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CHAHUT, subst. masc.
A.− [À Paris, vers les années 1830, dans les guinguettes et les bastringues] Danse excentrique et un peu folle, voisine du branle et du cancan, dont les improvisations gestuelles hardies, les figures indécentes s'accompagnaient souvent de cris et de rires. Danser, mener le chahut; air de chahut. Un chahut de bastringue (Zola, L'Assommoir,1877, p. 533).La Goulue, cette étoile du chahut (J. Lorrain, Âmes d'automne,1898, p. 146):
1. Elle [Nana] se tortillait, fallait voir. Et des coups de derrière à gauche, et des coups de derrière à droite, des révérences qui la cassaient en deux, des battements de pieds jetés dans la figure de son cavalier, comme si elle allait se fendre! On faisait cercle, on l'applaudissait; et, lancée, elle ramassait ses jupes, les retroussait jusqu'aux genoux, toute secouée par le branle du chahut, fouettée et tournant pareille à une toupie, s'abattant sur le plancher dans de grands écarts qui l'aplatissaient, puis reprenant une petite danse modeste, avec un roulement de hanches et de gorge d'un chic épatant. C'était à l'emporter dans un coin pour la manger de caresses. Zola, L'Assommoir,1877, p. 740.
Rem. 1. Ce terme a servi au xixes. à désigner p. anal. des danses médiévales. On célébrait les joyeuses orgies du sang (...) on dansait tout nu le chahut des Trépassés (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 380; cf. A. Pommier, Colères, 1844, p. 61, Mérimée, Lettres à la comtesse de Montijo, t. 1, 1870, p. 40 et Michel 1856). 2. Dans ce sens chahut a d'abord été employé au fém. Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Littré le donnent au fém., Lar. 19emasc. ou fém. Attesté uniquement au masc. à partir de Guérin 1892. L'indécente chahut (F. Vidocq, Mémoires de Vidocq, t. 3, 1828-29, p. 85).
B.− P. ext. Grand vacarme, tapage. Un chahut de tous les diables (Cendrars, L'Homme foudroyé, 1945, p. 23); tapage nocturne (...) chahut lunaire (R. Queneau, Zazie dans le métro,1959, p. 229).
P. anal. [En parlant d'obj.] Le chahut des cuivres (Huysmans, Les Sœurs Vatard, 1879, p. 233); un chahut d'armes heurtées (Malraux, La Condition humaine,1933, p. 410).
Rem. Très empl. dans ce sens par cet auteur.
Spéc. Manifestation bruyante contre une autorité, un supérieur et plus partic., tapage organisé dans les classes par les élèves pour réagir contre le manque d'intérêt de certains cours ou contre un professeur dépourvu de fermeté. Chahut scolaire; organiser le chahut. Les Arts et Métiers sont célèbres pour leurs chahuts (J. de La Varende, Les Gentilshommes, 1948, p. 97); machinateur de chahuts et defarces (A. Arnoux, Pour solde de tout compte,1958, p. 64):
2. Joanny entendit son voisin qui murmurait : « Cet idiot ne nous laisse même pas travailler tranquillement. » « Monsieur Léniot, vous persistez à ne rien faire? » demanda M. Lebrun agressif. − « Monsieur, je médite », répondit Joanny. Toute l'étude se mit à rire hautement. Entendre le pion bafoué par le meilleur élève les encourageait. Un chahut s'organisa. « Monsieur Zuniga, quand aurez-vous fini de parler à votre voisin? criait le surveillant. − Voyons, Monsieur Montemayor! − Yo? Ié souis bien sage, moi, Mossieur. » Larbaud, Fermina Marquez,1911, p. 70.
Prononc. et Orth. : [ʃay]. Passy 1914 transcrit [ʃahy] avec h aspiré onomatopéique. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1821 « danse échevelée » (Desgranges cité ds Sain. Lang. par., p. 299); 1837 « tapage » (Vidocq, Dict. argotique ds Sain. Sources t. 2, p. 122); 1895 « manifestation contre une autorité » (G. Claris, Notre École polytechnique, p. 85). Déverbal de chahuter*. Fréq. abs. littér. : 78. Bbg. Mat. Louis-Philippe. 1951, p. 89, 182. − Matoré (G.). Chahut, terme de danse (1829-1845). In. : [Mél. Bruneau (Ch.)]. Paris, Genève, 1954, pp. 177-183. − Quem. Fichier.Sain. Lang. par. 1920, p. 299. − Sain. Sources t. 3, 1972 [1930], p. 399.