| * Dans l'article "CANARD,, subst. masc. et adj." CANARD, subst. masc. et adj. A.− Oiseau aquatique palmipède de la famille des Anatidés, à large bec jaune, aux pattes courtes et aux ailes longues et pointues, dont la chair comestible est recherchée. Canard musqué, canard de Barbarie (Littré), canard au sang, à l'orange; le canard nage, barbote, nasille, se dandine (cf. Lar. encyclop.) : 1. Quand passent les canards sauvages à l'époque des migrations, ils provoquent de curieuses marées sur les territoires qu'ils dominent. Les canards domestiques, comme attirés par le grand vol triangulaire, amorcent un bond inhabile. L'appel sauvage a réveillé en eux je ne sais quel vestige sauvage.
Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 249. SYNT. Des compagnies de canards (Gide, Le Retour du Tchad, 1928, p. 876); canard rôti aux navets (H. Bazin, Vipère au poing, 1948, p. 150); des aiguillettes de canard sauvage (Zola, La Curée, 1872, p. 341). − Emploi adj. [En parlant d'obj. ou d'animaux] 1. [P. réf. à la couleur] Ses gants jaune canard (J. Rivière, Correspondance [avec Alain-Fournier], 1906, p. 255); elle [la limousine] était mi-partie gris perle et bleu canard (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 25). 2. [P. réf. au comportement du canard et partic. à son amour de l'eau] ♦ Bois canard. Morceau de bois qui au cours du flottage va au fond de l'eau ou s'arrête sur les bords du cours d'eau. ♦ MAR. Bâtiment canard. Bâtiment qui tangue beaucoup et embarque des lames par l'avant. Une frégate, une corvette, une barque canarde (Ac. 1835, 1878). 3. [P. réf. à la chasse au canard] Chien canard. Chien à poil épais et frisé qu'on dresse pour la chasse au canard sauvage. Synon. barbet1*. Rem. Attesté ds Ac. 1798-1932. B.− P. anal. 1. [En parlant d'une pers.] a) [Avec certaines particularités physiques du canard] Un nez (...) en bec de canard (R. Rolland, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, p. 1132); ses cheveux (...) se redressaient sur la nuque en queue de canard (Gyp, Souvenirs d'une petite fille, 1927, p. 109); il marchait en canard, les pieds en dehors (Sartre, Le Sursis,1945, p. 159). b) [Avec le comportement gén. du canard] Loc. et expr. Mouillé (trempé) comme un canard (About, Le Nez d'un notaire,1862, p. 70).Plonger comme un canard (Ac. 1835-1932, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, DG). Plonger habilement et au fig. s'esquiver, échapper à un danger. Mon (petit) canard. Petit nom affectif souvent donné à un enfant : 2. Mon pauvre canard, dès que j'y pense, je tremble de tout mon corps. Je m'étais endormi sur l'herbe. Tu jouais au bord de la fontaine, tu as glissé, tu es tombé, tu criais, tu te débattais, et moi, misérable, je n'entendais rien.
Renard, Poil de Carotte,1894, p. 197. ♦ Être comme une poule qui a couvé des canards (cf. Abellio, Heureux les pacifiques, 1946, p. 279).Être surpris, déçu par quelqu'un que l'on croyait très bien connaître. ♦ Glisser comme l'eau sur les plumes d'un canard (cf. R. Rolland, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, p. 490).[En parlant d'injures] Laisser indifférent. ♦ Il n'a pas cassé trois pattes à un canard. ,,Il n'a pas inventé la poudre`` (Rob.). ♦ On se sert des canards privés pour prendre des canards sauvages. On se sert d'appâts : 3. Au centre est une table meublée d'habitués qui, le plus souvent, obtiennent un rabais et dînent à prix fixe. Ils connaissent par leur nom tous les garçons de salle, et ceux-ci leur indiquent en secret ce qu'il y a de plus frais et de plus nouveau; ils sont là comme un fonds de magasin, comme un centre autour duquel les groupes viennent se former, ou, pour mieux dire, comme les canards privés dont on se sert en Bretagne pour attirer les canards sauvages.
Brillat-Savarin, Physiol. du goût,1825, p. 286. ♦ Pas de pitié pour les canards boiteux! (P. Vialard, La Chasse aux hommes,Les Fins dernières, 1953, p. 127).On ne souffre pas d'exceptions. ♦ Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Il ne faut pas prendre les autres pour des sots sans expérience. 2. [En parlant d'inanimés abstr. ou concr.] a) Lang. cour. Il fait un froid de canard (Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 976).Il fait un temps propice à la chasse aux canards; il fait très froid. − Fam. Morceau de sucre que l'on trempe en général dans de l'alcool ou du café : 4. La bonne (...) versa le café. Madame Désableau se trempa un canard (...) fit fondre béatement le restant du morceau de sucre dans sa bouche.
Huysmans, En ménage,1881, p. 66. b) Lang. techn. − MÉD. [P. anal. avec la forme du bec du canard] Tasse à long bec permettant de donner à boire à un malade en position allongée. Elle lui tendit le « canard », le petit récipient à long col (J. de La Varende, La Tourmente,1948, p. 156). − MUS. [P. anal. avec le son discordant émis par le canard] Note manquée par un musicien. Synon. couac : 5. Ce vieillard soufflait au hasard, sans faire la moindre attention à la mesure ni à l'air (...) il ne se gênait pas pour faire ce que l'on nomme des canards en termes d'orchestre...
Balzac, Facino Cane,1836, p. 375. − TECHNOL. Pièce d'artifice qui se lance dans l'eau, plonge et en ressort. Rem. Sens attesté ds Littré, Guérin 1892, Lar. 19e-20e. C.− Fausse nouvelle souvent imaginée de toutes pièces et enflée jusqu'au mélodrame dans des journaux de seconde catégorie. Mme X. m'avait annoncé le mariage de Sabine, mais il paraît que c'est un canard (Mérimée, Lettres à la comtesse de Montijo,t. 2, 1870, p. 16): 6. De toutes les espèces de canards, la plus dangereuse pour les journaux de l'opposition, c'est le canard officiel. Quelque rusés que soient les journalistes, ils sont parfois les dupes, volontaires ou involontaires, de l'habileté de ceux d'entre eux qui, de la presse, ont passé, comme Claude Vignon, dans les hautes régions du pouvoir.
Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 310. − Arg. Mauvais journal; p. ext., journal quelconque : 7. Tous ces ouvriers communistes ou communisants dont je vous parlais, ils achètent volontiers en même temps que L'Huma un journal d'information, mais pas un autre canard politique.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 130. Prononc. et Orth. : [kana:ʀ]. Enq. : /kanaʀ/. Littré recommande de ne pas lier le d et au plur. de ne pas lier l's ,,bien que certains le lient``. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1199 « surnom d'homme » (Cart. de Montiéramey, p. 168, Lalore ds Gdf. Compl. : Hugo Canart); xiiies. quanart « oiseau palmipède (ds Gdf. Suppl. d'apr. DG); fin xives. id. (Gloss. gall.-lat., B.N. 1. 7684 ds Gdf. Compl.); 1487 canard (Vocab. lat. fr., Genève, Loys Garbin d'apr. FEW t. 2, 1, s.v. kan, p. 164b); av. 1696 mouillé comme un canard (Sév., 163 ds Littré); 2. a) 1834 p. anal. (Boiste : Canard [...] son rauque, hors du ton, produit par les instruments à anche); b) 1840 « morceau de sucre plongé dans le café, le rhum [trempé comme un canard] » (Carmouche, Vanderbuch, La Grisette romantique, XVIII ds Quem.); 3. a) 1584 bailler un canard à moitié « tromper quelqu'un » (François d'Ambroise, Les Neapolitaines, III, 12 ds Hug.); d'où b) ca 1750 « fausse nouvelle lancée par la presse pour abuser le public » (Pt Rob.); cf. 1839 (Balzac, Un grand homme de province à Paris [éd. Antoine Adam, Paris, Garnier, 1956] t. 2, pp. 395-396 ds St. néophilol., t. 36, p. 318); d'où c) 1842 « journal » (E. de La Bédollière, Les industriels, 222 ds Quem.). Prob. dér. du même rad. onomat. que l'a. fr. caner « caqueter » (1204, Reclus de Molliens, Charité, 21, 5 ds T.-L.), avec le suff. -art que l'on retrouve dans malard (ca 1200, Hervis, Richel. 1244, fo6dds Gdf.) la plus ancienne désignation du canard mâle; l'hyp. d'une dér. de cane* qui serait en ce cas issu du croisement entre l'a. fr. ane (1175, Chr. de Troyes, Cliges, 3854 ds T.-L., du lat. anas -atis) et le rad. de l'a. fr. caner (Marchot ds Romania, t. 47, 1921, pp. 217-221; DG; DIEZ3; REW3, no4671a; EWFS2) semble moins probable du point de vue chronologique. Fréq. abs. littér. : 807. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 951, b) 1 063; xxes. : a) 1 251, b) 1 297. DÉR. 1. Canardeau, subst. masc.Jeune canard. L'imprudence d'un canardeau (H. Bazin, Qui j'ose aimer,1956, p. 246).− [kanaʀdo]. − 1reattest. 1547 (Haudent, Apologues d'Esope, II, 138 ds Hug.) attest. isolée; repris au xixes. 1820 (Lav.); de canard* étymol. 1, suff. -eau*. 2. Canarderie, subst. fém.Lieu où l'on élève des canards. Quoi, plus de cochon en la porcherie! Plus de poules en le poulailler! Plus de canards en la canarderie! (F. Fabre, Le Chevrier,1867, p. 257).− [kanaʀdə
ʀi]. − 1reattest. 1800 (Boiste); de canard* étymol. 1, suff. -erie*. 3. Canardier, ière, adj. et subst.a) (Personne) qui chasse aux canards (cf. Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e-20e). b) Fam. ,,Personne qui invente, débite des canards`` (Lar. 19e-20e). c) Arg. mus. Qui fait des fausses notes, des couacs. Puisse-t-il retrouver des clarinettes moins canardières! (Willy, Notes sans portées,1896, p. 127).− 1reattest. 1838 (Ac. Compl. 1842); de canard* étymol. 1, suff. -ier*. BBG. − Darm. Vie 1932, p. 59. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 326. − Duch. 1967, § 41.4, 70.8. − Gottsch. Redens. 1930, p. 108. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 3, 17, 96. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 77. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 68. − Marchot (P.). Notes étymol. Romania. 1921, t. 47, pp. 217-221. − Mat. Louis-Philippe 1951, pp. 106-107. − Rigaud (A.). Canards et canardiers. Vie Lang. 1967, pp. 618-626. − Rog. 1965, p. 39. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 104. |