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CAS1, subst. masc.
I.− Emplois gén.
A.− Ce qui arrive ou est supposé arriver.
1. Événement particulier lié à des conditions bien déterminées. Prévoir le cas, cas particulier(s), dans le premier cas, le cas échéant :
1. ... sans méconnaître tout ce qui ressortit dans le cas actuel au magistère purement doctrinal de l'Église, et à son pouvoir direct sur le spirituel, nous avons préféré porter notre attention sur le point le plus aigu du débat, ... Maritain, Primauté du spirituel,1927, p. 4.
Un grand cas (vx). Un événement considérable.
SYNT. a) Cas + adj. Cas exceptionnel(s), extrême(s), fréquent(s); cas général, rare(s), simple(s); cas type/typique. Cas + de + subst. Un cas de guerre, de divorce (événement, fait pouvant entraîner la guerre, le divorce); cas d'espèce; un certain/grand/petit nombre de cas. b) Verbe + cas. Citer, prendre un cas. c) Prép. + cas. Auquel cas; dans le cas qui nous occupe; dans la majorité des cas. Prép. + cas + adj. Dans le cas contraire, dans ce/le dernier cas, dans/en de nombreux cas; en (de) pareil(s) cas, dans un/des cas pareil(s); dans le(s) cas précédent(s), dans le cas présent, dans le second/deuxième cas. Prép. + cas + de + subst. Dans un/des cas de ce genre. Dans le cas de tend à ne devenir, dans le vocab. de l'expr. sc., qu'un outil syntaxique (cf. A. Phal, Vocab. gén. d'orientation sc., Paris, Didier, 1971, pp. 30-31 et 94).
Locutions
a) Loc. adv.
En aucun cas (dans une prop. négative). Quoi qu'il arrive :
2. Né d'une cause finale, l'univers est nécessairement imprégné de finalité, c'est-à-dire que l'on ne saurait en aucun cas y dissocier l'explication des êtres de la considération de leur raison d'être. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,1931, p. 108.
En/dans ce cas. S'il en est ainsi :
3. Et qui diable aurait tué ce gamin, d'abord? Supposons que ce soit un maraudeur, un chemineau, la route est à tout le monde, pas vrai? En ce cas, on pourrait dire que l'affaire ne regarde pas la commune. Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1401.
En tout (tous) cas, en tous les cas, dans tous les cas. Quelle que soit la chose qui arrive, de toute manière :
4. Il est en tout cas intéressant de constater que, dans certains cas au moins, les ouvriers ont le sentiment non d'une qualification moindre, mais d'une qualification supérieure. Traité de sociol.,1967, p. 451.
Par cas (région.). Par hasard. Si, par cas, il vient, tu lui diras de m'attendre (Canada1930).
b) Loc. prép.
Vx, fam. En fait, en matière de. En cas de chevaux, vous pouvez vous en rapporter à lui (Ac.1835, 1878).
[Avec valeur hypothétique] En cas de besoin, de guerre, d'urgence :
5. ... je restais tout près des gens, à la surface de la solitude, bien résolu en cas d'alerte, à me réfugier au milieu d'eux : ... Sartre, La Nausée,1938, p. 22.
c) Loc. conj.
En cas que, au cas que (avec le cond. ou le subj., vieilli ou littér.), au cas où, dans le cas où, pour le cas où (avec le cond., l'ind. ou le subj.). À supposer que, s'il arrivait que :
6. ... en m'introduisant dans ma chambre la « Mädchen » m'a remis (...) un trousseau de clefs : armoire à glace, (...) porte cochère enfin, en cas qu'il me plaise de rentrer après quatre heures du matin. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 300.
Proverbe. Au cas que Lucas n'eût qu'un œil, sa femme aurait épousé un borgne (se dit pour se moquer d'un homme qui prévoit trop d'accidents, qui exige trop de conditions) (cf. Littré).
Région. En tout cas que. Au cas où. Fais donc un gâteau en tout cas qu'ils viendraient (Canada1930).Par cas que. Même sens : Au cas où. Je vais rester à la maison, par cas qu'il viendrait (Canada 1930).
P. ell., fam. Cf. aussi en-cas, subst. :
7. ... on leur indiqua [aux représentants] une sortie par les jardins, en cas. Hugo, Histoire d'un crime,1877, p. 173.
Dans tous les cas où (avec l'ind.). Chaque fois que :
8. Le comité est obligatoirement consulté dans les cas prévus au présent traité. Il peut être consulté dans tous les cas la commission le juge opportun. Traité instituant la communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM),1957, p. 357.
2. Circonstance favorable. C'est le cas de (suivi de l'inf.). C'est le moment, l'occasion pour. C'est le cas ou jamais (de). C'est l'unique moment opportun (pour). Fam. C'est (bien) le cas de le dire. Souligne un jeu de mots, l'opportunité d'une déclaration, d'une affirmation :
9. Le docteur qui les avait écoutés eut l'idée que c'était le cas de dire : se non è vero, mais il n'était pas assez sûr des mots et craignit de s'embrouiller. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 261.
3. P. euphém., trivial, vieilli
a) Déjection, excrément. Il a fait son cas au pied d'un mur (Ac.1835, 1878).
b) P. méton. Derrière; parties sexuelles. Montrer son cas (DG) :
10. ... il [le diable] donnait à mâcher ces dégoûtantes espèces aux fidèles qui lui avaient préalablement baisé la main gauche, le cas et le croupion. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 149.
B.− Situation résultant d'un concours particulier de circonstances.
1. [En parlant d'une pers.] Expliquer, exposer son cas; cas embarrassant :
11. ... Girodet a eu beaucoup d'ouvrages commandés et qu'il n'a pas voulu exécuter, parce que l'état de sa fortune le mettait dans le cas de n'accepter que les travaux qu'il lui plaisait de faire, ... Delécluze, Journal,1828, p. 61.
Fam. Être dans le cas de (suivi de l'inf.). Avoir l'occasion de. Je suis rarement dans le cas de me trouver avec lui (Ac.1835-1932) :
12. [Bélisaire :] (...) je pensai à notre pauvre baraque. Les Prussiens, pour se venger, étaient dans le cas d'y mettre le feu, quand ils retrouveraient leur camarade... A. Daudet, Contes du lundi,1873, p. 87.
Cas social. Situation critique d'une personne que la société doit, pour un temps plus ou moins long, prendre en charge (d'apr. Giraud-Pamart 1971). P. méton. Cette personne même.
2. [En parlant de la situation elle-même] Cas limite. Situation plus ou moins critique au-delà de laquelle les problèmes peuvent ou doivent changer de nature.
SYNT. Le plus souvent les mêmes que sous A 1.
C.− P. méton. Considération qui s'attache à un événement particulier ou à une personne particulière.
Loc. Faire (grand) cas de (qqn, qqc.). L'estimer comme une personne ou chose (très) importante; l'apprécier (beaucoup). Faire peu de cas, ne faire aucun cas de (qqn, qqc.). N'(y) attacher que peu d'importance :
13. ... voilà le conseil d'une mère de famille, et je suis sûre d'avance que vous n'en ferez pas plus cas que de votre première dent de lait. Bernanos, La Joie,1929, p. 617.
Fam. ou région. Faire de/du cas de (qqn, qqc.). Faire cas de, s'occuper de (quelqu'un, quelque chose) (cf. Canada 1930).
II.− Emplois techn. [En parlant d'une situation partic.]
1. DR. Situation particulière prévue ou non par la loi, crime, délit. Cas de galères (faute pouvant entraîner la peine des galères), cas de lèse-majesté, cas pendable (faute dont l'auteur est passible de pendaison) :
14. − Si elle arrivait à se détacher de cet individu, avoue que ce serait un beau débarras. On trouvera toujours un cas d'annulation; et avec sa fortune, Janine fera un mariage superbe. Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 285.
Cas fortuit. ,,Événement dû au hasard qui est exclusif de toute faute du débiteur ou de l'auteur apparent du dommage`` (Cap. 1936). Synon. cas de force majeure.Cas rédhibitoires. ,,Cas dans lesquels le vendeur ou le bailleur a livré un objet qui a des vices rédhibitoires, dont la découverte permet à l'acheteur ou au preneur de rompre le contrat`` (Bach.-Dez. 1882).
Fam. (et p. iron.). Cas pendable. ,,Acte indigne de pardon`` (Ac. 1878, 1932). Son cas va mal, son cas est mauvais, sale, véreux, son cas n'est pas net. ,,Se dit en parlant de quelqu'un qui est en danger pour quelque crime, pour quelque mauvaise affaire`` (Ac. 1835-1932). Il sent son cas véreux. ,,Il connaît lui-même que son affaire est mauvaise, il sent qu'il a quelque chose à se reprocher`` (Ac. 1878). Se mettre dans un mauvais cas. Encourir une sanction pénale pour fait délictueux; se mettre dans une situation délicate :
15. ... il [Monferrand] est homme à se faire sa part; seulement je serais très surpris s'il s'était mis dans un mauvais cas. Il est incapable d'une faute, surtout d'une faute bête, comme celle de toucher de l'argent, en en laissant traîner le reçu. Zola, Paris,t. 1, 1898, p. 62.
Proverbes. Cas sur cas n'a point de lieu. ,,Quand une chose est saisie pour une cause, on ne peut la saisir pour une autre cause, jusqu'à ce qu'il ait été jugé et décidé de la première saisie`` (Guérin 1892). Tous/tout mauvais/vilain(s) cas est/sont (re)niable(s). On nie souvent, par honte ou par crainte du châtiment, les fautes qu'on a commises (cf. Rob.).
2. MATH. Cas irréductible (alg.). ,,[Cas] où les trois racines d'une équation du troisième degré sont réelles et inégales`` (Bouillet 1859). Cas d'égalité, de similitude des triangles. Les propositions (...) connues sous le nom de cas d'égalité des triangles, de cas de similitude des triangles expriment des conditions nécessaires et suffisantes pour que deux triangles soient égaux ou semblables (d'apr. J. Hadamard, Géom. plane, 1898, p. 16, 114).
3. MÉD. Maladie considérée dans la personne qui en est atteinte. Cas bénin, grave; cas d'aliénation mentale, d'aphasie amnésique :
16. Quant à l'enfant, il fut transporté à l'hôpital auxiliaire, (...). Au bout d'une vingtaine d'heures, Rieux jugea son cas désespéré. Le petit corps se laissait dévorer par l'infection, sans une réaction. Camus, La Peste,1947, p. 1390.
SYNT. Cas de choléra, de tuberculose; cas pathologique, rare.
P. méton.
a) Le malade lui-même :
17. ... sœur Hyacinthe entama les cures immédiates et radicales de phtisie (...) qu'elle [la sainte Vierge] guérissait (...) Cent cas, plus extraordinaires les uns que les autres, se pressaient, débordaient. Marguerite Coupel, phtisique depuis trois ans, le sommet des poumons mangés (...) se lève et s'en va, éclatante de santé. Zola, Lourdes,1894, p. 82.
b) Personne qui se fait remarquer par son caractère, sa conduite :
18. Ce n'est que la réflexion individuelle qui amène plusieurs d'entre nous (...) à la négation suprême. Baudelaire est un des cas les plus réussis de ce travail particulier. Il peut être donné comme l'exemplaire achevé d'un pessimiste parisien, ... P. Bourget, Essais de psychol. contemp.,1883, p. 11.
Fam., péj., iron. [En parlant d'une pers. quelque peu singulière] C'est un cas. Cette personne pose des problèmes particuliers.
4. PÉDAG. Méthode des cas. Méthode qui consiste à partir de l',,étude de cas concrets pour dégager des enseignements généraux`` (Romeuf t. 1 1956). Quelles qu'en soient les modalités, la méthode des cas devrait être systématiquement équilibrée par un enseignement théorique et expérimental actif qui, bien que lui étant apparenté pédagogiquement, développerait une démarche foncièrement complémentaire (Encyclopædia universalis, Paris, t. 3, 1969).
5. RELIGION
a) Cas de conscience. Difficulté qui s'élève dans une circonstance particulière sur ce que la morale, la religion commande à la conscience du fidèle; débat de conscience qui en résulte. Un cas de conscience fort difficile à résoudre (Ac.). Beaucoup voient en ma modeste personne un écrivain dressé aux disciplines de l'intelligence, attentif, méfiant par nature et vocation, familier jusqu'au désenchantement des cas de conscience les plus délicats... (Bernanos, L'Imposture,1927, p. 350).P. ext., lang. cour. ou fam. Scrupule. Je me ferais un cas de conscience de vous tromper (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.).
b) Cas réservés. Péchés graves dont l'absolution requiert l'intervention du souverain pontife, d'un évêque ou d'un prêtre délégué :
19. Ce tribunal [la Pénitencerie] est présidé par le Grand-Pénitencier (...) Aux fêtes solennelles, le Grand-Pénitencier va dans une des basiliques de Rome, pour y entendre la confession des cas réservés. Stendhal, Rome, Naples et Florence,t. 2, 1817, pp. 372-373.
Prononc. et Orth. : [kɑ]. Pour le timbre de [ɑ] cf. la finale -as; cf. aussi Buben 1935, § 11 et G. Straka, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 21. Passy 1914 donne la possibilité de prononcer [a] ant. Dub. réserve [a] ant. au terme de gramm. (cas2). Ds Ac. 1694-1932. Un en-cas écrit sans trait d'union (en cas) ds Ac. 1798-1835 ainsi que ds Besch. 1845 et Lar. 19e; à ce sujet cf. Littré : ,,L'Académie a tort de ne pas mettre un trait d'union à en cas pris substantivement``. En-cas avec trait d'union ds Ac. 1878 et 1932 ainsi que ds le reste des dict. gén. Littré observe que : ,,Rousseau écrit en tous cas au pluriel``. La graph. la plus cour. étant en tout cas. Homon. k (lettre de l'alph.). Étymol. et Hist. A. Ca 1220 quas « circonstance » (G. de Coincy, Mir. N-D 189, éd. V.F. Koenig, t. 4, p. 38); av. 1404 en tout cas loc. adv. « de toutes façons, quoi qu'il arrive » (Froissart, II, II, 4 ds Littré); 1545 en aucun cas « en aucune façon » (Du Fail, Propos rustiques, p. 28 ds IGLF Litt.); 1. 1300 par cas « par hasard » (N. Bozon, Proverbes, éd. A. Ch. Thorn, 55, 8); 2. a) 1353 ou calz que « s'il arrivait que » (R. II, 143, 6 ds Morlet, p. 358); av. 1404 au cas que (Froissart, I, I, 151 ds Littré); 1354 en cas que (ds Du Cange t. 1, p. 499 a); d'apr. Bouhours, Rem. sur la lang. fr., Paris, 1676, p. 344 on dit aussi bien au cas que que en cas que, mais avec un subst. on dit toujours en cas de; 1890 au cas où (DG); en-cas* subst.; b) 1531 en partic. « malheur, accident funeste » (Pierre-fleur, Mém., éd. L. Junod, Lausanne, 1933, p. 49) − 1759, Rich. d'apr. FEW t. 2, p. 480 b; cf. 1549 cas de malheur (Est.). B. [Ca 1261 cas « affaire, besogne » (Rutebeuf, Mir. Théophile, éd. E. Faral, 578); 1539 grand cas « événement important » (Marot, Epigr., 4 ds Hug.) − 1771, Trév.]; 1537 faire cas de « donner de l'importance à » (B. de Castillon, Courtisan, trad. J. Colin, 30 − J. Longis et V. Certenas − ds Quem. Fichier); 1585 faire peu de cas de (Du Fail, Contes d'Eutrapel, t. 2, p. 60 ds IGLF); av. 1544 désigne le sexe (Marot ds A. Delvau, Dict. érotique mod., Bâle, s.d., p. 83). C. 1. Spéc. dr. 2equart xiiies. cas « affaire, délit » (Gerbert de Montreuil, Perceval, éd. M. Williams, 9934); le sens de « crime » est attesté jusqu'en 1694 (Ac.); a) « délits justiciables devant certaines juridictions » 1549 cas privilégié (Est.); 1611 cas royaux (Cotgr.); b) 1606 relig. cas de conscience (Régnier, Sat. VIII, 2); 1835 lang. cour. « scrupule » (Ac.); 2. av. 1778 méd. (J.-J. Rouss. ds Lar. 19e: cas de dyssenterie); 3. 1883 « pers. qui se singularise » supra ex. 18. Empr. au lat. class. casus, part. passé substantivé de cadere « tomber », proprement « chute », d'où « arrivée fortuite; circonstance, hasard », spéc. « accident fâcheux, malheur ». Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 11, 209, 448. − Perrot (Gal). Vocab. milit. Banque Mots. 1972, no4, p. 207. − Rog. 1965, p. 134, 135.