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CENDRE, subst. fém.
I.− Au sing., plus rarement au plur.
A.− Poudre résultant de la combustion complète de certaines matières.
SYNT. Cendre de bois, de charbon, de cigarette, d'os; cendre du foyer, de la pipe, du volcan; cendre brûlante, froide, grise; un feu, un tison sous la cendre; une pluie, un nuage, une odeur de cendre; faire cuire des marrons, un œuf, des pommes de terre sous la cendre.
Mettre, réduire en cendre(s) (une ville, un pays, ...). Brûler, dévaster, anéantir. Quand une torpille aura réduit en cendre le ministère de l'air (Saint-Exupéry, Pilote de guerre,1942, p. 304).
Loc. fig. Un feu caché sous la cendre. Une passion qui survit. Un feu qui couve sous la cendre. Une énergie qui attend son heure.
B.− Emplois techn.
1. AGRIC. Cendres rouges. Cendres de lignite ou autres cendres répandues sur les champs pour les fertiliser.
2. GÉOL. et MINÉR. Cendre bleue, gravelée, noire, verte; cendres volcaniques.
3. PHARM. Substance médicamenteuse. Cendre d'antimoine, d'étain, de plomb.
II.− Au plur. (avec valeur emphatique), plus rarement au sing.
A.− [P. réf. à la légende du phénix] Renaître de ses cendres. Revivre. Écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres (Cendrars, L'Homme foudroyé,1945, p. 13):
1. Les poètes chantaient cette fin et cette résurrection du monde comme ils chantaient le phœnix renaissant de ses cendres. P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 731.
B.− [P. réf. surtout à la coutume d'incinération de certains peuples de l'Antiquité qui recueillaient les cendres des morts dans des urnes]
P. ext. La dépouille mortelle. Les cendres d'un grand homme; le retour des cendres de Napoléon. La translation des cendres de Turenne aux Invalides fit estimer Napoléon (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 374).
Au fig. La mémoire d'un mort. La cendre des aïeux, des justes; honorer la cendre des morts; paix à ses cendres!
Péj. [En signe d'ignominie et de malédiction] Jeter la cendre d'un parricide aux quatre vents.
P. métaph. :
2. ... Bacon, qui échappa si bien aux bûchers de son temps, et dont la réputation scandaleuse réduite en cendres est jetée au vent avec un mépris d'éloquence et une verve d'ironie indignée incomparables! Barbey d'Aurevilly, 2ememorandum,1839, p. 365.
C.− [P. réf. à la coutume juive (cf. Jérémie 6, 26) de se couvrir la tête de cendre en signe de deuil] Symbole d'affliction, de désolation, d'échec d'une vie. Terre de cendre et de larmes; les cendres de l'amour, de la désillusion, du passé, du temps. J'étais plein, à déborder, d'amertume et de cendres (Léautaud, Journal littér.,t. 1, 1893-1906, p. 53):
3. Tout ce qu'il y a de plus cher, tout ce qui représente la vie et l'orgueil d'un homme s'est envolé, cendres et fumées. Cendrars, L'Or,1925, p. 233.
4. Le fameux goût de cendre que donne le passé dans les romans psychologiques, je l'ai eu sur les lèvres. Il me semble que toutes ces heures consacrées au divertissement et dont je voulais si fort conserver la mémoire, rien n'en reste à présent, parce que tout cela s'est consumé de soi-même, rien, sinon des mots. Green, Journal,1940, p. 49.
D.− [P. réf. à la coutume juive de se couvrir la tête de cendre (cf. Ezéchiel, 27, 30) ou de s'asseoir sur de la cendre (cf. Job, 42, 6) en signe de pénitence] Symbole de la pénitence. Avoir la tête couverte de cendre et de terre. Des pénitens couverts de cendre et de cilice (Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 592).Couvert de la cendre de la pénitence (MmeCottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 332):
5. J'avisai un énorme paquet de tapis encore tout enroulés, (...), et m'y cachant la tête, avalant leur poussière et mes larmes, pareil aux Juifs qui se couvraient la tête de cendres dans le deuil, je me mis à sangloter. Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 393.
LITURG. CATH. Mercredi des Cendres. Le premier mercredi du Carême où l'on marque de cendre le front des fidèles en signe de rappel de la condition humaine et du devoir de pénitence. Recevoir les cendres :
6. ... un sens profond se dégage de cette cérémonie des Cendres, qui rappelle à l'homme que la mort le menace sans cesse et qu'il doit souvent s'examiner et se juger, humblement, sévèrement, avec un esprit de pénitence et de réparation. Coppée, La Bonne souffrance,1898, p. 155.
Prononc. et Orth. : [sɑ ̃:dʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) [xies. d'apr. FEW t. 2, 1repart., p. 684 a] début xiies. « résidu pulvérulent d'une matière consumée » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, Oxford, 1860, 147, 5); b) ca 1160 mise en cendre « détruite par le feu » (Eneas, vers 18); c) 1560 en cendre au fig. (J. Grévin, L'Olimpe, p. 302, Théâtre complet et choix de poésies, éd. L. Pinvert, Paris, 1922 ds IGLF : Jen ay le cueur en cendre et le corps langoureux); 2. a) dernier quart xiies. « poussière, restes d'un cadavre » (E. de Fougères, Manières, 142 ds T.-L.); b) av. 1560 « dépouille mortelle » (Du Bellay, Œuvres, éd. H. Chamard, III, 53 ds IGLF); c) av. 1577 fig. « restes, souvenir » (Rémy Belleau, Œuvres poétiques, éd. Marty-Laveaux, III, 53, ibid.); 3. a) xiiies. « signe de deuil, de désolation ou de pénitence » (Alexis, éd. J. Hertz, 443 ds T.-L.); b) début xiiies. relig. (G. de Villehardouin, Conquête Constantinople, § 8 ds Gdf. Compl. : Le jor que om prent cendres [...]). Du lat. class. cinis, -eris subst. masc. parfois attesté au fém. (cf. TLL s.v., 1070, 8-12), attesté aussi au fig. pour désigner le résultat d'une destruction notamment dans la loc. in cinerem « en cendres »; attesté dep. Accius pour désigner une dépouille mortelle (Trag. 112, ibid., 1073, 11) et en lat. chrét. comme signe de pénitence (Tertullien, Paen. 9 ds Blaise, s.v.), notamment dans l'expr. cineri et sacco [inolescit] (Tertullien, Patient. 13 ds TLL s.v., 1070, 73) à rapprocher de 3 a, et comme symbole du néant humain (Genèse, 18, 27 ds Blaise, s.v.) à rapprocher de 3 b. Fréq. abs. littér. : 2 453. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 091, b) 3 905; xxes. : a) 3 498, b) 2 744. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 222, 452. − Rog. 1965, p. 62. − Sigurs 1963/64, p. 45.