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CERVEAU, subst. masc.
Partie du système nerveux central logé dans la boîte crânienne des vertébrés et, p. ext., centre nerveux des invertébrés correspondant plus ou moins, par sa position et par ses fonctions, au cerveau des vertébrés.
I.− [Le cerveau en tant qu'organe humain]
A.− [Organe physique]
1. ANAT. Ensemble des centres nerveux logés dans la boîte crânienne. Synon. encéphale :
1. Cette maladie, méningo-encéphalite, à proprement parler, n'est pas de l'aliénation. C'est une maladie qui selon le point du cerveau qu'elle attaque rend fou ou non, ou bien provoque du ramollissement cérébral. Barrès, Mes cahiers,t. 2, 1898-1902, p. 41.
2. ... les manifestations de la vie mentale sont solidaires de l'état de l'encéphale. Ces observations ne suffisent pas à démontrer que le cerveau constitue à lui seul l'organe de la conscience. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 167.
SYNT. Membranes, ventricules du cerveau; cerveau antérieur, intermédiaire, moyen, postérieur; (vx) jambes, valvules du cerveau (cf. Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 2, 1805, p. 130, 137).
Spéc. Portion antérieure et supérieure de l'encéphale composée des deux hémisphères cérébraux et du diencéphale, et siège des fonctions sensitives, motrices, associatives et d'une partie des fonctions végétatives. Circonvolutions, lobes du cerveau :
3. Tandis que les réflexes inconditionnés ont leur siège en deçà du cerveau ou dans le cerveau moyen, le siège des réflexes conditionnés est dans les hémisphères cérébraux. J. Rostand, La Vie et ses problèmes,1939, p. 91.
P. anal. :
4. ... l'hypophyse est le cerveau endocrinien (...) parce qu'elle est la glande maîtresse des endocrines, ... J. Delay, Ét. de psych. méd.,1953, p. 217.
2. PATHOL. Lésion, sclérose, tumeur du cerveau; commotion, transport au cerveau (synon. vieilli congestion cérébrale).
Ramollissement du cerveau. Synon. ramollissement cérébral*; p. ext., diminution des facultés intellectuelles :
5. Non, je ne puis pas croire devant cette ambition dernière de Zola à devenir un librettiste en prose d'opéras, non, vraiment je ne puis croire qu'il n'y ait pas un léger ramollissement du cerveau chez le romancier. E. et J. de Goncourt, Journal,1891, p. 100.
Rhume de cerveau. Inflammation de la muqueuse nasale (appelée ainsi à cause de l'ancienne croyance à une communication entre les fosses nasales et le cerveau). Enfin me voilà sérieusement malade. Mon rhume de cerveau numéro un, celui qui dure et qui m'idiotifie, se déclare (Bloy, Journal,1902, p. 85):
6. Ce qui leur manque, c'est l'imagination. Ils ne sont jamais à l'échelle des fléaux. Et les remèdes qu'ils imaginent sont à peine à la hauteur d'un rhume de cerveau. Camus, La Peste,1947, p. 1319.
Loc. Être enrhumé du cerveau.
Cerveau rabique. Cerveau d'un animal ayant contracté la rage. Cerveau sénile. Cerveau du vieillard.
B.− [Organe de la vie psychique] Le cerveau tout assombri de fatigue (Gide, Journal,1906, p. 214).Le cerveau bourré d'allégories et de symboles (R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 790).Son cerveau pétrifié par la peur (R. Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1257):
7. Dans le naufrage de son cerveau, il est resté une case intacte, la case du dessin. E. et J. de Goncourt, Journal,1894, p. 552.
8. ... je veux t'écrire, (...), bien que la fièvre ait un peu vidé mon cerveau et obscurci ma lucidité. J. Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1906, p. 235.
SYNT. a) Cerveau brouillé, creux, débile, détraqué, ébranlé, endormi, engourdi, étroit, fatigué, fêlé, juste, limité, lucide, plat, précoce, ramolli, rationnaliste, rétif, simpliste, stérile, subtil, supérieur. b) Cogitation, création, déliquescence, faculté, fonctionnement, travail, trouble du cerveau. c) [En parlant d'une boisson, d'une odeur] Monter, prendre au cerveau; [En parlant d'une idée, d'une image, d'un souvenir] Hanter, traverser, troubler le cerveau; monter au cerveau; s'emmagasiner, s'enfoncer, s'enraciner, germer dans le cerveau.
Lavage de cerveau. Endoctrinement, le plus souvent accompagné de sévices, et destiné à priver une personne de ses convictions et de son comportement propre pour lui en imposer d'autres. Transformant ainsi en monnaie courante des cités politiques la dégradation de l'homme, la torture, le lavage des cerveaux et leur mise au pas (L'Univers écon. et soc.,1960, p. 6407).
Rem. On rencontre ds la docum. l'expr. Cerveau lavé. Cerveau reposé, frais, neuf. La géographie, c'était l'air pur, la promenade à la campagne, le retour avec une brassée de genêts ou de digitales, les yeux décrassés, les cerveaux lavés et le goût du réel mordant sur l'abstrait (L. Febvre, Combats pour l'hist., 1939-45, p. 394).
1. [Le cerveau, en tant que siège des facultés intellectuelles] La grosse tête de Simon contenait un cerveau bien fait, une bonne machine à penser (Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 132):
9. ... il n'y a pas de fait psychologique qui n'implique l'entrée en jeu des mécanismes corticaux. Tout paraîtra donc se passer comme si la conscience jaillissait du cerveau, et comme si le détail de l'activité consciente se modelait sur celui de l'activité cérébrale. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 263.
10. Si Prinet vit, il renoncera pendant une longue période (...) à l'exercice de son intelligence; il ne lira pas, ne s'exprimera pas; quand une pensée lui viendra, il ne la notera pas; il laissera son cerveau en friche. Montherlant, Le Songe,1922, p. 162.
11. Dans les quelques grammes de gélatine appelés cerveau il n'y a rien (...) qui ressemble, même de loin, à une pensée ou à un souvenir; et pourtant il n'y a pas, sans cerveau, de pensée ou de mémoire possibles. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 32.
En partic.
a) [Le cerveau considéré comme le siège de la raison] Son père tout cerveau, sa mère toute foi (Zola, Lourdes,1894, p. 290).Jamais ni l'un ni l'autre ne faisait la moindre allusion à sa vie personnelle ou à ses ennuis d'intérieur. Ils s'amusaient à être de purs cerveaux (Miomandre, Écrit sur de l'eau,1908, p. 58).
[P. oppos. au cœur considéré comme le siège des facultés affectives] Il faut que le socialisme descende du cerveau jusqu'au cœur (Renard, Journal,1905, p. 988):
12. ... « Vous, Messieurs les Français, vous aimez avec le cerveau, mais très peu avec le cœur! » E. et J. de Goncourt, Journal,1895, p. 803.
13. Le vrai, c'est que je ne puis prendre mon parti de m'écarter de Em.; ni dissocier mon cerveau de mon cœur... Gide, Journal,1933, p. 1156.
P. méton. (cf. infra I B 3).C'était un cerveau peut-être, mais pas un cœur (P. Vialar, La Chasse aux hommes, La Bête de chasse, 1952, p. 78).
Rem. La docum. est riche en ex. dans lesquels cerveau se trouve associé, mis en parallèle, opposé à cœur.
[P. oppos. à l'âme] Elle [l'âme] passe par le cerveau comme par un laminoir qui la martèle et la travaille au coin de notre plate nature physique (E. Delacroix, Journal,1852, p. 108).[Cet Empereur] se servit de nos âmes et rejeta nos cerveaux (G. d'Esparbès, Les Demi-solde,1899, p. 185).
b) [Le cerveau en tant que siège de l'esprit p. oppos. au corps, à la matière] :
14. L'homme a besoin de dépenser journellement certaines grossiéretés (...) − et surtout l'homme de lettres, l'homme d'idée, le brasseur de nuages, en qui la matière opprimée par le cerveau semble se venger... E. et J. de Goncourt, Journal,1858, p. 478.
P. méton. (cf. infra I B 3).Je travaille trop, je deviens trop cerveau (Balzac, Lettres à l'Étrangère,t. 2, 1850, p. 42).Je ne suis que cerveau, je ne mange pas, je pense! (Colette, Claudine en ménage,1902, p. 269).
2. Rare. [Le cerveau en tant que siège de l'affectivité] La jalousie frappait avec ses mille marteaux sourds dans son cerveau (Champfleury, Les Aventures de Mlle Mariette,1853, p. 214).
3. P. méton. Personne. Rosny n'est déjà plus le puissant cerveau de naguère (Renard, Journal,1893, p. 187).Je suis étonné de voir un esprit fin, un cerveau distingué comme vous, aimer cela (Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 501).Weber est certainement un cerveau poétique, mais ce n'est pas un musicien (I. Stravinsky, Chroniques de ma vie,1931, p. 154).
Synon. de cervelle.Je plains nos jolis cerveaux messins, nos solides cervelles alsaciennes (Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1902-03, p. 66).
Péj. Cerveau brûlé. Personne exaltée, extravagante, irréfléchie (cf. brûlé II B 1). Une mauvaise tête qui voudrait se détruire (...) j'en connais, de ces cerveaux brûlés (Mérimée, Théâtre de Clara Gazul,1825, p. 324).
Emploi abs. Un cerveau. Un homme supérieurement intelligent. Augustin, le précepteur de Dominique, est un très-jeune homme (...) c'est un homme de livres, de logique, de science, un cerveau (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 7, 1863-69, p. 137).Vous étiez un cerveau pour toutes les cervelles Des pauvres spectateurs qui ne le savaient pas Qu'il leur faut des enfants ou marcher au trépas (Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias,À Yeta Daesslé, 1918, p. 873):
15. ... toute sa politique, vise à la conservation de cette espèce royale, de ce petit nombre de cerveaux dont dépend le sort de l'humanité. Massis, Jugements,1923, p. 114.
II.− P. anal.
A.− TECHNOL., ÉLECTRON.
1. [P. réf. à la position du cerveau]
a) Partie supérieure de la cloche à laquelle est fixé l'anneau qui supporte le battant mobile. Ça, c'est le cerveau d'une très vieille cloche qui rendait des sons comme il n'y en a plus; celle-là, Monsieur, elle sonnait du ciel! (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 53).
b) Partie supérieure d'une construction. « Le cintre (...) est chargé au cerveau d'environ 50 mètres cubes de moëllons (...)» [mémoire de M. Séjourné sur le pont de Lavour] (E. Degrand, J. Résal, Ponts en maçon.,t. 2, 1888, p. 639).On perce au cerveau de la voûte une galerie (J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 718).
Rem. 1. Attesté ds Lar. encyclop. et Quillet 1965. 2. Pour Lar. 20e, cerveau, ,,capacité d'un appartement, comprise entre le plafond et la hauteur d'une personne debout``.
2. [P. réf. aux fonctions du cerveau] Cerveau artificiel, cerveau électronique, cerveau mécanique (cf. calculateur, ordinateur) :
16. ... la fabrication des cerveaux mécaniques, la cybernétique, pose l'angoissante question des robots, capables de surpasser l'homme dans ses mécanismes mentaux. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 392.
B.− Domaine de la vie intellectuelle ou active :
17. Ville auguste, cerveau du monde, orgueil de l'homme, Ruche immortelle des esprits, Phare allumé dans l'ombre où sont Athène et Rome, Astre des nations, Paris! Leconte de Lisle, Poèmes tragiques,Le Sacre de Paris, 1884, p. 78.
18. Cette pièce, en réalité, était le cerveau de la maison et le grand jeune homme (...) qui parlait, lèvres serrées avec cet accent « sophistiqué » des universitaires, était le porte-parole, le haut-parleur, le traducteur mécanique et fidèle, des traditions... P. Vialar, La Mort est un commencement,Le Petit jour, 1947, p. 355.
Emploi abs. :
19. Les uns et les autres ne travaillaient pas eux-mêmes plus que M. Planchet [le grand capitaliste]; ils étaient comme ils disaient, « le cerveau ». Giono, Poids du ciel,1938, p. 290.
Rem. On rencontre ds la docum. le néol. cérébralicide, adj. Fatigant pour l'esprit (cf. J. Desaymard, Chabrier d'après ses lettres, 1934, p. 328).
Prononc. et Orth. : [sε ʀvo]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 anat. cervel (Chanson de Roland, éd. J. Bédier, v. 22 60); 2. a) ca 1175 cervel « organe de la pensée, intelligence, jugement » (Chr. de Troyes, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 2581); b) 1630 « la personne dont l'esprit est en question » (Malherbe, Œuvres complètes, éd. Lalanne, Paris, 1862, t. 1, pp. 213-214); c) 1808 « organe central, de direction » (Chênedollé, Journal, p. 33 : la métaphysique est le cerveau de toutes les sciences); d) 1954 cerveau électronique (Ruyer, La Cybernétique, p. 30). Du lat. cerebellum « (petite) cervelle » (iies. av. J.-C., Titinius ds TLL s.v., 858, 52) « siège de la pensée » (Pétrone ds Oxford lat. Dict.), dimin. de cerebrum « cerveau » (cérébral*). Fréq. abs. littér. : 4 151. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 358, b) 6 096; xxes. : a) 6 488, b) 5 058. Bbg. Bernelle (A.). Mons, oros, berg, gora, mal, sar, parkălne. Vie Lang. 1962, p. 401. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 50. − Gottsch. Redens. 1930, p. 127, 134. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 27. − Sigurs 1963/64, p. 269.