| CHAMBARDER, verbe. Familier A.− Emploi trans. 1. [Le suj. désigne une pers.] Renverser, mettre en désordre; changer entièrement la disposition d'une pièce. Chambarder un appartement : Il allait falloir subir le vacarme de cet homme qui somnolent et pacifique dans sa loge, devenait terrible, un balai au poing. Des allures martiales, des instincts guerriers se révélaient subitement chez ce sédentaire assoupi, dès l'aube, dans la tiède vapeur des mirotons. Il se muait en un insurgé qui montait à l'assaut du lit, chambardait les chaises, jonglait avec les cadres, bouleversait les tables, cognait le pot à eau et la cuvette, traînait, ainsi que des vaincus par les cheveux, les brodequins de Durtal par leurs lacets, enlevait le logis comme une barricade, plantait, en guise de drapeau, son torchon dans un nuage de poudre, sur les meubles morts.
Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 42. − Emploi pronom., rare. On a bien le droit aussi, nous, de se chambarder d'un flanc sur l'autre (Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 427). 2. Au fig. a) [Le compl. désigne une pers. ou une collectivité] Changer brutalement en vue de mettre quelqu'un d'autre à la place. Un citoyen honorable qui songe à vous chambarder pour s'installer à votre place (Bloy, Exégèse des lieux communs,1902, p. 182).Chambarder tout un gouvernement, et bouleverser le monde (Péguy, L'Argent,1913, p. 1263). b) [Le compl. désigne un inanimé abstr.] Renverser un ordre établi. Chambarder l'ordre habituel (L. Daudet, Vers le roi,1920, p. 63). B.− Emploi intrans., rare 1. [Le suj. désigne une pers.] Faire du bruit en déplaçant les choses. Ma mère (...), qui chambardait d'une pièce à l'autre (Céline, Mort à crédit,1936, p. 375). Rem. Attesté ds Quillet 1965 et Esn. 1966. 2. Au fig. La méchanceté, la rage, la jalousie, au lieu d'éclater, de chambarder, suintaient à l'intérieur des familles, se ravalaient sans bruit (Aymé, Le Moulin de la sourdine,Paris, Gallimard, 1936, p. 58). Rem. On rencontre ds la docum. chambardé, ée, part. passé et adj., domaine concr. ou abstr. Bouleversé, remué bruyamment. Toute notre existence encore chambardée (P. Léautaud, Journal littéraire, 1, 1893-1906, p. 233). Prononc. et Orth. : [ʃ
ɑ
̃baʀde], (je) chambarde [ʃ
ɑ
̃baʀd]. Var. chamberder ds Esn. 1966 qui signale qu'il s'agit d'arg. des marins; pour les dict. gén. ds Quillet 1965 ainsi que ds Lar. 19eet Lar. 19eSuppl. 1878; chamberter ds la plupart des dict. d'arg. (cf. p. ex. ds Bruant 1901, p. 170; pour les dict. gén. ds Guérin 1892). Étymol. et Hist. [1847 chamberder, chamberter mar. « renverser, briser, abattre » (ds Esn.) mêmes formes, même emploi 1856 (Michel) et 1866 (A. Delvau, Dict. de la lang. verte, p. 68)]; 1859 d'apr. Rob. sans réf.; 1881 chambarder « bouleverser, mettre sens dessus dessous » (xixes. ds G. Fustier, Suppl. au dict. de la lang. verte d'A. Delvau, 1883, p. 505 : Vous aurez la complaisance cette année de ne pas chambarder tout [il s'agit du mobilier des conscrits] dans l'École [Polytechnique] comme vous en avez l'habitude); 1901 fig. « id. l'esprit » (Bruant, p. 70). Orig. obsc. (FEW t. 21, p. 376b). L'hyp. émise par BL.-W.5, d'une formation à partir des termes dial. (Franche-Comté, Bourgogne) chambe « jambe » (v. FEW, s.v. camba) et barder* « glisser » est peu vraisemblable. L'anc. étymol. à partir de champartir « jouir d'un droit de champart » et parfois « endommager » est insuffisamment étayée. [La date 1867 Delvau donnée par Dauzat 1972 et Lar. Lang. fr. pour chambarder est erronée, ce dict. n'ayant pour vedette que chamberder]. Fréq. abs. littér. : 12. DÉR. Chambardeur, subst. et adj.,fam. (Celui, celle) qui aime faire du bruit; chahuteur, tapageur. Au fig. Organisateur de révolution, de bouleversement politique. Waldeck-Rousseau (...) ne pouvait guère passer pour un démagogue, un chambardeur (Bernanos, La Grande peur des Bien-Pensants,1931, p. 357).[Appliqué à un inanimé abstr.] Un allegro chambardeur (Willy, Notes sans portées,par l'ouvreuse du Cirque d'été, 1896, p. 187).− [ʃ
ɑ
̃baʀdœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. 1886, 4 nov. (Figaro ds Larch. Suppl., p. 51); de chambarder, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Sain. Lang. par. 1920, p. 317. |