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CANNIBALE, subst.
A.−
1. Vx. Anthropophage des Caraïbes :
1. Les Caraio ou Caraïbes avaient coutume de manger leurs ennemis mâles; c'est de leur nom que vient le mot cannibale. A.-C. Haddon, Les Races hum.,1930, p. 261.
Emploi adj. :
2. ... s'ils s'étaient initiés, par le plus léger contact, avec ces merveilles de la cave et de l'office, on pourrait croire à leur bonne foi et plaindre leur goût, les supposer insensibles à la délicatesse de la cuisine française par suite d'un appétit immodéré de beefstack humains, et les renvoyer à leurs véritables amphytrions, les rois cannibales de la mer du Sud. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 222.
Qui appartient, qui est propre aux cannibales :
3. − J'aime l'étude et les curiosités de mœurs et de coutumes, et les livres de voyages, et le diable habillé en cent façons depuis la mode cannibale, un peu nue, jusqu'à l'italienne, sans m'inquiéter s'il est diable ou non, mais seulement s'il est plaisant. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 414.
2. P. ext., usuel. Anthropophage (sans distinction d'origine) :
4. − Vous parlez des Maoris, monsieur Paganel? demanda John Mangles. − Oui, mon ami. Leur réputation est faite dans l'océan Indien. Il ne s'agit pas ici d'Australiens timides ou abrutis, mais bien d'une race intelligente et sanguinaire, de cannibales friands de chair humaine, d'anthropophages dont il ne faut attendre aucune pitié. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, p. 27.
P. métaph. :
5. émilie [à Bernard] : − ... Écoutez : le mieux serait que je parte la première. Vous attendrez que la vieille vous laisse le champ libre, ce qui ne tardera pas, car l'heure du dîner approche et elle a un appétit de cannibale. Dès qu'elle aura disparu, vous filerez par la plage... Mauriac, Passage du Malin,1948, I, 1, p. 50.
Emploi adj. Race, peuple cannibale :
6. Il [M. Comte] s'imagine que l'humanité a bien réellement traversé les trois états du fétichisme, du polythéisme, du monothéisme, que les premiers hommes furent cannibales, comme les sauvages, etc. Or, cela est inadmissible. Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 151.
P. anal. :
7. Lorsque les abeilles emportent le corps de leur vieille reine, lorsque les fourmis et les termites le dévorent − et ceci se produit même chez les fourmis non cannibales comme le messor et l'acromyrmex, − c'est la perception des tissus gras et des glandes abdominales qui provoque les réactions des insectes, ... J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 2.
B.− Au fig., adj. Qui est d'une nature cruelle, sauvage; qui a quelque chose d'inhumain :
8. Oh! combien l'homme est dur!... Dans ses amusements pervers et cannibales, Il n'omettra jamais fusil, poudre ni balles. A. Pommier, Colifichets,1860, p. 195.
Emploi subst. :
9. Il est vrai que les salons de Paris, toujours les meilleurs alliés des ennemis, n'eussent pas manqué de me dire un tigre, un cannibale; n'importe, je le devais aux Français qui m'avaient chargé de les protéger et de les défendre. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 2, 1823, p. 245.
Rem. On rencontre ds la docum. les dér. a) Cannibalesque, adj. D'une grande cruauté. La véritable cruauté, et féroce et cannibalesque, consiste à encourager les coquins à coquiner, par des sanctions lentes (L. Daudet, Sylla et son destin, 1922, p. 206). b) Cannibalique, adj., psychanal. Stade, période cannibalique. ,,Seconde phase du stade oral, correspondant à la période dentée de la vie du nourrisson qui aurait tendance, non seulement à sucer, mais à dévorer le sein`` (Sexol. 1970; cf. M. Choisy, Qu'est-ce que la psychanalyse? 1950, p. 156).
Prononc. et Orth. : [kanibal]. Transcrit avec [nn] double ds Land. 1834, Littré et DG. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1515 canibale « individu des peuplades anthropophages des Antilles » (M. du Redouer, S'ensuyt le Nouueau monde et nauigations, ff. 54 vo-55 ro[trad. de l'ital.] ds Arv., p. 143); d'où 1532 « anthropophage » en gén. (Rabelais, Pantagruel, chap. XII, éd. Marty-Laveaux, p. 276); 1558 cannibale (A. Thevet, Les Singularitez de la France antarctique autrement nommee Amerique, f. 62a ds König, p. 49). Empr., par l'intermédiaire de textes ital. et lat.(la source de Rabelais dans ce passage est le De Orbe Novo de P. Martyr d'Anghiera, v. Arv., pp. 142-146), à l'esp. caníbal « id. », attesté dep. 1492 (Colomb d'apr. Fried., s.v. caribe; v. König, pp. 48-49 et R. Loewe ds Z. vergl. Sprachforsch., t. 61, pp. 37-48) et empr. à l'arawak caniba qui désigne les Caraïbes antillais. V. aussi FEW t. 20, p. 61. Fréq. abs. littér. : 117. Bbg. Arv. 1963, pp. 142-146. − Pamart (P.). Écriture artiste et créations verbales. Qq. glanures à travers le j. des Goncourt. Vie Lang. 1970, p. 306 (s.v. cannibalesque).Rupp. 1915, p. 77. − Taylor (D.). Carib, Caliban, Cannibal. International journal of American linguistics. 1958, t. 24, pp. 156-157. − Sain. Sources t. 3 1972 [1930], p. 350.