| CHARIVARI1, subst. masc. A.− Vieilli. Concert où se mélangent les sons discordants et bruyants d'ustensiles de cuisine entrechoqués, de crécelles, de cris et de sifflets, qu'il était d'usage d'organiser pour montrer une certaine réprobation devant un mariage mal assorti ou la conduite choquante d'une personne. Si vous vous remariez, on vous fera un charivari trois jours de suite (Ac.1798-1878) : 1. S'il n'avait songé au charivari qu'on viendrait faire à ces épousailles d'un veuf et d'une veuve, il eût peut-être sauté le pas déjà.
Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 178. − Rare. Aller faire charivari. Organiser un charivari, y participer (cf. Toulet, Le Mariage de Don Quichotte, 1902, p. 160). B.− P. ext. 1. Grand bruit, tumulte réprobateur. Sa femme lui a fait un beau charivari (Ac.1798-1878).Il [le père Bonnemort] continuait à ronfler, dans l'affreux charivari des enfants (Zola, Germinal,1885, p. 1205). − En partic. Réprobation marquée par le public devant une pièce de théâtre, un concert, considérés comme mauvais. On continua la pièce malgré le charivari qui se faisait dans la salle (Ac.1835-1932) : 2. Pauvre Mozart! des personnes qui se trouvaient à cette représentation [l'Enlèvement au Sérail joué pour la première fois en Italie] (...) m'ont assuré n'avoir jamais vu de tel charivari.
Stendhal, Vie de Rossini,1823, p. 39. − [En parlant de conversations] Un vrai charivari de médisances, de calomnies et de conjectures diverses (Balzac, La Muse du département,1844, p. 177). 2. Bruit excessif et discordant. Il y a un terrible charivari dans cette maison (Ac. 1798-1932). Un charivari de verres cassés et de bouteilles culbutées (Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,1893, 6etabl., III, p. 260): 3. Ce fut une cohue à la sortie [de la grand-messe de communion solennelle], une cohue bruyante, un charivari de voix criardes où chantait l'accent normand.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Maison Tellier, 1881, p. 1197. Prononc. et Orth. : [ʃaʀivaʀi]. Ds Ac. 1694 et 1718 sous la forme charivary; ds Ac. 1740-1932 sous la forme mod. Au plur. des charivaris. Étymol. et Hist. 1. 1316 chalivali « tapage, huées et chahut (que l'on faisait en particulier lors de mariages mal assortis ou de remariages) » (Chaillou de Pestain, Fauvel, A 682 ds T.-L.); ca 1370 charivari (J. Lefèvre, Lamentations Matheolus, Leesce, I, 535, ibid.); 2. xves. « bruit d'une dispute ou de plaisanteries (ici entre époux) » (Eloy d'Amerval, Livre de la Deablerie, 181a ds IGLF); 3. 1690 péj. en parlant de mus. (Fur.). Orig. obsc.; peut-être issu du lat. caribaria (FEW t. 2, p. 374) attesté dans une trad. d'Oribase (vie-viies. ms. Bibl. Nat. Cod. lat. 10233 d'apr. J. Svennung ds Uppsala Universitets Årsskrift, 1933, p. 69) et qui traduit le gr. κ
α
ρ
η
ϐ
α
ρ
ι
́
α « lourdeur dans la tête » (Liddell-Scott) le mal de tête pouvant être engendré par un charivari assourdissant; cependant on ne peut préciser ni où ni dans quel milieu s'est produite l'évolution sém. de ce mot d'aire gallo-romane (Von Wartburg ds Z. rom. Philol., t. 68, 1952, p. 30, note 2). L'hyp. d'une orig. sémitique, hébreu ḥaverim plur. collectif de ḥaver « personne appartenant à une communauté israélite » [dont les membres fêtaient parfois bruyamment certains événements] (H. et R. Kahane ds Jewish Quarterly Review, t. 52, 1961-62, pp. 288-296), demanderait à être davantage approfondie, notamment du point de vue hist. Un rattachement à l'a. fr. harer « exciter les chiens », terme de chasse (K. Meuli ds Festschrift Fr. Dornseiff, 1953, pp. 231-243), fait difficulté, aucune forme de type *harivari n'étant attestée; cependant hari, cri pour faire marcher les bêtes, et hari-hari exprimant la moquerie (xiiies. ds T.-L.; FEW t. 16, p. 151a) ont pu contribuer au maintien du premier i de charivari. Une formation purement onomatopéique (Sain. Sources t. 1, pp. 282-284) ne semble pas à retenir, toutefois la forme phonique du mot et le redoublement de ses voyelles peuvent encore expliquer le maintien du premier i. Une composition tautologique (Guir. Étymol., pp. 11-12) est difficile à établir, notamment pour le 1erélément. DÉR. 1. Charivaresque, adj.Satirique à la manière du journal Le Charivari. Des propos de petit journal charivaresque un peu déplacés (Léautaud, Journal littér.,4, 1922-24, p. 22).Rem. On rencontre ds la docum. l'adv. corresp. charivaresquement. À la manière du journal Le Charivari (cf. E. et J. de Goncourt, Journal, 1895, p. 881).− 1reattest. 1872 (Rev. de l'enseign. chrét., oct. ds Guérin); de charivari, suff. -esque*. 2. Charivarique, adj.a) Qui tient du charivari. De charivariques orchestres (A. Pommier, Paris,1866, p. 189).b) Au fig. Qui fait penser au ton du journal Le Charivari. Une lettre fort maladroite, vraie au fond, charivarique dans la forme (Hugo, Correspondance,1855, p. 225).− [ʃaʀivaʀik]. − 1reattest. 1839 (Th. Gautier, Hist. art. dram., I, 242 ds Quem. Fichier); de charivari, suff. -ique*. − Fréq. abs. littér. : 2. 3. Charivariser, verbe.a) Trans. Faire un charivari (à quelqu'un). Au fig. Critiquer violemment quelqu'un ou quelque chose en les rendant ridicules. Il [Voltaire] charivarise la France devant la Russie (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 2, 1863-69, p. 225).b) Intrans. ,,Faire un grand tapage`` (Littré). On a assez charivarisé comme cela (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill).− [ʃaʀivaʀize], (je) charivarise [ʃaʀivaʀi:z]. − 1reattest. 1706 (P. Scarron, La Suite ou Tome III du Virgile travesty en vers burlesques, Amsterdam, P. Mortier, p. 130); de charivari, suff. -iser*. 4. Charivariste, subst.a) Celui, celle qui organise un charivari, qui y participe. Tous les charivaristes se disposent à suivre Vadevant, lorsque le bruit de la sonnette se fait entendre (P. de Kock, Zizine,1836, p. 12).Rem. On rencontre aussi dans le même sens charivarieur, subst. masc. (cf. Littré, Lar. 19e-20e, Quillet 1965) et charivariseur, euse, subst. (cf. Ac. Compl. 1842 et H. Berlioz, À travers chants, 1862, p. 316).b) Arg. littér. ,,Qui écrit au Charivari, ou dans le style de ce journal`` (Guérin 1892). − 1reattest. 1836 (P. de Kock, loc. cit.); de charivari, suff. -iste*. BBG. − Darm. 1877, p. 187 (s.v. charivarique). − Kahane (H.), Kahane (R.). Charivari. Jewish Quarterly Review. 1961/62, t. 52, pp. 288-296. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 291. − Lew. 1960, p. 40. − Meuli (K.). Charivari. In : [Festschrift Dornseiff]. Leipzig, 1953, pp. 231-243. − Quem. 2es. t. 1 1970/ (s.v. charivarique). − Quem. 2es. t. 2 1971/ (s.v. charivarisme). − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], pp. 282-284. |