| CANAL, subst. masc. A.− Conduit d'écoulement de forme creuse et allongée, permettant le passage des liquides ou des gaz d'un endroit à un autre. 1. Voie naturelle par laquelle les éléments liquides ou gazeux cheminent à la surface ou à l'intérieur de la terre. Canal naturel, canal souterrain des eaux. Multitude de canaux où coulent les anciens gaves (Dusaulx, Voyage à Barège,t. 1, 1796, p. 102): 1. Derrière ces murailles en ruine, le rocher, creusé en lit de torrent par l'écoulement des eaux de source et des pluies, formait une sorte de canal naturel d'où la petite cascade pleuvait à petit bruit dans le ravin.
Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 410. 2. Conduit artificiel. Canal en planches, en pierre; canal cylindrique en plomb; canaux en bois nommés sluices (J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 457).Synon. conduite, tuyau, tube : 2. [Dans la chaudière Root]. Le nombre total de (...) canaux de communication est toujours double du nombre des tubes constituant un étage du faisceau tubulaire.
L. Ser, Traité de phys. industr.,t. 2, 1890, p. 84. 3. La vitesse de circulation de l'eau dans le tube de prise d'eau froide sera au maximum de (...). La pompe à eau chaude n'aura qu'à puiser l'eau dans un canal d'amenée de construction relativement simple.
V. Romanovsky, La Mer, source d'én.,1950, p. 38. a) ARCHIT. Canal de larmier. Partie évidée dans le plafond d'un larmier. Canal de volute. Sillon en spirale tracé sur les circonvolutions de la volute ionique; cavité droite ou torse dont on orne le chapiteau corinthien. b) ARMURERIE. Canal de baguette. Creux pratiqué pour loger la baguette d'un pistolet ou d'un fusil. Canal de fût. Creux pratiqué dans le fût du fusil pour recevoir le canon. Canal de lumière. Creux pratiqué pour conduire le jet de feu produit par l'amorce jusqu'à la charge. L'étoupille se place dans le canal de lumière qui traverse le mécanisme de la culasse (Capitaine Alvin, Leçons d'artill.,Matériel, 1908, p. 80). c) AUTOMOB. et MACHINES À VAPEUR. Canal d'admission, canal d'échappement, canal d'alimentation des gicleurs (Ch. Chapelain, Cours mod. de techn. automob., 1956, p. 100, 262); canal d'arrière de chaudière (L. Ser, Traité de phys. industr.,t. 2,1890, p. 92).Canal de vidange. Canal ayant pour objet de purger automatiquement la chambre de trop-plein (A. Herdner, Constr. et conduite des locomotives à vapeur, p. 139). d) RADIOTECHNIQUE et TÉLÉV. Voie ayant une largeur de bande déterminée et par laquelle l'information est transférée de l'unité centrale, vers les unités périphériques. En télév.Ensemble de deux ondes porteuses dont l'une véhicule le son et l'autre l'image (cf. la largeur des canaux vidéo transmis ds J.-J. Matras, Radiodiffusion et télév., 1958, p. 103). − P. anal. [Dans l'organisme animal ou végét.] Cavité, sillon se prolongeant en forme de conduit, et qui sert au passage des substances ou à la circulation des liquides. ♦ ANAT. Organes divers qui ont pour caractéristique essentielle une disposition en forme de conduit. Canal biliaire, cystique, digestif, de Bichat, rachidien; canal dentaire (Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 3, 1805, p. 88), canal vertébral (Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 1, 1805, p. 224), canal médullaire (G. Gérard, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 10), canal cholédoque et pancréatique (C. Bernard, Principes de méd. exp., 1878, p. 202). ♦ BOT. Canal médullaire des plantes, canal résinifère, canaux sécréteurs. Ouvrir ses verts canaux à l'ascension de la sève (Colette, Gigi,1944, p. 242): 4. ... ils [les élus] voient l'or se filtrer dans les entrailles de la terre; ils suivent la circulation de la sève dans les canaux des plantes; et l'hysope et le cèdre ne peuvent dérober à l'œil du saint, la navette qui croise la trame de leurs feuilles, et le tissu de leur écorce.
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 175. − P. métaph. Le canal de la sensibilité, de l'affection, de la piété (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 169): 5. Il y a mille canaux par lesquels la beauté de notre âme peut monter jusqu'à notre pensée. Il y a surtout le canal admirable et central de l'amour.
Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 271. − Loc. fig. Par le canal de. Par l'intermédiaire de tel agent, ou de tel moyen de transmission. Par le canal du chef de service; par le canal des journaux (Flaubert, Correspondance,1847, p. 9): 6. Il [Maître Cornélius] obtint du roi la faveur de se servir des courriers de l'État pour ses affaires particulières (...) et vécut, dès ce moment, dans la plus profonde solitude, ne voyant guère que le roi, faisant son commerce par le canal des juifs, habiles calculateurs, qui le servaient fidèlement, afin d'obtenir sa toute-puissante protection.
Balzac, Maître Cornélius,1831, p. 218. B.− GÉOGR. PHYS. 1. Vieilli. Lit ou bras d'un cours d'eau. Canal de rivière (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 211).La rivière formoit derrière nous un long canal (Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem,t. 2, 1811, p. 49): 7. Je suis arrivé ainsi, côtoyant des dunes mamelonnées comme de basses collines, jusqu'à une sorte de quai composé de larges pierres violettes rapportées et entre les rives duquel coule un canal qui est le Rhin.
Du Camp, En Hollande,1859, p. 76. 2. Bras de mer resserré entre deux rivages. Canal des Dardanelles; canal formé par deux îles (Voyage de La Pérouse, t. 2, 1797, p. 110); canal de Mozambique (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 140).Synon. détroit, passe : 8. Vers quatre heures, Pencroff, laissant sur sa gauche la pointe de l'îlot, entrait dans le canal qui le séparait de la côte, et, à cinq heures, l'ancre du Bonadventure mordait le fond de sable à l'embouchure de la Mercy.
Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 411. − Expr. À mi-canal entre les îles (Voyage de La Pérouse,t. 2, 1797, p. 377).Faire canal. Se dit en marine d'une embarcation côtière qui, pour aller d'un lieu à un autre, prend la haute mer. 3. Cours d'eau artificiel creusé par l'homme et utilisé soit pour la navigation, soit pour l'irrigation, etc. Bords du canal, canal navigable, écluses du canal, se jeter dans le canal; creuser un canal (Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 1, 1821-24, p. 154); l'ouverture d'un canal (Say, Traité d'écon. pol., 1832, p. 414); canal de Suez (Fromentin, Voyage en Égypte, 1869, p. 122); péniche de canal (La Navigation intérieure en France, 2, 1952, p. 5); le percement d'un canal (Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 95): 9. − Vous faites beaucoup d'affaires, dit Pellerault en se mettant à table auprès de Claparon avec intention.
− Excessivement, par grosses, répondit le banquier; mais elles sont lourdes, épineuses, il y a les canaux. Oh! Les canaux! Vous ne vous figurez pas combien les canaux nous occupent! Et cela se comprend. Le gouvernement veut des canaux. Le canal est un besoin qui se fait généralement sentir dans les départements et qui concerne tous les commerces, ...
Balzac, César Birotteau,1837, p. 171. Rem. On rencontre ds la docum. le néol. canelet, subst. masc. Poétiquement. Petit canal qui irrigue les champs. L'air est froid. L'horizon est clair; la prairie galonnée par l'argent des canelets, s'étend douce et grasse sous les yeux avec un charme infini (Du Camp, En Hollande, 1859, p. 152). − En partic. Canal principal d'une cité construite sur l'eau. Canal d'Ostende, d'Amsterdam; le grand canal de Venise (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 751). SYNT. (Autres types de canaux). Canal d'arrosage (Giono, Un de Baumugnes, 1929, p. 124); canal d'irrigation (Michelet, Journal, 1835, p. 195). Canaux destinés à conduire et à répartir les eaux captées à travers la campagne afin d'augmenter la fertilité des terres. Canal d'assèchement (Foch, Mémoires, t. 1, 1929, p. 210); canal de drainage (Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 47); canal de dessèchement. Canaux creusés pour dessécher un sol humide, ou un terrain marécageux. Canal collecteur (Hugo, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 518). Canal chargé de récupérer les eaux des égouts. Canal d'écoulement (Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie, t. 1, 1801, p. 291). Canal ayant pour but de lutter contre l'érosion des sols. Canal de dérivation (Zola, La Débâcle, 1892, p. 439). Canal destiné à remplacer un cours d'eau naturel dont la navigation est imparfaite. Canal latéral (J. Bourde, Les Trav. publ., t. 2, 1929, p. 358). Canal qui longe un cours d'eau et qui est alimenté par les eaux de ce dernier. Canal de jonction. Canal destiné à relier deux cours d'eau. Canal de jonction entre la Saône et la Loire (Vidal de La Blache, Tabl. de la géogr. de la France, 1908, p. 231). Canal de navigation (Say, Traité d'écon. pol., 1832, p. 211). Canal creusé pour le transport des denrées et des marchandises. C.− Spéc., ARCHIT. Pièce d'eau étroite et longue servant d'ornement dans les jardins de style français, bordée de vastes parterres de gazon et de longues avenues : 10. Le jardin français, avec le grand canal de Louis XIV, nous a conduits à Avon, paroisse misérable des rois de France : Bezout, Daubenton.
Michelet, Journal,1834, p. 120. Prononc. et Orth. : [kanal], plur. [-o]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. Crit. t. 1 1787 : ,,L'Ab. Laugier ou son Imprimeur, écrit caneaux au pl. C'est canaux qu'il faut écrire``. Homon. canot. Étymol. et Hist. A. 1. 1remoitié xiies. « lit d'une rivière, d'un ruisseau » (Voy. de Charlemagne, 792 ds Littré); 2. 1538 « cours d'eau artificiel creusé pour distribuer, pour faire évacuer les eaux » (Est.); 1606 canal de Venise (Nicot); 1549 « bras de mer » (Est.). B. d'où p. anal. 1. 1538 archit., sculpt. « cannelure de piédestal ou de chapiteau » (Est.); 2. av. 1680 anat. « cavité ou conduit cylindrique autre que les artères et les veines » (Deg [ori, Dict. des mots de médecine] ds Rich. 1680 : [...] Le canal de la matrice [...] Le canal de l'épine du dos); 3. 1690 technol. « conduit d'écoulement pour les eaux [eaux pluviales] » (Fur.); 4. 1813 bot. canal médullaire (De Candolle, Théor. élém. Botan., 327 ds Baillon); 5. 1679, 20 juill. fig. « intermédiaire, moyen » (Sév., p. 723). Empr. au lat. canalis attesté dep. Plaute, au sens de « caniveau qui se déversait dans la Cloaca Maxima » (TLL s.v., 224, 50), plus spéc. de « conduite d'eau » (César, Civ., 2, 10, 6, ibid., 224, 15); emploi fig. (Pline, Nat., 11, 148, ibid., 225, 76); emplois analogiques : anat. canalis animae « trachée artère » (Id., op. cit., 829, ibid., 225, 32); archit. « filet creusé dans la volute ionienne » (Vitruve, 3, 5, 7, ibid., 225, 56). Fréq. abs. littér. : 3 655. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 11 486, b) 2 865; xxes. : a) 2 855, b) 2 488. Bbg. Delamaire (J.). Môniers et moulins à eau. Vie Lang. 1971, p. 12. − Gohin 1903, p. 375. − Rommel (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin, 1954, p. 48, 58, 175, 176, 187, 191. |