| CALIBRE, subst. masc. I.− [Dimension, mesure] A.− Diamètre d'un objet de forme arrondie. 1. Diamètre intérieur d'un tube. Ce tuyau a seize centimètres de calibre (Ac.1835-1932). − P. anal. Le calibre des vaisseaux sanguins (Ac., 1835-1932) : 1. Les artères et les veines modifient automatiquement leur calibre. Elles se contractent ou se dilatent sous l'influence des nerfs de leur tunique musculaire.
Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 232. − Spéc. Diamètre intérieur du canon des armes à feu. Calibre d'un canon, d'un fusil, d'un pistolet; pièces (d'artillerie) de gros, de petit calibre : 2. ... chaque demi-brigade (...) aurait six pièces du calibre quatre, avec une compagnie de canonniers pour le service de ces pièces; ...
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 101. ♦ P. méton., fam. ou arg. L'arme elle-même : 3. L'artillerie ennemie s'est encore renforcée en calibres lourds que ne peuvent contre-battre les 75 du colonel Laurent-Champrosay.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 257. 2. Diamètre extérieur d'objets cylindriques ou sphériques. Calibre d'une colonne, d'un nerf, d'un fruit. Les cigarettes grecques ne ressemblent pas mal à des boudins de petit calibre (About, La Grèce contemporaine,1854, p. 391). − Spéc. Diamètre extérieur des munitions des armes à feu : 4. Dans quel état est-il, ce pauvre fort de Vaux qui, depuis le 21 février, depuis cent jours, reçoit sa ration quotidienne d'obus : dix mille en moyenne pour la région, et de tous les calibres, mais principalement des plus gros, du 210, du 305 et jusqu'à du 380?
Bordeaux, Les Derniers jours du fort de Vaux,1916, p. 161. 3. Loc. [En constr. de déterminant postposé] De calibre. De bon, de gros calibre : 5. ... elle me montrait une petite bille d'agate, grosse comme les plus fortes balles de plomb, et avec laquelle on avait chargé le pistolet de calibre qui était là.
Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 209. 6. ... ce ressort de montre bien manié coupe des manilles de calibre et des barreaux de fer.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 959. B.− P. ext., fam. 1. [En parlant d'objets qui ne sont pas cylindriques ou sphériques] Dimensions en épaisseur, grosseur constatable : 7. ... le ministre a fait accorder, séance tenante, une licence d'importation pour trois cents tonnes de réfrigérateurs, sans aucune précision quant au calibre des appareils.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 135. − P. méton. Les objets eux-mêmes : 8. ... des entreprises minières (...) produisant beaucoup plus de petites pierres que de grosses, ont pu augmenter le prix des gros calibres.
A. et N. Metta, Les Pierres précieuses,1960, p. 115. 2. P. métaph. ou au fig. [En parlant d'animés hum. ou d'inanimés abstr.] Dimension morale, intellectuelle, etc., grandeur, valeur généralement reconnues ou reconnaissables : 9. ... il [Victor Hugo] ne recula point de faire appel (...) au Jugement lui-même. Le Jugement seul était d'une qualité littéraire suffisante (...) d'une dimension et d'une force, d'un calibre, d'un gabarit, d'un diamètre à tenir le coup...
Péguy, Clio,1914, p. 184. − En partic. Grande dimension morale, etc. : 10. M. Arnauld du Fort, tel que nous l'avons aperçu à La Rochelle, n'est-il pas un héros de la trempe et vraiment du calibre de ceux de Corneille?
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 128. − Loc. De calibre. Important. Tel malheur minime ou de calibre (Verlaine, Poèmes divers,À Eugénie, 1896, p. 221). II.− TECHNOL. [Mesure de la dimension] A.− Outil ou instrument servant à mesurer le calibre, les dimensions d'un objet en cours de fabrication : 11. L'accord du piano nécessite l'emploi d'un petit nombre d'outils spéciaux (...) Des calibres ou jauges (...) on s'en sert pour mesurer la grosseur des cordes...
G. Huberson, Nouv. manuel complet de l'accordeur et du réparateur de pianos,1926, p. 200. B.− Outil ou instrument servant à tracer la forme et les dimensions d'un objet de menuiserie : 12. Il est probable qu'autour des portes [des églises carolingiennes] (...), les religieux du Nord firent, au moyen de calibres, des encadrements auxquels (...) ils donnèrent des profils vigoureux.
A. Lenoir, Archit. monastique,t. 2, 1856, p. 82. 13. Les pieds sont débités dans une pièce de bois d'une épaisseur égale à leur hauteur, après qu'on les a tracés avec un calibre qui donne la courbure convenable.
Nosban, Nouv. manuel complet du menuisier,t. 2, 1857, p. 16. − P. métaph. : 14. Quand votre phrase est faite, il faut lui ôter avec soin les coins et les autres empreintes de votre calibre particulier.
J. Joubert, Pensées,t. 2, 1824, p. 62. Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. calibriste. Ajusteur fabriquant des calibres (cf. L'Œuvre, 16-17 nov. 1941). Prononc. et Orth. : [kalibʀ
̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1478 (Statuts des Platriers, ap. Ouin-Lacroix. Hist. des anciennes corp. de Rouen, 717 d'apr. Delb. Notes); av. 1571 « capacité d'une chose par rapport au volume qui doit la remplir (ici en parlant d'un canon) » (Carloix, VII, 7 ds Littré); 1636 « volume d'un projectile; d'un objet cylindrique ou sphérique » (Le P. Monet, Invantaire des deus langues fr. et lat., Genève); d'où fig. 1548 « importance » (N. Du Fail, Cont. d'Eutr., XIX ds Gdf. Compl.); 1611 n'être pas du même calibre « différer de sentiments et d'opinions » (Cotgr., s.v. qualibre); 2. 1690 « instrument servant à vérifier le calibre d'une arme » (Fur.); 3. 1694 technol. « (dans la fabrication de divers objets d'art, d'industrie) modèle sur lequel sont tracés les contours, les dimensions de l'objet à fabriquer » (Corneille). Empr. à l'ar. qālib, qālab (Lok., no1030; FEW t. 19, p. 82b; Bl.-W.5) « moule où l'on verse les métaux » (ixes., Aboûl'Atâhiya ds Lammens, p. 70); « forme de cordonnier » (début xiies., Harîrî; 1505, P. de Alcala ds Dozy t. 2, p. 391a); « forme de marbre servant de support pour un turban » (début xves. ds Sacy, Chrestomathie ar., Paris, t. 1, 1826, pp. 235-236). L'ar. est lui-même empr. au gr. κ
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ς, κ
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ς « forme en bois pour fabriquer des chaussures » (composé de κ
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ν « bois » et de π
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ς « pied », v. Chantraine, s.v.
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ν; v. aussi Lammens, pp. 70-71; Dozy, loc. cit.). − L'hyp. d'un intermédiaire ital. calibro (Kohlm., p. 35; DG; EWFS2; Webster's; Dauzat 1973) fait difficulté du point de vue chronol., ce mot n'étant pas attesté av. le xviies. (Galilée ds Batt.); il en va de même pour l'esp. calibre (Rupp., p. 286; REW3, no4663a) attesté seulement dep. 1583 (sous la forme calibio, Escalante; calibre en 1594, B. de Mendoza d'apr. Cor.). Selon Bl.-W.5; Cor.; FEW, loc. cit.; Hope, p. 330, l'ital. et l'esp. seraient empr. au français. Fréq. abs. littér. : 194. Bbg. Gohin 1903, p. 349. − Gottsch. Redens. 1930, p. 217. − Kohlm. 1901, p. 35. − Lammens 1890, pp. 70-71. − Rigaud (A.). Les Vases communicants. Vie Lang. 1971, p. 536. |