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CECI, pron. dém. neutre.
A.− [En corrélation et en oppos. avec cela, cf. la même oppos. entre celui-ci/celui-là, ici/là, -ci/-là, voici/ voilà]
1. [Désigne ce qui est plus proche du locuteur qui parle ou dont on rapporte les paroles]
a) [Dans l'espace environnant] :
1. ... étendant avec un soupir sa main droite vers le livre imprimé qui était ouvert sur sa table et sa main gauche vers Notre-Dame, et promenant un triste regard du livre à l'église : − Hélas! dit-il, ceci tuera cela. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 206.
b) [Dans l'espace d'un texte ou dans le temps d'une énonciation orale] :
2. Puisque ma mère, en me plongeant dans le Styx, a eu l'imprudence de laisser émerger mon talon... Il était si simple de me plonger dans les deux sens... comme ceci, d'abord... et puis comme ça, après! Meilhac, Halévy, La Belle-Hélène,1865, II, 5, p. 225.
3. Notre génération, et les deux précédentes n'ont guère entendu parler que de conflit entre foi et science. Au point qu'il a pu sembler un moment que ceci était décidément appelé à remplacer cela. Teilhard de Chardin, Le Phénomène hum.,1955, p. 316.
[Notamment pour distinguer deux choses et éventuellement valoriser la première] Ce garçon qui possédait des livres rares, qui distinguait avec assurance : « Ceci est beau... Cela ne l'est pas » (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 37).
2. Fam. [Valeur d'indéterminé] Telle et/ou telle chose, telle qualité, telle autre non précisée ou non précisable :
4. turelure. − Est-ce ma faute si je suis pair de France, et comte, et maréchal, et grand officier de je ne sais quoi, et président de ça et ministre de ceci, et le diable sait quoi! Claudel, Le Pain dur,1918, I, 3, p. 428.
B.− [Sans oppos. à cela]
1. [Désigne une chose, un obj. proche du locuteur, souvent avec accompagnement du geste et valeur insistante]
a) [Dans l'espace] Un objet présent, par exemple que l'on tient en main, que l'on tend à quelqu'un. Regardez, lisez ceci; permettez-moi de vous offrir ceci; ceci est à moi :
5. − Tenez, ma sœur, lui dit-elle en lui mettant dans la main une pièce d'or qui était cachée sous son oreiller, vous mettrez ceci dans le tronc des pauvres malades. − C'est toute ma fortune. Adieu! Murger, Scènes de la vie de jeunesse,1851, p. 111.
Spéc. [À la messe, paroles du Christ que le prêtre prononce à la Consécration sur le pain et le vin qu'il montre à l'assistance] Ceci est mon corps livré pour vous. Ceci est le calice de mon sang (Évangile, Matthieu XXVI, 26-28):
6. Posément, distinctement, nous prononçâmes ensemble les paroles de la Consécration : Hoc est enim corpus meum, « car ceci est mon corps ». Devant le corps de Jésus-Christ nous fîmes une génuflexion profonde. Billy, Introïbo,1939, p. 151.
Comme ceci. Comme ce que vous voyez (cf. supra ex. 2). Je me le rappelle quand il était haut comme ceci (Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 574).
b) [Dans le temps] Ce dont il est actuellement question entre le locuteur et ses interlocuteurs, ce qu'ils sont en train de dire, de faire. Ceci est une autre question. La môme, pendant tout ceci, est près du buffet, très entourée (Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, II, 2, p. 34):
7. Pourtant je ne regrette pas cette guerre. Non. Je crois que de ceci il sortira de grandes choses... Vercors, Le Silence de la mer,1942, p. 38.
[Avec valeur plus ou moins péj.] :
8. « Est-ce qu'on ne pourrait pas enlever ceci? » (...). Il désignait par « ceci » trois roses fanées dont un maître d'hôtel bien intentionné avait cru devoir décorer la table. Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, pp. 1006-1007.
Rem. Dans ces emplois la lang. fam. remplace de plus en plus ceci par cela, plus expressif. Ceci marque dès lors une recherche d'élégance dans la lang. soutenue, où il peut prendre une valeur laud. (ex. 7).
2. [Dans la conversation, dans le récit, annonce avec valeur gén. insistante des précisions qui vont suivre]
a) [Des paroles qui vont être prononcées par le locuteur]
[Avec une ponctuation forte, très souvent un double point annonçant l'explication qui suit] Écoutez bien, retenez bien ceci; j'ai noté pour vous ceci, figurez-vous ceci :
9. − C'est assez, c'est bien, je me tais. J'ajouterai simplement ceci : je ne suis après tout, dans votre maison, qu'un serviteur comme un autre. Bernanos, La Joie,1929, p. 548.
[Souvent en incise] Ceci entre nous, et ceci est très important.
b) [Des précisions détaillées énoncées en appos.]
[Appos. inf.] Forcé de courir la poste faute de temps, vous en arrivez à ceci, de mettre « Victor-Grégoire » en place de « Grégoire-Victor », ce qui n'est plus la même chose (Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,1893, 5etabl., 1, p. 171).
[Appos. propositionnelle] On me reconnaît à ceci que je suis vêtu de velours comme un charpentier et que j'ai l'air d'une brute (Bloy, Journal,1906, p. 292).
[Appos. adj., suivie d'appos. propositionnelle] Les opinions religieuses ont ceci de particulier, qu'elles donnent un pouvoir illimité à ceux qui les annoncent (Destutt de Tracy, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu,1807, p. 389).
Rem. Lorsque les précisions ne sont pas données, ceci indique qu'on laisse volontairement la chose à désigner dans le vague : Je suis M. un tel, âgé de tant, riche de ceci, né à ... (Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, p. 57).
3. [Synon. de cela, pour renvoyer à ce qui précède, p. ex. à des paroles qui viennent d'être prononcées (cf. supra B 1 b)] Tu réfléchiras à tout ceci; tout ceci pour dire que; ceci (soit dit) entre nous :
10. ... je vis cette fois la porte de la ferme ouverte, le feu allumé dans la grande cuisine et j'entendis le bruit habituel des voix et des pas à l'heure de la soupe. Ceci me rassura sans me renseigner. Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 297.
[En partic. en prop. postposée, ou en incise, ou en constr. part. abs.] Ceci fait, on mit le feu au bois, dont la chaleur se communiqua aux schistes (Verne, L'Île mystérieuse, 1874, p. 156); Martin, je te félicite de ton exactitude. Ceci dit, passe-moi la valise (Romains, Les Copains,1913, p. 176):
11. ... les Allemands comme les Français avaient considéré comme irréalisable l'idée de fabriquer en quelques années une bombe atomique et y avaient renoncé, et ceci non pas par des scrupules moraux, comme on a depuis parfois cherché à le faire croire. Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 49.
SYNT. Ceci dit (plus fréq. que cela dit), ceci étant dit, ceci soit dit en passant; ceci fait, ceci posé, ceci retenu, ceci mis à part.
[Avec valeur fréquemment péj., notamment si ceci est précédé de tout] :
12. − Tout ceci est un roman, un roman. Je ne veux pas discuter avec vous, mes enfants. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 287.
Rem. Quand ceci a un attribut au plur., le verbe être se met soit au sing., soit au plur. : Tout ceci n'est que des conjectures (Restif de La Bretonne, M. Nicolas, 1796, p. 80); Tout ceci sont des mensonges (Jarry, Ubu Roi, 1895, V, 1, p. 85).
C.− Emploi subst.
1. Péj. Une ceci, une cela. Une femme dont on dit des choses diverses, généralement peu élogieuses :
13. − Je sais bien, elle est une ceci, une cela. Mais elle peut savoir du nouveau sur Robert. Pauline ajoutait qu'il n'y avait certainement pas plaisir à fréquenter cette créature : une fantasque, ou maussade ou cajoleuse; elle se disputait avec ses servantes, tenait des conversations déplacées, se permettait des excentricités à l'occasion. Pourrat, Gaspard des Montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 74.
En partic. Une ceci. Une femme de mauvaise vie. Albert, Albert, je t'en supplie, ne fais pas de bruit dans la maison; on me renverrait; je passerais pour une ceci! (Borel, Champavert,Passereau, l'écolier, 1833, p. 167).
2. PHILOS., seulement au sing. [Chez Sartre] Le ceci. L'être que je ne suis pas présentement, en tant qu'il paraît sur le fond de la totalité de l'être, c'est le ceci (Sartre, L'Être et le Néant,1943, p. 231):
14. Comment une science spécialisée dans le savoir du ceci-ou-cela et qui prétend connaître cet objet sans limites ni réalité serait-elle une science normale? (...). Le je-ne-sais-quoi est pour l'intellectualisme un sujet inépuisable d'inquiétude et de perplexité : ... Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 58.
Prononc. et Orth. : [s(ə)si]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) xiiies. ceci renvoie à ce qui a été dit (Cortebarbe, Les Trois aveugles de Compiègne, éd. Gougenheim, 282, Paris, 1932), exprimé par cela dans la lang. mod.; b) 1532 cecy désigne ce qui va suivre (Rabelais, Pantagruel, éd. L. Saulnier, X, 26); 2. a) xves. empl. avec cela pour désigner deux choses plus ou moins déterminées, fam. (Coquillart, Poésies, II, 56, éd. Ch. d'Héricault); b) 1740 ceci désigne une chose différente de celle désignée par cela (Ac.); c) 1740 spéc. p. oppos. à cela, ceci désigne l'objet le plus proche (Ac., s.v. cela). Composé de ce*, pron. dém. et de ci*, adverbe. Fréq. abs. littér. : 9 307. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 11 267, b) 14 551; xxes. : a) 10 319, b) 15 966. Bbg. Georgin (R.). Ceci dit. Déf. Lang. fr. 1971, no58, p. 11.