| CERF, subst. masc. A.− ZOOLOGIE 1. Mammifère, type des cervidés, à la tête garnie de bois ramifiés, à la taille élancée et à l'allure majestueuse, aux pattes fines, agile à la course et qui est un gibier très recherché, notamment pour la chasse à courre. Bois de cerf, cerf aux abois, grand cerf : 1. Lorsque le Cerf fut vraiment devant elle, elle reconnut ses lignes admirables, son port altier, sa majesté inoubliée. Les années ne l'avaient nullement amoindrie. C'était toujours cette large encolure, cette tête haut-levée que sommait une ramure parfaite, ample, ouverte, chevillée d'espois réguliers jusqu'à la double empaumure. Le regard de la Bête avait gardé le même luisant, frais et mouillé, la même clarté dormante où passaient de soudaines étincelles. (...) Et, surtout, la couleur du pelage avait changé, d'un gris pâle où les dernières nuances fauves froidissaient et s'éteignaient. C'était la couleur même des vieux chênes qui l'encadraient; ...
Genevoix, La Forêt perdue,Paris, Plon, 1967, p. 203. SYNT. 1. Relatifs aux variétés de cerfs : cerf blanc, commun, de Corse, des Ardennes, noir, tacheté. 2. Relatifs à leur âge, c'est-à-dire à leurs bois : cerf à (le cerf fait) sa 1retête « cerf dans sa 3eannée », cerf à (le cerf fait) sa 2etête « cerf dans sa 4eannée »; cerf à (le cerf fait) sa 3etête « cerf dans sa 5eannée », cerf dix-cors jeunement « cerf dans sa 6eannée », cerf dix cors « cerf dans sa 7eannée »; jeune cerf « cerf dans ses 3e, 4eet 5eannées », grand cerf « cerf dans sa 8eannée ou de 6 à 8 ans », grand vieux cerf « cerf de 9 à 12 ans », vieux cerf « cerf de plus de 12 ans » (loc. contestée); le cerf ravale ou se ravale (à partir de 16 ans jusqu'à sa mort naturelle vers 20 ans, les bois s'atrophient et les têtes s'ordonnent de façon irrégulière; cf. Druon, Les Grandes familles, t. 1, 1948, p. 14). 3. Relatifs aux particularités physiques du cerf ou à celles de sa vie : abattures du cerf, daintiers du cerf « ses testicules » (cf. Faral, La Vie quotidienne au temps de St Louis, 1942, p. 35), écuyer de cerf « jeune cerf accompagnant un vieux », larmes de cerf, massacre de cerf (cf. A. France, L'Anneau d'améthyste, 1899, p. 61), rut du cerf, tête de cerf (Flaubert, Madame Bovary, t. 2, 1857, p. 41); le cerf brame (cf. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret, 1875, p. 1408). 4. Relatifs à la chasse : chasse au cerf, curée du cerf, fumées du cerf « ses fientes », pied du cerf « ses empreintes »; chasser le cerf, courir le cerf (cf. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 35), détourner le cerf, lever un cerf (Faral, op. cit., p. 36), laisser courre le cerf; le cerf est de hautes erres, le cerf se rembûche; servir le cerf. 2. Synon. vieilli de cervidés* (cf. également bois ex. 7) : 2. ... elles [les cornes] diffèrent essentiellement des prolongements osseux qu'on nomme bois dans le genre des cerfs. Ceux-ci croissent par leur extrémité libre; ils sont recouverts par la peau pendant le temps de leur croissance; ils tombent et se reproduisent à une certaine époque de l'année. Les autres croissent par leur base; elles ne sont pas recouvertes de la peau; elles sont permanentes.
Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 2, 1805, p. 614. SYNT. Relatifs aux différentes espèces de cerfs : cerf axis (Dumont d'Urville, Voyage au Pôle Sud. t. 8, 1845, p. 17); cerf du Canada « wapiti » (Chateaubriand, Voyage en Amérique, en France et en Italie, 1827, p. 130). Rem. Cerf désigne le genre jusqu'à la fin du xixes., époque à laquelle il est remplacé par cervidés (Lar. 19eSuppl. 1878) et comprend le cerf proprement dit, le renne, l'élan, etc. (cf. Bouillet 1859, Privat-Foc. 1870). B.− Emplois symboliques ou fig. 1. HÉRALDIQUE : 3. ... elle épousait des armes déjà vieilles de deux cents ans, les Bargeton écartèlent d'or trois massacres de cerf de gueules, deux et un croisés de trois rencontres de bœuf de sable, un et deux et fascé d'azur et d'argent de six pièces, l'azur chargé de six coquilles d'or, trois, deux et un.
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 43. SYNT. Cerf élancé (synon. de cerf courant), cerf passant, cerf ramé (dont le bois est d'un émail distinct), cerf sommé (dont le bois a neuf cors au moins), massacre de cerf (la ramure avec une partie du crâne), rencontre de cerf (la tête détachée du corps et présentée de face). 2. [Avec une valeur symbolique] a) [Les rapports fam. avec les animaux exprimant le retour à la simplicité première] Symbole de l'innocence primitive (des mœurs) : 4. Chaque animal sauvage étant pour le chevalier un symbole, son rugissement ou son appel devient une phrase symbolique qui s'inscrit en lettres de feu sur notre esprit. (...) Chaque espèce ne vous dit qu'une phrase, (...) Le cerf, sur la pureté, (...) Et c'est d'ailleurs toujours le vieux mâle qui vous parle. Il y a derrière lui de petites faonnes ravissantes, (...) Non, c'est toujours le dix cors (...) qui vous sermonne.
Giraudoux, Ondine,1939, I, 2, p. 22. b) RELIGION − [P. réf. à sa ramure se renouvelant périodiquement] Symbole de la renaissance, de la survie de l'âme à la mort physique (cf. Symboles 1969). − [P. réf. aux abois pendant lesquels le cerf se jette à l'eau pour se désaltérer et échapper aux chiens, p. réf. également au Psaume 41, 2 de la Bible « Comme le cerf soupire après les eaux courantes, ainsi mon âme soupire après toi, ô mon Dieu » Trad. A. Crampon] Symbole de l'âme aspirant à Dieu ou à la régénérescence par le baptême : 5. Comme le cerf, dit le psaume, comme le cerf vers le bruit de l'eau qui sourd languissant et gémissant, C'est ainsi que le roi Louis, notre sire, il est là qui désire vers le Soleil Levant!
Claudel, Visages radieux,La Vocation de St Louis, 1947, p. 768. 6. Une seule chose importe, c'est que, braves ou lâches, nous nous trouvions toujours là où Dieu nous veut, nous fiant à Lui pour le reste. Oui, il n'est d'autre remède à la peur que de se jeter à corps perdu dans la volonté de Dieu, ainsi qu'un cerf poursuivi par les chiens, dans l'eau fraîche et noire.
Bernanos, Dialogues des Carmélites,1948, 4etabl., 8, p. 1662. Rem. Cf. également Barrès, La Colline inspirée, 1913, p. 278. − HAGIOGRAPHIE. [P. réf. à la croix lumineuse apparue entre les bois d'un cerf à plusieurs saints au cours d'une chasse, notamment à saint Hubert] Symbole du Christ, de la révélation divine, origine de la conversion : 7. Il y a sur la porte [de la chapelle] un bas-relief très réjouissant et très gentil : c'est la rencontre de saint Hubert avec le cerf mystique qui porte un crucifix entre les cornes. Le saint est à genoux; plane au-dessus un ange qui va lui mettre une couronne sur son bonnet; à côté on voit son cheval qui regarde de sa bonne figure d'animal étonné; ses chiens jappent, et, sur la montagne dont les tranches et les facettes figurent des cristaux, le serpent rampe.
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 176. Rem. Cf. également cerfs portant une croix de feu entre leurs cornes (Id., L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 155). 3. Arg. [P. réf. à la rapidité de cet animal] Se déguiser en cerf. Courir (cf. D. Poulot, Le Sublime, 1872, p. 37). 4. Pop. [P. réf. aux ramifications de ses bois et aux cornes ordinaires qui sont l'emblème du] Mari trompé : 8. Quelque temps avant que Louis XV fût arrangé avec Madame de Pompadour, elle courait après lui aux chasses. Le roi eut la complaisance d'envoyer à M. d'Étioles une ramure de cerf. Celui-ci la fit mettre dans sa salle à manger, avec ces mots « Présent fait par le roi à M. d'Étioles ».
Chamfort, Caractères et anecdotes,1794, p. 99. Rem. Cf. également Flaubert, Correspondance, 1854, p. 34. Prononc. et Orth. : [sε:ʀ]. Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Dub., Warn. 1968, Lar. Lang. fr. admettent en outre [sε
ʀf]. Pour Gattel 1841, ,,l'f ne se prononce jamais devant les consonnes``. Fél. 1851 transcrit : sêrf, avec la précision : ,,on prononce ser au pl.`` Aussi Littré peut-il légitimement considérer la prononc. de ce mot comme étant ,,loin d'être bien fixée``. Au plur., liaison en [z] admissible : les sèr-z et les daims (d'apr. Littré). Selon Fouché Prononc. 1959 : cerf [sε:ʀ], mais serf [sε
ʀf]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. (il) serre, serre, (il) sert. Étymol. et Hist. Ca 1100 (Chanson de Roland, éd. Bédier, v. 1874). Du lat. class. cervus « id. ». Fréq. abs. littér. : 558. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 215, b) 1 190; xxes. : a) 523, b) 382. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 147. − Gottsch. Redens. 1930, pp. 42-43. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 36. − Rommel 1954, p. 98. − Sain. Lang. par. 1920, p. 404. − Sigurs 1963/64, p. 505. |