| CARNAGE, subst. masc. Action de tuer, de mettre en pièces (d'une manière violente et sanglante) une grande quantité d'animaux ou d'hommes; résultat de cette action. Horrible carnage; champ(s), scène(s) de carnage : 1. Ce serait lui [au roi] enlever ses prérogatives, que de le mettre dans l'heureuse impuissance de souiller son règne d'exactions, de rapines, de violences, de sang, de meurtres, de carnage; en un mot, de le mettre dans l'heureuse nécessité d'être sage, juste, bon...
Marat, Les Pamphlets,Supplément de l'Offrande à la Patrie, 1789, p. 68. 2. Mais, boucher maladroit, n'ayant d'ailleurs que le petit couteau, il se perdit dans cette chair toute chaude, encore palpitante de vie. Et Lapoulle, impatient, s'étant mis à l'aider en ouvrant le ventre, sans nécessité aucune, le carnage devint abominable. Une hâte féroce dans le sang et les entrailles répandues, des loups qui fouillaient à pleins crocs la carcasse d'une proie.
Zola, La Débâcle,1892, p. 452. PARAD. (Quasi-) synon. boucherie, hécatombe, massacre, tuerie. − P. anal. : 3. ... « Que cette guerre t'ouvre au moins les yeux, imbécile, voir le monde tel qu'il est. L'univers : un ensemble de forces aveugles, qui s'équilibrent par la destruction des moins résistants. La nature : un champ de carnage où s'entre-dévorent les êtres, les races, opposés par leurs instincts. (...) »
R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 958. − P. métaph. Destruction brutale. Un carnage de toutes leurs pensées de ferveur et de paix (Huysmans, Les Sœurs Vatard, 1879, p. 231); devenir le théâtre de la bataille interminable des systèmes (...) se repaître du carnage des idées (M. Blondel, L'Action,1893, p. 4). PARAD. (Quasi-) synon. dévastation, extermination, gâchis, ravage, ruine, saccage. Prononc. et Orth. : [kaʀna:ʒ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xiies. prendre charnage « (du Christ) prendre chair » (Horn, 317 ds T.-L.); 1546 carnage « chair (que mangent les bêtes sauvages) » (Rabelais, Tiers Livre, XXIV, éd. Marty-Laveaux, p. 74); 2. 1200-1226 pic. carnage « temps de l'année où il est permis de manger de la viande (par opposition au carême) » (Reclus de Molliens, Miserere, 217, 8 ds T.-L.); ca 1223 charnage (G. de Coincy, Miracles, 323, 12, ibid.); 3. mil. xiiies. [date du ms. Bibl. vaticane, Regina 1441] charnaige « massacre, tuerie » (Auberi le bourguignon, éd. Tobler, 85, 20, ibid.); 1564 carnage (J. Thierry, Dict. fr.-lat., Paris). Carnage, prob. forme normanno-picarde de charnage, dér. de l'a. fr. char (chair*), cf. norm. carnage « charogne » (Delbouille), pic. id. « temps où l'on mange de la viande » (Corblet); 3 a peut-être au xvies., été influencé par le prov. carnatge, attesté au même sens au xiiies. (Peire Cardinal ds Rayn.) et non par l'ital. carnaggio, attesté très tardivement (xviiie-xixes. ds Batt.) en ce sens. Fréq. abs. littér. : 389. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 782, b) 674; xxes. : a) 402, b) 382. Bbg. Kohlm. 1901, p. 16. − Wind 1928, p. 67, 133. |