens (Valéry, Correspondance[avec Gide], 1899, p. 356).b) Rare. État de celui qui abuse de la crédulité publique. La charlatanerie des moralistes (Chamfort, Maximes et pensées,1794, p. 53).− [ʃaʀlatanʀi]. Ds Ac. 1694-1932. S'écrit avec 1 seul n comme dans ânerie, chicanerie, courtisanerie, crânerie, magnanerie et flânerie. À comparer avec chouannerie, paysannerie, tannerie, vannerie qui s'écrivent avec 2 n. − 1reattest. 1575 (Thevet, Cosmogr., X, 10 ds Hug.); de charlatan, suff. -erie*. − Fréq. abs. littér. : 13. 2. Charlatanesque, adj.,rare. Qui se rapporte au charlatan, ou qui est digne d'un charlatan. Le débit charlatanesque de ce marchand d'orviétan et de panacées merveilleuses (E. et J. de Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 249).Ces produits synthétiques, copieusement enveloppés de trois ou quatre enveloppes de prospectus charlatanesques (Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 91).Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Lar. Lang. fr., Littré, Guérin 1892, Ac. 1932, Rob., Quillet 1965, Dub.− [ʃaʀlatanεsk]. Ds Ac. 1932. − 1reattest. av. 1598 medicine charlatanesque (Ph. de Marnix, Corresp. et Mélanges, p. 104 ds Hug.); vertu et habileté charlatanesque (Ph. de Marnix, Differ. de la Relig., II, I, 3, p. 104 ds Hug.); de charlatan, suff. -esque*. − Fréq. abs. littér. : 8. 3. Charlatanisme, subst. masc.a) Art d'exploiter la crédulité d'autrui érigé en système. Le charlatanisme à côté du mérite est comme le zéro à la droite d'un chiffre et décuple sa valeur (Stendhal, Lucien Leuwen, t. 3, 1836, p. 228).b) Péj. Comportement de charlatan (cf. charlatan B). « La plus grande preuve d'amour que je vous aie donnée a été de me séparer de vous. » (Ceci était charlatanisme pur et conscient) (Montherlant, Les Lépreuses,1939, p. 1467).c) Caractère de ce qui est digne d'un charlatan. Le charlatanisme d'un écrit (Senancour, Obermann,t. 1, 1840, p. 11).− [ʃaʀlatanism̥]. Ds Ac. 1762-1932. − 1reattest. 1736 (J.-B. Rousseau, Épitre 2, livre II ds Odes, Cantates Épitres et Poesies, Paris, F. Didot, 1799, t. 2, p. 73); de charlatan, suff. -isme*. − Fréq. abs. littér. : 150. BBG. − Gall. 1955, p. XX, 5 (s.v. charlatanisme). − Gohin 1903, p. 342 (s.v. charlatanisme). − Guiraud (P.). Le Ch. morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, p. 101. − Hope 1971, p. 180. − Kahane (H.), Kahane (R.). Mediterranean words : gondola, charlatan. Rom. Philol. 1951/52, t. 5, pp. 174-180. − Malkiel (Y.). Italian ciarlatano and its romance offshoots. Rom. Philol. 1948/49, t. 2, pp. 317-326. − Menges (K. H.). It. ciarlatano, fr. charlatan. Rom. Philol. 1948/49, t. 2, pp. 229-231. − Nykl (A. R.). Ciarlatano. Mod. Lang. Notes. 1950, t. 65, pp. 518-521. − Tracc. 1907, pp. 127-128. − Wind 1928, p. 37, 44, 151. |