| CASTE, subst. fém. A.− INSTITUTIONS 1. [Chez certains peuples, et princ. et Inde] Division héréditaire de la société en principe rigoureusement fermée dans son organisation, ses usages, ses droits propres et dont la distinction hiérarchique est généralement déterminée par le genre d'activité. La caste des Bramanes, des guerriers, des marchands, des agriculteurs. Le damra de caste infâme, qui seul a le droit de fournir le feu (J. Lorrain, Monsieur de Phocas,1901, p. 341): 1. ... l'idée d'hérédité est inhérente à l'idée de caste. Parcourez le monde; prenez tous les pays dans lesquels le régime des castes s'est produit, dans l'Inde, en Égypte; vous verrez partout la caste essentiellement héréditaire; c'est la transmission de la même situation, du même pouvoir de père en fils. Là où il n'y a pas d'hérédité, il n'y a pas de caste, il y a corporation; l'esprit de corps a ses inconvéniens, mais est très-différent de l'esprit de caste. (...). Au système de caste, au fait de l'hérédité, est attaché inévitablement le privilège; cela découle de la définition même de la caste. Quand les mêmes fonctions, les mêmes pouvoirs deviennent héréditaires dans le sein des mêmes familles, il est clair que le privilège s'y attache, que personne ne peut les acquérir indépendamment de son origine.
Guizot, Hist. gén. de la civilisation en Europe,1828, pp. 16-17. 2. P. ext. (en Occident), péj. Classe fermée de la Société, soucieuse de préserver ses droits ou ses privilèges. La classe bourgeoise et la caste nobiliaire (Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 17).Caste (...), c'est-à-dire constitution d'une oligarchie fermée, en dehors du reste de la nation (Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 79): 2. Il y avait dans la Revue de Paris (fragment de Michelet sur Danton) un jugement sur Robespierre qui m'a plu. Il le signale comme étant, de sa personne, un gouvernement; et c'est pour cela que tous les gouvernementomanes républicains l'ont aimé. La médiocrité chérit la règle; moi je la hais. Je me sens contre elle et contre toute restriction, corporation, caste, hiérarchie, niveau, troupeau, une exécration qui m'emplit l'âme, et c'est par ce côté-là peut-être que je comprends le martyre.
Flaubert, Correspondance,1853, p. 337. 3. Si l'on fait attention que la noblesse, après avoir perdu ses anciens droits politiques, et cessé, plus que cela ne s'était vu en aucun autre pays de l'Europe féodale, d'administrer et de conduire les habitants, avait néanmoins, non seulement conservé, mais beaucoup accru ses immunités pécuniaires et les avantages dont jouissaient individuellement ses membres; qu'en devenant une classe subordonnée elle était restée une classe privilégiée et fermée, de moins en moins, comme je l'ai dit d'ailleurs, une aristocratie, de plus en plus une caste, on ne s'étonnera plus que ses privilèges aient paru si inexplicables et si détestables aux Français, et qu'à sa vue l'envie démocratique se soit enflammée dans leur cœur à ce point qu'elle y brûle encore.
Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution,1856, p. 312. − Ensemble d'individus unis par les mêmes intérêts, la même profession, la même origine, le même sexe, etc. Une drôle de caste que celle des gens de goût (Flaubert, Correspondance,1852, p. 53).La caste médicale (Flaubert, Correspondance,1877, p. 13).La caste des gens du monde (Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 571).Les écrivains (...) de même caste (Cocteau, Poésie critique 2,Monologues, 1960, p. 40).La famille est un bien, la famille caste est un mal (Leroux, De l'Humanité,t. 1, 1840, p. 178): 4. ... quand la protection masculine ne s'étend plus sur elle, la femme est désarmée en face d'une caste supérieure qui se montre agressive, ricanante ou hostile.
S. de Beauvoir, Le Deuxième sexe,1949, p. 189. SYNT. Régime, système de(s) castes; caste aristocratique, militaire, noble, sacerdotale, supérieure; esprit, orgueil, préjugés de caste. B.− P. anal., ENTOMOL. [Dans certaines sociétés d'abeilles, fourmis, termites] Groupe d'individus spécialisés dans une fonction (reine, ouvrière, soldat, etc.). Rem. Attesté ds Lar. encyclop., Quillet 1965, Séguy 1967, Husson 1970, Quillet Suppl. 1971. Prononc. et Orth. : [kast]. Ds Ac. 1740-1932. Étymol. et Hist. [1615 caste « race » (F. Pyrard, Voyage, II, p. 60 ds Arv., p. 168) sens éphémère]; 1659 « classe de la société hindoue » (A. de Wicquefort, Voyage de J. A. de Mandelslo aux Indes orientales, trad. de l'all., II, p. 205, ibid., p. 169 : Castes de Benjans [en it. ds le texte]); av. 1667 (J. Thevenot, Troisième partie des voyages, p. 38, ibid. : caste ou tribut [sic]); d'où 1789 « classe sociale » en gén. (Siéyès, Qu'est-ce que le Tiers-État? p. 29). Empr., de même que les corresp. des autres lang. européennes, au port. casta « race » (d'abord en parlant d'animaux, dep. xves. d'apr. Mach.), puis « classe de la société hindoue » (dep. 1516, Barbosa ds Dalg.), d'orig. controversée. L'hyp. d'une substantivation de l'adj. casta « chaste », fém. de casto, du lat. castus « id. » (FEW t. 2, 1, p. 479a; Bl.-W.5; REW3no1751) ne rend pas compte du sens apparu d'abord en port. et dans les autres lang. ibér. (cat. casta « race » au xves. ds Alc.-Moll., esp. casta « race » et « procréation, reproduction » dep. début xves. ds Al. et Cor.). Se fondant sur ce sens originel des lang. ibér., Cor., suivi par EWFS2, propose comme étymon un got. *Kasts, corresp. à l'a. nord. kǫstr. « tas; tas de bois » se rattachant au verbe a. nord. kasta (Falk-Torp, s.v. Kaste, De Vries Anord., s.v. kasta et kǫstr) d'où l'angl. to cast « jeter » et le subst. verbal cast « action de jeter » et « ce que l'on jette » attesté en m. angl. 1450 dans le syntagme caste of hawkys « couple, groupe de faucons que l'on lance ensemble sur la proie ». Fréq. abs. littér. : 571. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 956, b) 849; xxes. : a) 932, b) 595. Bbg. Arv. 1963, pp. 168-170. − Boulan 1934, p. 58. |