| CHARDON, subst. masc. A.− BOT. Plante de la famille des Composées, aux feuilles et tiges épineuses, regardée comme la plante parasitaire par excellence et dont il existe de nombreuses variétés. Chardon laineux, chardon des ânes, chardon Marie ou chardon Notre-Dame. Les pierres sont sorties en si grand nombre que même les chardons ne peuvent y croître (Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 287).L'été a brûlé la montagne et les plantes y languissent. Quelques « chardons bénis » ont bien résisté et ces clématites odorantes qu'on appelle ici « jasmin des ânes » (Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 313).Un morceau de lande rongé de chardons (Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 22). − P. ext. Plante vivace épineuse ressemblant au chardon. Chardon bleu ou chardon des Alpes, chardon Roland ou chardon roulant, chardon à foulons ou cardère* cultivée. Le chardon bleu est abusivement décoré de ce titre, car il n'appartient même pas au genre carduus (H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 161): 1. Nous avions marché tout le jour parmi les chardons bleus, sur les dunes mouvantes. Nous avions marché tout le jour sans rien voir que des collines qui s'avançaient, dont le vent balançait la crête...
Gide, Le Voyage d'Urien,1893, p. 21. Rem. Text. Dans le lainage que l'on fait subir aux tissus, le chardon à foulons fait parfois place au chardon métallique ou chardon factice. − P. compar. ou métaph. 1. [P. réf. au développement vivace et gén. sauvage de la plante, en parlant d'une pers. encombrante ou importune] :
2. Rome est un champ ayant le moine pour chardon;
Que l'âne de Jésus vienne donc et le broute!
Hugo, La Légende des siècles,t. 6, Les Quatre jours d'Elciis, 1883, p. 119. 2. [P. réf. à ses piquants, à son mode de vie] a) Difficultés, obstacles. La vie est semée de chardons. Le doute est en lui, tout barbelé comme un chardon (Giono, Colline, 1929, p. 107). b) Gêne et embarras. Être sur des chardons. Être tourmenté, embarrassé. [Antoine] s'agitait sur sa chaise comme s'il eût été assis sur des chardons (R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 807). Rem. Dans ces emplois métaph., le subst. cactus* est plus couramment empl. aujourd'hui. c) [En parlant ironiquement du caractère désagréable d'une pers.] Être aimable comme un chardon; hérissé comme un chardon; c'est un vrai chardon. Il [Fred] daignait même se plaindre et sa gratitude de chardon commençait déjà à m'agacer le tympan (H. Bazin, La Mort du petit cheval,1949, p. 244). 3. [P. réf. au goût de l'âne pour le chardon et à la sottise proverbiale de cet animal] Être bête à manger du chardon. B.− Emploi techn. 1. [La plante comme emblème] HÉRALD. a) Emblème de l'Écosse. L'Ordre du chardon. Si les roses de France sont aujourd'hui ensanglantées, elles se pressent cependant autour du glorieux chardon d'Écosse (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 610). b) Emblème de la Lorraine. Le chardon est un des éléments du blason de la ville de Nancy. Vois notre chardon lorrain : comme il monte droit vers sa fleur! (Barrès, Les Amitiés françaises,1903, p. 268). 2. [P. anal. de forme] a) ARCHIT. Motif ornemental utilisé surtout dans l'architecture du xvesiècle pour décorer corniches et chapiteaux. Feuilles, fleurs de chardon. « Les cathédrales ont leur printemps, leur été et quand apparaît le triste chardon du quinzième siècle, leur automne » (Barrès, Mes cahiers,t. 7, 1909, p. 328). b) GASTR. Confiserie fourrée d'eau de vie et garnie de sucre dont la forme rappelle celle d'une fleur de chardon. c) SERR. Pointe de fer en forme de flamme ou de dard placée sur le haut d'une grille ou d'un mur pour les rendre infranchissables (cf. J. Adeline, Lex. des termes d'art, 1884). 3. TEXT. [P. anal. avec l'apparence laineuse] Cordelette veloutée obtenue par le tressage d'étoffes spéciales de laine et de soie. − Spéc., arg. de St-Cyr. Schako de St-Cyr, en 1863 : Pompon, composé d'une boule de passementerie écarlate dite chardon de laine (E. Titeux, Saint-Cyr et l'École spéc. milit. en France,1898, p. 461). Prononc. et Orth. : [ʃaʀdɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1086 bot. agn. cardun ([élément français dans le Domesday Book ou Liber Censualis de Guillaume le Conquérant] F. Hildebrand ds Z. rom. Philol., t. 8 [1884] p. 333); ca 1200 chardon (Renart, éd. M. Roques, branche X, 10843); 2. 1ertiers du xvies. chardons de fer (F. Blanquart, Comptes de dépenses pour la construction du pavillon d'entrée du doyenné d'Évreux, 5). Du b. lat. cardo, -onis, lat. impérial carduus. Fréq. abs. littér. : 208. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 209, b) 539; xxes. : a) 339, b) 212. DÉR. Chardonnette, cardonnette, subst. fém.,bot. ,,Espèce d'artichaut sauvage, dont la fleur sert à faire cailler le lait. On dit aussi cardonnette`` (Ac. 1835-1932). − Dernière transcr. de chardonnette ds Passy 1914 : [ʃaʀdɔnεt] qui transcrit aussi cardonnette : [kaʀdɔnεt]. Ces 2 var. sont données par Ac. 1762-1932 et par la majorité des dict. sauf Ac. 1740 qui donne uniquement : chardonnette et DG qui donne uniquement cardonnette. Besch. 1845 et Nouv. Lar. ill. ajoutent le terme d'art cul. chardonnerette. − 1reattest. 1530 (E. Daigne, Traité contenant la propriété des tortues, escargots, grenouilles, etc., ds Roll. Flore t. 7, p. 109); de chardon, suff. -ette*. BBG. − Gottsch. Redens. 1930, p. 25, pp. 55-56. − Mercier (A. L.). La Flore pop. de l'Île-de-France. B. folklorique d'Île-de-France. 1956, t. 19, pp. 836-839. |