| CARILLON, subst. masc. A.− 1. Dispositif (dans les clochers d'églises ou dans les tours d'hôtels de ville) qui permet de faire résonner alternativement plusieurs cloches formant harmonie entre elles : 1. Il n'y a pas de grande ville belge où un carillon, juché dans le beffroi, ne vienne tous les quarts d'heure amuser l'artisan à son établi, ... par les étranges harmonies de ses sonorités métalliques.
Taine, Philos. de l'art,t. 1, 1865, p. 261. 2. P. méton. a) Battement de cloches à coups précipités, avec une sorte de mesure et d'accord. Sonner le carillon. Sonner à double carillon (Ac. 1835-1932). Les cloches de la paroisse de* sonnèrent en carillon (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 1, 1811, p. 249). b) Sonnerie de cloches de carillon (vive et gaie); air exécuté sur ces cloches : 2. ... un ravissant carillon est venu à mon secours, un carillon fin, léger, cristallin, fantastique, aérien, qui a éclaté brusquement dans cette nuit noire, nous annonçant la Belgique, cette terre des étincelantes sonneries, et prodiguant sans fin son babillage moqueur, ironique et spirituel.
Hugo, Le Rhin,1842, p. 47. − P. compar. Le gai carillon des campanelles des harnais des chevaux (T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 9). − P. métaph. J'ai entendu en moi-même un grand carillon joyeux (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 451): 3. ... elle [Nana] avait pris à deux mains son épaisse chevelure blonde, et elle la secouait au-dessus de la cuvette d'argent, pendant qu'une grêle de longues épingles tombaient, sonnant un carillon sur le métal clair.
Zola, Nana,1880, p. 1375. c)
Œuvre musicale tirant son caractère d'une imitation plus ou moins stylisée d'un carillon véritable. Écrire des carillons (E. Guiraud, H. Busser, Traité pratique d'instrumentation,1933, p. 96). 3. P. métaph. ou au fig. a) Bruit, son qui se répète ou qui s'égrène à la façon d'un carillon. La première voiture de laitier secoua au dehors un carillon de verrerie (Colette, Chéri,1920, p. 223). b) Fam. Tapage, vacarme. Faire du carillon : 4. Entends-tu le carillon qu'ils font? Paf, les portes! Clip-clap, les assiettes, les plats, les fourchettes, les bouteilles! Il me semble que j'entends chanter.
Musset, Le Chandelier,1840, II, 2, p. 51. ♦ Faire du carillon et du scandale (Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 217). c) Ce qui sert à annoncer quelque chose à grand bruit. On mit en branle le carillon de la publicité (Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 57). d) Jaillissement : 5. ... il [M. Tadéma] a aussi une note singulière, (...) jetant dans la pâle et tendre assonance de ses teintes des carillons de magnifique rouge, ...
Huysmans, L'Art mod.,1883, p. 210. B.− P. anal. 1. HORLOG. Ensemble de cloches ou de timbres d'horloge ou de pendule, accordés, sur lesquels frappent des marteaux pour jouer un air musical; horloge ainsi conçue : 6. ... j'(...) ai vu fonctionner le carillon, qui a trente-six cloches et cinquante-deux marteaux. Figurez-vous un énorme rouleau d'orgue de Barbarie, mis en jeu par le mécanisme de l'horloge, et dont les pointes, heurtant les touches d'un clavier de fer, soulèvent et font retomber le marteau qui doit frapper les cloches.
Du Camp, En Hollande,1859, p. 177. − P. méton. Air sonné par une horloge ou une pendule à certains intervalles. Horloge, pendule, montre à carillon (Ac. 1835-1932). Le carillon de la Samaritaine (cf. Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 5, 1814, p. 133). L'horloge du château sonnait sept heures avec carillon de musique à la mode des Flandres (G. Sand, Les Beaux Messieurs de Bois-Doré,t. 1, 1858, p. 70). 2. MUS. Instrument de musique composé de lames d'acier ou d'une série de tubes que l'on frappe avec un marteau ou avec la main (cf. A. Lavignac, La Mus. et les musiciens, 1895, p. 180). 3. Sonnette d'appel à la porte de quelqu'un (modulant un petit air de musique); sonnerie. Il ébranla, d'un coup furieux, le lourd gland de soie rouge. Un carillon retentit, s'apaisa par degrés (Flaubert, L'Éducation sentimentale,1869, p. 81). Rem. Les dict. (Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e-20e, Littré, DG, Guérin 1892, Quillet 1965) attestent le syntagme (fer de) carillon « tige de fer carrée » (cf. F. Fillon, Le Serrurier, 1942, p. 29 et Barb.-Cad. 1971), où se conserve le sens anc. du mot (cf. étymol.). Prononc. et Orth. : [kaʀijɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1762 sous la forme carrillon; ds Ac. 1798-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. 1190 quaregnon « parchemin plié en quatre » (Roman d'Alexandre, 416, 29 ds T.-L.); ca 1218-1240 en quarrillon « en carré » (Gaydon, éd. F. Guessard et S. Luce, 287, ibid.); ne subsiste que dans le syntagme fer de carillon attesté dep. Félibien Dict. 1676; 2. 1178 soner a carenon « sonner en carillon [de quatre cloches] » (Renart, 3341 ds T.-L.); 1345 quarrellon « sonnerie de quatre cloches » (Arch. hospit. de Paris, II, 154 ds Gdf. Compl.); 1657 p. ext. « tintement » (Cyrano de Bergerac, L'autre monde, p. 138 ds IGLF Litt.); 1718 faire carillon « faire du tapage » (Le Roux, p. 93). Du lat. vulg. *quadrinionem, altération, d'apr. les mots commençant par quadri-, du b. lat. quaternio attesté dans la Vulgate pour désigner un groupe de quatre soldats puis au ves. un cahier de quatre feuillets (cf. Blaise); de là un ensemble en forme de carré ou formé de quatre objets. Fréq. abs. littér. : 213. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 209, b) 388; xxes. : a) 487, b) 225. |