| CHAR1, subst. masc. A.− 1. ANTIQUITÉ a) Voiture à deux roues, ouverte à l'arrière, fermée sur le devant, tirée par des chevaux et utilisée dans les combats, les jeux et les cérémonies publiques. Un char de triomphe. Chars armés de faux (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 60): 1. Repoussé durement par son vainqueur, dont il [Persée] embrassait les genoux, il lui demanda au moins de lui épargner l'horreur d'être traîné derrière son char au milieu des insultes de la populace de Rome.
Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831p. 93. b) Le char dans le lang. relig. − MYTH. Apollon conduisit le char du soleil; Diane celui de la lune (Cabanis, Rapports du physique et du moral de l'homme,t. 2, 1808, p. 425).Vénus et son char attelé De cygnes (Leconte de Lisle, Poèmes antiques, Études latines, 1852, p. 153). − [P. allus. au récit biblique 2 Rois (2, 11) montrant le prophète Élie emporté vivant au ciel sur un char de feu traîné par des chevaux de feu] :
2. ... ce lieu révéré où le plus grand des prophètes, enlevé dans un char flamboyant, fut porté dans le sein des anges, et passa de la vie à l'éternité sans avoir connu les ténèbres de la mort; ...
MmeCottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 347. 2. Emplois littér., p. compar. ou métaph. Quel merveilleux char pour courir d'un bout du monde à l'autre que celui de la pensée! (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 112): 3. Rivarol se moquait beaucoup de M. de Contades (...) qui comparait l'âme à un cocher qui conduit le char matériel, dont les chevaux, c'est-à-dire les passions, tirent souvent le char en sens contraire.
Chênedollé, Journal,1833, p. 157. a) [Le char comme symb.] Toute chose en tant qu'elle se conduit (une période historique, les affaires d'une personne, la situation d'un groupe de personnes, d'une entreprise, etc.); spéc. l'État. Le char révolutionnaire (J. de Maistre, Considérations sur la France,1796, p. 6): 4. ... l'impôt, (...) cette cinquième roue du char de l'humanité, qui fait tant de bruit, et qu'on appelle, en style gouvernemental, l'État.
Proudhon, Système des contradictions écon.,t. 1, 1846, p. 262. − P. ext., expr. Char de l'État, et allus. littér. : Le char de l'État navigue sur un volcan (parole, exemple de métaphore prétentieuse et incohérente ds Grandeur et décadence de M. Joseph Prudhomme, 1852, A. III, sc. 3, p. 17, par MM. Henry Mounier et Gustave Vaez ds Théâtre contemporain illustré) : 5. En ce moment, elle [Mademoiselle La Quintinie] soulèverait des tempêtes et je ne suis pas d'avis de mettre des bâtons dans les roues du char de l'État, qui navigue, comme dit M. Prudhomme, sur un volcan.
G. Sand, Correspondance,t. 6, 1812-76, p. 263. b) Loc. Atteler, attacher, enchaîner qqn ou qqc. à son char. Le mettre sous sa domination, son empire : 6. On m'a d'abord interrogé sur Louise. (...) J'ai donné une idée de la puissance qu'elle exerçait sur la société à Rome, bien qu'elle n'y allât pas, comment les personnes du plus haut rang briguaient la faveur d'être admise chez elle, et avec quelle tyrannie mêlée de grâce elle exilait les ennuyeux ou attachait à son char ceux dont elle désirait faire des esclaves.
Delécluze, Journal,1824, p. 35. 7. L'individu ne relève que de lui-même, et plus il se fait libre, plus il développe sa force. Il la perd dès qu'il l'enchaîne au char du convenu.
G. Sand, Mélanges,1843, p. 401. c) Emploi pronom. S'attacher au char. Se dévouer à quelqu'un, le servir. Je cherche une compagne (...) m'attacherai-je au char d'une comédienne, ou d'une bourgeoise? (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole, 1859, p. 354). B.− Vieilli. Voiture à quatre roues à traction animale. 1. Voiture riche ou élégante : 8. Philippe-Le-Bel, dans le siècle suivant, remit en vigueur d'anciennes lois somptuaires, pour réprimer le luxe de la bourgeoisie, qui, dès-lors, cherchait à marcher de pair avec la cour : le char fut interdit aux femmes bourgeoises; ...
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 4, 1813, p. 258. − Spéc. Char (numéroté). Voiture de louage portant un numéro d'ordre; fiacre (cf. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 385). − P. ext. et souvent iron. [Pour désigner une voiture quelconque] :
9. Le lendemain, avant le jour, le commandant Genestas partit pour la ville, (...) Il était dans un de ces chars découverts et à quatre roues menés par un seul cheval, voiture légère qui se rencontre sur toutes les routes de ces pays montagneux.
Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 251. 2. Char à bancs. Voiture longue et légère, garnie de bancs, destinée au transport des personnes. Un grand nombre de chars à bancs légers, où l'on s'assied dos à dos ou de côté, sillonnent la poussière (T. Gautier, Italia, Voyage en Italie, 1852, p. 2). Rem. Noter ds Pesquidoux, Le Livre de raison, 1928, p. 176 la mention d'un char à bancs aux provisions. 3. Voiture tirée par des bœufs ou des chevaux, utilisée à la campagne pour le transport de grosses charges. Un char de foin (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 75): 10. ... c'est un spectacle d'une beauté presque rituelle que de voir un char, débordant de blé, venir vers vous d'un pas tranquille, au milieu de ses moissonneurs, ...
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 144. − Spéc., p. méton. Quantité de bois contenu dans un char. Un char de bois (Proust, Le Côté de Guermantes 1,1920, p. 252).[Dans le brasier] les chars fondent comme la cire (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 200). 4. Voiture servant à transporter les morts jusqu'à leur sépulture. Un char funéraire, le char funèbre. Un char de 3eclasse (Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,6etabl., II, 1893, p. 224): 11. Marcas ne laissa pas de quoi se faire enterrer. Juste et moi nous eûmes bien de la peine à lui éviter la honte du char des pauvres, et nous suivîmes tous deux, seuls, le corbillard de Z. Marcas...
Balzac, Z. Marcas,1840, p. 434. C.− Usuel 1. Région. (Canada) a) Un char. Un wagon (de train de chemin de fer). Le mulâtre du char avait préparé les couchettes (Genevoix, Eva Charlebois,1944, p. 49).Un char réfectoire (Giraudoux, Siegfried et le Limousin, 1922, I, 5, p. 31). Un wagon-restaurant. Plur. Les chars. Le train. On a fait la ligne pour amener les « chars » de Québec (Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 74).Spéc. Un char (électrique). Un tramway (cf. Hémon, Maria Chapdelaine, 1916, p. 178 et Giraudoux, Siegfried et le Limousin, 1922, I, 8, p. 53). b) Voiture automobile. Tu rentres le char au garage St-Antoine, histoire de le faire graisser avant le voyage (Cl. Jasmin, Les Cœurs empaillés,Montréal, 1967, p. 24). 2. [Dans les fêtes ou les cortèges de carnaval] Voiture à traction animale ou motorisée, décorée, portant des figurations de personnages symboliques ou historiques, etc. (cf. la compar. suiv.) : 12. Une locomotive camouflée les croisait, puis un canon sur truck, transporté avec les servants assis autour, tels qu'en un tableau vivant sur un char de carnaval.
Montherlant, Le Songe,1922, p. 25. 3. ARM. Engin de guerre motorisé et blindé, monté sur chenilles et doté d'un armement (mitrailleuses, canons, etc.) et que manœuvrent des soldats placés à l'intérieur. Un char blindé, un char d'assaut; char léger, char moyen, char lourd; une compagnie de chars. Synon. tank : 13. Quant aux chars, il s'agissait, pour les neuf dixièmes, de « Renault » et de « Hotchkiss » du type 1935, modernes dans leur genre, mais lents, lourds, armés de petits canons courts, faits pour accompagner le combat de l'infanterie, ...
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 20. Rem. On rencontre ds la docum. le syntagme char de Neptune, qui désigne une sorte de « madrépore » (cf. Verne, Vingt mille lieues sous les mers, 1870, p. 109). Prononc. et Orth. : [ʃa:ʀ]. Transcr. de char à bancs [ʃaʀabɑ
̃]. Grammont Prononc. 1958, p. 131, souligne que cette expr. se prononce au plur. chars à bancs comme au sing. Ds Ac. 1694-1932. L'ensemble des dict. écrit char à bancs sans trait d'union. Rob. Suppl. 1970 ajoute le terme d'arg. pour lequel il admet char ou charre. Étymol. et Hist. 1. a) 1172-74 « chariot, voiture quelconque » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, vers 2971); b) 1636 « voiture décorée ou de parade » (P. Monet, Invantaire des deus lang. françoise et lat., Lyon); c) 1648 poét. « voiture élégante et légère, carrosse » (P. Scarron, Le Virgile travesty, Paris, éd. V. Fournel, 1858, livre I, 54 b cité par Richardson, p. 47), qualifié de ,,vieilli`` ds Rob.; d) 1764 char à banc (F.-S. Osterwald, Descr. des montagnes et des vallées de la Principauté de Neuchâtel et Valangin ds J. helvétique, déc. 1764, 598 cité ds Pat. Suisse rom., s.v. char, p. 350a); 2. 1538 antiq. « sorte de voiture à deux roues, char triomphal » (Est., s.v. carrus); 3. 1918 char d'assaut (Foch, Des Principes de la guerre, préface de la 5eéd., p. VIII). Du lat. class. carrus « chariot, fourgon ». Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 271, 323. − Goug. Mots t. 1, 1962, p. 204. − Gougenheim (G.). L'Évolution des oppos. ling. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, no1, p. 13. − Legros (E.). L'Anc. charroi de Jalhay. Enq. du Musée de la vie Wallonne, 1960, t. 9, pp. 93-114. − Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, no5, p. 362. |