| CALME1, subst. masc. I.− Tranquillité des éléments. A.− Immobilité de la mer. Le calme absolu de l'atmosphère, de la mer. Synon. accalmie, bonace. − Absence totale de vent sur la mer; zone où règne ce calme. Calmes équatoriaux, tropicaux : 1. Fais que nos blanches voiles ne portent dans leur sein que des brises favorables, jusqu'à ce que nous ayons, à travers la succession des calmes et du vent, regagné le logis bienheureux!
Baudelaire, Le Jeune enchanteur,1846, p. 514. ♦ Calme plat. Absence de vent qui rend la surface de l'eau plate et immobile : 2. Ces murs [du château] se dressaient au ras du roc et celui-ci, par places, surplombait les eaux qui, inlassablement, le creusaient, si bien qu'une petite barque eût pu s'y abriter par calme plat et quand elle ne craignait point que le ressac ne la projetât et ne la brisât contre ce plafond naturel.
G. Leroux, Le Parfum de la Dame en noir,1908, p. 40. P. métaph. : 3. Il me semble qu'il y a maintenant calme plat sur l'océan politique. La tempête ne peut toujours durer!
Flaubert, Correspondance,1871, p. 218. ♦ Loc. Avoir calme; rester en calme; tomber en calme. Nous fûmes enveloppés de brume, et nous restâmes en calme (Voyage de La Pérouse, t. 3, 1797, p. 9); mais justement la brise tomba, et presque toute la journée nous eûmes calme (Dumont d'Urville, Voyage de découvertes autour du monde,t. 5, 1843, p. 242). B.− Absence de vent dans l'atmosphère; moment de l'année sans vent. À la fin d'août, la sécheresse et les calmes arrêtèrent les moulins (G. Lefebvre, La Révolution fr.,1963, p. 368): 4. ... lorsque le calme a reconquis les airs,
Quand un soleil nouveau vient éclairer le monde,
Dans le lointain encor brillent quelques éclairs.
Baour-Lormian, Ossian, Minona,1827, p. 41. ♦ Calme blanc. Immobilité de l'atmosphère qui devient de couleur blanchâtre : 5. Autour de l'Islande, il fait cette sorte de temps rare que les matelots appellent le calme blanc; c'est-à-dire que rien ne bougeait dans l'air...
Loti, Pêcheur d'Islande,1836, p. 61. II.− P. anal. ou au fig. A.− Absence d'agitation, de bruit. 1. [En parlant d'un lieu] a) [Dans la nature] Le calme de la campagne, des nuits : 6. J'enviais la sérénité du vieil homme attentif à ses abeilles et le calme du site où il les élevait à côté de ses morts.
Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 89. b) [D'un lieu quelconque] Le calme d'une pièce, d'une église. Synon. silence; anton. brouhaha, fracas, tintamarre : 7. Son chez lui, n'était-ce pas plutôt le collège, ces murs, le long desquels il [l'enfant] avait si souvent rôdé, ces corridors où régnait un calme de thébaïde et qu'embaumait parfois l'encens?
Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 16. 2. [En parlant de collectivités] Absence de troubles (sociaux). Rétablir le calme dans un pays, un État, une assemblée quelconque. Synon. ordre; anton. agitation, désordre, révolution : 8. ... toutes les fois qu'une faction obtient un triomphe complet, il y a calme dans l'État, parce que les résistances s'évanouissent.
Chateaubriand, Polémique,1818-27, p. 245. 9. On s'y [dans la cour] précipitait en tumulte, comme une bande de chiens déliés, de fous, d'insensés, avec des cris, des gesticulations, des exclamations que les gardiens ne pouvaient réprimer. Le calme rétabli, on se mettait en marche, et l'on tournait, l'un derrière l'autre, à cinq mètres d'intervalle, autour de l'immense cour, ...
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 279. B.− [En parlant des affaires] Péj. Absence d'activité, ralentissement. Synon. stagnation.Le calme des affaires, de la bourse. Ce calme c'est le calme du commerce (Aragon, Le Roman inachevé,1956, p. 107). C.− [En parlant de pers. et de leur état ou comportement individuel] 1. Interruption de la douleur ou des effets de la maladie chez un malade. Le malade a un moment de calme : 10. L'explication les [Félicien et Hubert] désespéra autant l'un que l'autre, tellement le jeune homme montra sa peine, lorsque le brodeur lui dit le calme convalescent de sa fille, ...
Zola, Le Rêve,1888, p. 156. 2. Absence de nervosité chez une personne; maîtrise de soi. Synon. assurance, contrôle de soi, sang-froid; anton. colère, emportement, impatience, excitation, nervosité : 11. Monsieur veut me prouver qu'il est calme. Et moi? Est-ce que je ne suis pas calme? Je suis le calme. Un modèle de calme... J'ai décidé de conserver mon calme et je le conserverai. C'est toi qui manques de calme. Je ne suis pas folle. Je vois ta jambe qui tremble et tes mains qui blanchissent. Tu crèves de rage.
Cocteau, Théâtre de poche,1949, p. 77. SYNT. Conserver, reprendre, retrouver son calme; agir, attendre, répondre avec calme; manquer de calme. − Loc. Du calme! : 12. Toutes les querelles domestiques sont telles : affligeantes de près, insignifiantes de loin. (...). Alors, du calme et de la fermeté!
Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 109. 3. Absence de passions, de sentiments violents; paix intérieure. Calme inaltérable, profond; calme de l'âme, du cœur, du regard; calme de la méditation : 13. Sa diction est noble, son éloquence négligée, mâle, énergique, tonnante. Indifférent, vulgaire, peut-être foible, dans tout ce qui n'est pas digne de sa grande ame, il retrouve la force, la persuasion, tout le calme de l'impassibilité, et toute la fermeté d'un enthousiasme raisonné, dès que l'importance des objets le place dans sa sphère d'activité.
Senancour, Rêveries,1799, p. 214. 14. Il [Henri Fauconnier] avait quelques années de plus que moi, et déjà ce calme, cette étrange force de douceur, comme magique, cette sagesse fascinante qui m'a toujours ébloui.
Chardonne, Le Bonheur de Barbezieux,1938, p. 42. 4. Tranquillité recherchée par une personne. Aspirer au calme, vivre dans le calme. Synon. bien-être, douceur; anton. affairement, agitation : 15. J'ignore si vous [Monsieur le Comte] l'avez reçue et je m'empresse de saisir enfin un moment de calme et de loisir pour m'informer, ...
Hugo, Correspondance,1822, p. 341. Prononc. et Orth. : [kalm]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1418 mar. calme « cessation complète de vent » (Caumont, Voy. d'outremer, 122 d'apr. Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 6, p. 288); 1704 calme plat (Trév.); 2. 1671 « absence de trouble, d'agitation » (Pomey). Empr. au gr.
χ
α
υ
̃
μ
α « forte chaleur » plutôt par l'intermédiaire d'une lang. ibér. (Vidos, p. 274; Cor. t. 1, s.v. calma) que par celui de l'ital. calma (REW3, no1779; Bl.-W.5; FEW t. 2, pp. 539-540; EWFS2; DEI) qui, bien qu'anc. (dér. incalmare attesté dep. 1346-67, F. degli Uberti, Il Dittamondo, t. 1, p. 316; calma « tranquillité de la mer » dep. av. 1476 ds Batt. t. 2), n'a pas le sens « forte chaleur » de l'étymon gr. En effet, on constate que calma « absence de vent » est aussi anc. dans les lang. ibér. qu'en ital. (en esp. dep. 1320-55 d'apr. Cor.; en port. dep. xves. d'apr. Mach.; en cat. dep. 1496 ds Alc.-Moll) et que ces lang. attestent toutes trois le sens « forte chaleur » (l'esp., dans les dial. d'Aragon et de Léon, v. Cor. t. 1; le port. en 1570 d'apr. Vidos, loc. cit.; le cat. dans le dial. d'Andorre d'apr. Alc.-Moll). S'agissant d'un terme mar., la lang. intermédiaire a plus prob. été le cat. malgré l'écart chronol., peut-être explicable par les dépouillements moins abondants en catalan. |