| CEPENDANT, adv. I.− Adverbe A.− Littér. Exprime la concomitance : 1. J'entrai dans un salon fort beau, je demandai le maître, on alla voir s'il était visible. Cependant je parcourus l'appartement, il était délicieux.
Janin, L'Âne mort et la femme guillotinée,1829, p. 192. 2. Les valets entrent avec des flambeaux. Le duc les range sur deux haies jusqu'à la porte du fond. Cependant Dona Sol s'approche lentement d'Hernani. Le roi les épie tous deux.
Hugo, Hernani,1830, I, 3, p. 28. − Avec une nuance d'oppos.; marque une rupture, le passage à une étape nouvelle : 3. Bref cette sorte de rhume sournois que je pris à Toulon m'inquiéta tout aussitôt au point que j'hésitai presque si je ne laisserais point Paul s'embarquer seul, quitte à le rejoindre un peu plus tard. Puis je m'abandonnai à mon destin, ce qui presque toujours est le plus sage. (...) Cependant Toulon accueillait l'escadre russe;...
Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 553. 4. Au moment du thé, l'Étoile-des-mers était animé. Des couples tournaient dans le salon de danse, des jeunes filles chantaient, les musiciens faisaient montre aux pianos de leur virtuosité, les dames d'âge mûr parlaient du temps passé tandis que les hommes d'affaires discutaient les cours de la dernière bourse transmis par sans-fil. Cependant, la nuit vint, chassa tout le monde des ponts, et, derrière elle, cachés par elle, les fantômes de brume, continuant leur danse, se firent plus nombreux, plus épais,...
Peisson, Parti de Liverpool,1932, p. 161. 5. Telles étaient mes réflexions pendant que je guidais les vieux maîtres vers leur fauteuil, dans lequel ils se laissaient choir comme des gens qui n'ont plus les articulations très libres. Puis sont venus les politiques de moyenne dimension. Cependant, la grande salle s'emplissait. On entendait croître, de minute en minute, un énorme souffle humain.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Les Maîtres, 1937, p. 224. B.− Cour. Exprime l'oppos. : 6. Michaud. − Ô malédiction! Les archers étaient là et je n'ai pas su deviner cela!... C'était cependant bien facile...
Guilbert de Pixerécourt, Coelina,1801, III, 7, p. 50. 7. Miss Foote est une grande femme mince, cependant bien prise dans sa taille.
Delécluze, Journal,1827, p. 471. 8. Il semble que la porte soit fermée en dedans. Je crois bien cependant qu'Urbain n'en a pas la clef et voilà pourquoi je crains que ce ne soit quelque voleur.
Camus, Les Esprits,adapté de P. de Larivey, 1953, p. 463. Rem. 1. Cependant est souvent combiné avec un autre élément de liaison (et ou une autre conj. de coordination), avec un adv., avec une conj. de subordination : 9. ... nous devrons, jusqu'à un certain point, renoncer aux habitudes de style qui nous sont propres, pour revêtir celles du journal de manière cependant que l'individualité se conserve toujours, mais fondue et combinée avec les mœurs étrangères.
M. de Guérin, Correspondance,1834, p. 120. 10. Justin faisait une manille avec les notables du village. Tous étaient graves, comme il convient dans un jeu bien mené; parfois cependant, pour se détendre, l'un d'eux émettait une remarque plaisante; les joueurs souriaient un instant, puis reprenaient leur sérieux.
Arland, L'Ordre,1929, p. 466. 11. Moins que l'Américain de l'Ouest, mais cependant encore trop, le Newyorkais mélange tout cela sur une même assiette, commande son café en même temps que sa soupe et engloutit le repas cuit électriquement que lui expédient des domestiques pressés, qui ont envie d'aller danser.
Morand, New York,1930, p. 145. Rem. 2. Noter, avec une intention archaïsante, lors cependant que : 12. Lors cependant qu'à cette époque la génération laborieuse et ardente dont nous avons déjà parlé vint à étudier les Anciens avec la noble vue de les reproduire dans la littérature maternelle; lorsque épris de ces langues antiques où la poésie est un chant,...
Sainte-Beuve, Tabl. hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIes.,1828, p. 80. Rem. 3. Cependant est appelé adv. de liaison et non conj. de coordination parce que sa place est variable; cette variabilité est d'ailleurs très limitée (cf. Wagner-Pinchon 1962, p. 417 et J. Dubois, R. Lagane, La Nouv. Gramm. du fr., Paris, Larousse, 1973, p. 144). II.− Cependant que.Loc. conj. (var. de tandis que) A.− Exprime la concomitance : 13. Sur son beau sein de neige Éros maître du monde
Repose, et les anneaux de sa crinière blonde
Brillent, et cependant qu'un doux zéphyr ami
Caresse la guerrière et son fils endormi,
Près d'eux gisent parmi l'herbe verte et la menthe
Les traits souillés de sang et la torche fumante.
Banville, Les Cariatides,Vénus couchée, 1842, p. 153. 14. Raboliot, toujours allongé, coula sans bruit sur la pente du talus, en arrière. Il s'accroupit au bas, se souleva doucement, cependant que sa main cherchait dans sa poche un caillou : ...
Genevoix, Raboliot,1925, p. 299. 15. La voix de Bernard, cependant qu'il parlait, reprenait un peu d'assurance.
Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 1034. 16. Dieux proches, dieux sanglants, faces peintes et closes! Sous l'orangerie des lampes à midi mûrit l'abîme le plus vaste. Et cependant que le flot monte à vos persiennes closes, l'été déjà sur son déclin, virant la chaîne de ses ancres, vire aux grandes roses d'équinoxe comme aux verrières des Absides.
Saint-John Perse, Exil,Poème à l'étrangère, 1942, p. 288. 17. Le pilote a sauté en parachute à deux cents mètres à peine, cependant que son appareil percutait dans la Blies.
Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 286. 18. Nous étions maintenant grands copains, le mousse et moi, et tous les matins je quittais la barre pour venir bavarder avec lui cependant qu'il préparait ses cafés turcs, ...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 177. − Avec un suj. de 1reou 2epers. : 19. Épuisez, cependant que vous êtes fidèles,
La chaude déraison,
Vous ne garderez pas vos amours éternelles
Jusqu'à l'autre saison.
A. de Noailles, Le Cœur innombrable,Le Baiser, 1901, p. 11. 20. Un esprit qui ne sait plus obéir m'arrache hors de la courbe! L'épouvante dans mon cœur se met à chanter et lui danse sur cette musique! Cependant que j'ai encore ma raison, je proteste, ô les amis, ...
Claudel, Les Choéphores,trad. d'Eschyle, 1920, p. 943. B.− Exprime l'oppos. : 21. Et d'ailleurs j'ai un dégoût extrême à revenir sur mon passé, cependant que ma curiosité impitoyable demande à tout creuser et à tout fouiller jusqu'aux dernières vases.
Flaubert, Correspondance,1845, p. 166. 22. L'italien est parfaitement phonétique, cependant que le français, qui est riche, possède deux manières d'écrire f, quatre manières d'écrire k, deux d'écrire z, etc.
Valéry, Variété III,1936, p. 280. Prononc. et Orth. : [s(ə)pɑ
̃dɑ
̃]. Parfois, on trouve, au lieu de la forme soudée du mot, ce pendant (que), toujours au sens temporel. 1. Comme adv. : Ce pendant, le poète avait déplié un de ses petits papiers, et il lisait (Miomandre, Écrit sur de l'eau, 1908, p. 154). [Henriette] Bonjour, vous deux! Bonjour ma chérie! [Gabrielle] Comment vas-tu, ma chérie? Ce pendant elles s'embrassent (Bernstein, Le Secret, 1913, I, 4, p. 6). 2. Comme loc. conj. a) En poésie : Certes, sa peine est forte, et rude est sa navrure, De n'ouïr plus chanter la céleste serrure, Ce, pendant qu'Astaroth et Mammon, très contents, Ouvrent la flamboyante issue à deux battants, Et que, la crosse au poing, dans les obédiences, Le prince des damnés donne ses audiences! (Leconte de Lisle, Poèmes barbares, Les Paraboles de Dom Guy, 1878, p. 324). Et beaucoup, aimantés par cet appel propice, Perclus, entrent dans l'eau comme on entre à l'hospice, Puis meurent. L'eau les lave et les ensevelit Dans ses courants aussi frais que de fines toiles; Et c'est enfin vraiment pour eux la bonne mort. Ce pendant que, le soir, autour du corps qui dort, L'eau noire allume un grand catafalque d'étoiles (Rodenbach, Le Règne du silence, Le Cœur de l'eau, 1891, p. 63). Mais, ce pendant que votre main cruelle et sûre, Sûre et cruelle fait vibrer dans ma blessure L'inexorable trait, ma Dame, ma Douleur, Il faut que je vous loue et que je vous célèbre, Et que je tresse la gemme rare et la fleur Dans vos cheveux qui sont couleur de la ténèbre (Moréas, Les Cantilènes, Funérailles, Pleurer, 1886, p. 108). b) En prose : Il serra la main des deux hommes en leur souhaitant bon voyage et il s'en revint à ses lares, ce pendant que La Guillaumette, point dupe de cette comédie grossière, faisait siffler entre ses dents serrées le mot de situation : − Va donc, eh vache! (Courteline, Le Train de 8 h 47, 1888, I, 7, p. 87). Malgré que je ne goûtasse que médiocrement l'ironie tant soit peu insistante du Napolitain, j'estimai honnête de dissimuler sous un vague sourire le dépit que j'en ressentais; ce pendant que le traître Pinamonte (...) poursuivait son récit en ces termes... (Milosz, L'Amoureuse initiation, 1910, p. 47). Des consommations passent au-dessus de votre tête, ce pendant que la machine à faire des javas et même des rumbas trompette et piétine, pareille à une batteuse (Fargue, Le Piéton de Paris, 1939, p. 134). Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1278 loc. participiale absolue à valeur temporelle, cont. jur., ce pendant « cela étant pendant » (Sept Sages, I, 4 ds P. Imbs, Les Propositions temporelles en a. fr., Paris, Les Belles Lettres, 1956, p. 304), id. cont. gén., valeur temporelle (id., I, 43 et I, 8, ibid.); 2. 1424 loc. conjonctive exprimant la simultanéité, ce pendant que (Journal d'un bourgeois de Paris, 195 ds R. Martin, Temps et aspect, Paris, Klincksieck, 1971, p. 325); Vaug. 1934 [1647], p. 224 note ,,il ne faut jamais dire cependant que, mais pendant que``; mais usage fréq. de cette loc. au xviies. (v. Haase, p. 373) et par la suite; 3. 1580 conjonction adversative (Montaigne, II, 8 ds Hug.). B. Adverbe exprimant une opposition avec ce qui a été dit précédemment, 1541 (Calvin, Instit., 186 ds Littré). Composé de ce* antéposé à pendant*, dont il est à l'orig. le sujet. Fréq. abs. littér. : 25 388. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 48 243, b) 40 669; xxes. : a) 28 674, b) 27 768. Bbg. Baldinger (K.). Der Begriff während. Ein Beispiel syntaktischer Feldforschung. Z. rom. Philol. 1954, t. 70, pp. 321-340. − Imbs (P.). Les Prop. temp. en anc. fr. Paris, 1956, p. 304. − Martin (R.). Temps et aspect. Essai sur l'emploi des temps narratifs en m. fr. Paris, 1971, pp. 324-325. |