| CADUC, UQUE, adj. I.− Usuel et style noble A.− Qui menace ruine, vieux, délabré. − [En parlant gén. de bâtiments ou d'éléments en rapport avec ces bâtiments] Construction, façade, maison caduque. Cette pauvre masure (...) était absolument caduque (Hugo, L'Homme qui rit,t. 3, 1869, p. 196). PARAD. (Quasi-)synon. abandonné, ancien, antique, branlant, décrépit, vermoulu, vieilli, vieux. Anton. neuf, nouveau, récent. ♦ P. métaph. : 1. En toutes choses, ils [les messieurs de la Régie] s'efforcèrent ainsi d'atténuer les événements, tremblant de la peur du lendemain, jugeant dangereux d'avouer l'irrésistible sauvagerie d'une foule, lâchée au travers des charpentes caduques du vieux monde.
Zola, Germinal,1885, p. 1513. B.− P. ext. 1. [En parlant de choses diverses] Piano caduc : 2. [Dans le tableau de M. Cazin] les figures sont veules, hésitées dans les poses, d'un dessin pesant, la couleur est caduque, les tons obstrués...
Huysmans, L'Art mod.,1883, p. 194. 3. Je voulais m'avancer davantage pour suivre les progrès d'une fente qui annonce qu'un second tiers de cette montagne caduque ne tardera point à s'en détacher.
Dusaulx, Voyage à Barège,t. 1, 1796, p. 240. 2. [En parlant d'un animal, plus rarement d'un végétal] :
4. Un rameau d'un arbre est moins âgé que sa tige, et son aubier que son tronc. L'arbre le plus caduc porte à la fois la vieillesse dans son cœur et la jeunesse sur sa tête : l'une et l'autre se manifestent encore dans sa racine et dans son écorce.
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 262. 5. Ses [Angelina] yeux s'ouvraient à la vie. Maintenant, la richesse lui apparaissait partout dans la nature. C'est donc elle la beauté qui épanouit une fleur sur la tige, à côté d'une corolle stérile? Et encore elle, la joie qui donne à un oiseau son chant, à l'aurore, près d'un oiseau silencieux et caduc, sur la branche?
Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 214. ♦ Branche caduque. Branche morte : 6. Au reçu de cette agréable lettre, je tombai dans mille perplexités et une perplexité : telle la branche caduque entraînée au fil de l'eau...
Toulet, Mon amie Nane,1905, p. 244. 3. [En parlant d'une pers., de son âge, d'une partie du corps, de ses forces, etc.] Qui décline, qui s'affaiblit; vieux, cassé. Homme, vieillard caduc : 7. Quant au père de la jeune personne, c'est un vieux, tout ce qu'il y a de plus caduc et de plus vénérable, considérablement de cheveux blancs, bonne redingote jaune d'œuf à collet très haut, bombé comme une gouttière.
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 383. 8. Au bout, à l'extrême bout de la rangée de baraques, comme si, honteux, il s'était exilé lui-même de toutes ces splendeurs, je vis un pauvre saltimbanque, voûté, caduc, décrépit, une ruine d'homme, adossé contre un des poteaux de sa cahute; une cahute plus misérable que celle du sauvage le plus abruti, et dont deux bouts de chandelles, coulants et fumants, éclairaient trop bien encore la détresse.
Baudelaire, Petits poèmes en prose,Le Vieux saltimbanque, 1867, p. 73. 9. Sur les carreaux d'azur rampait la fleur du givre. Un arlequin caduc pleure. Est-il las de vivre? Va, nous dormirons tous. Mais les lits, c'est plus bas.
Toulet, Les Contrerimes,1920, p. 143. ♦ Prendre forme caduque : 10. C'étaient deux vieilles, deux pauvresses, qui se donnaient le bras, appuyées sur des bâtons, comme font les fées quand elles prennent forme caduque pour n'être pas reconnues.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 201. ♦ Emploi subst. : 11. Tu me prends déjà pour un vieillard? ... pour une guenille, ... un sénile, un caduc un suranné ...
Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 80. − En partic. Sans vigueur : 12. Mais quand midi retentit au milieu de la pluie, je [Ligier] le [Besme] vis sortir,
Tel qu'un homme qui croit que la lune marche derrière son dos.
Et devant moi, avec des gestes caducs, il remontait la rue ruisselante, telle qu'en ces jours le brouillard submerge la ville.
Claudel, La Ville,1reversion, 1890, II, p. 368. 13. Première [Ève] vous avez d'un pas abandonné
Foulé d'un pas caduc et tout échelonné
Le sentier de l'exil semé de feuille morte.
Péguy, Ève,1913, p. 785. C.− Au fig. 1. [En parlant d'un produit de la civilisation, d'une institution, etc.] Qui est exposé à tomber en ruines, à disparaître. Synon. fragile, éphémère.La nature fragile et caduque des œuvres humaines (Lamennais, L'Avenir,1831, p. 382): 14. Qui fera le partage du bois vert et du bois sec [dans le christianisme]? de ce qui est caduc et de ce qui reverdira?
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 3, 1863-69, p. 260. 2. [En parlant plus rarement d'une pers., d'un trait de mœurs, etc.] Qui est tombé en désuétude, suranné, dépassé par les événements. Cette mode maintenant caduque (Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 628): 15. Bonaparte espérait sa délivrance des mouvements politiques de l'Europe. S'il eût vécu jusqu'en 1830, peut-être nous serait-il revenu; mais qu'eût-il fait parmi nous? Il eût semblé caduc et arriéré au milieu des idées nouvelles.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 664. II.− Emplois techn. A.− Emploi actif 1. DR. [En parlant d'un acte jur.] Qui, pour une raison extérieure, se trouve annulé. Legs testamentaire, lot caduc; disposition, donation, succession caduque (Ac. 1798-1932) : 16. 1088. Toute donation faite en faveur du mariage sera caduque, si le mariage ne s'ensuit pas.
Code civil,1804, p. 197. 2. LING. ,,Se dit d'un phonème sujet à l'amuïssement, p. ex. (...) l'e dit muet du français`` (Mar. Lex. 1933, 1961). 3. SC. NAT. a) BOT. Se dit d'un organe qui se détache naturellement de certaines plantes. Corolle, feuille caduque, calice caduc. Anton. persistant. 17. ... les plantes caduques ont disparu sous la houle d'une sombre végétation aux feuilles dures et vernissées; ...
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 436. b) ZOOL. ,,Se dit de tout organe qui se détache après avoir accompli sa fonction`` (Burn. 1970). Bois caducs; cornes, plumes, dents caduques. B.− Emploi factitif, MÉD., vx. Mal caduc. Mal qui fait que le malade tombe subitement. Synon. épilepsie. − P. comp. : 18. J'éprouve chaque nuit la vérité de ce que dit Van Helmont, que l'asthme, le catarrhe, la toux sont le mal caduc du poumon. À mesure que j'avance dans la vie, je sens cette caducité pulmonaire : ...
Maine de Biran, Journal,1824, p. 255. Rem. Les dict. de méd. enregistrent le subst. fém. caduque, anat. hum. et animale. ,,Partie de la muqueuse utérine qui se détache et est expulsée lors de la délivrance`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Lorsque le placenta se détache, il entraîne avec lui la portion épaissie de la muqueuse utérine; la portion ainsi entraînée constitue la caduque (E. Perrier, Traité de zool., t. 4, 1932, p. 3351). PRONONC. ET ORTH. : [kadyk]. Autres adj. formant leur fém. en remplaçant un c final par que : ,,ammoniac, franc (peuple), public, turc`` (Grev. 1964). ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1346-1407 « qui est près de sa chute (d'un inanimé) » (E. Deschamps, B.N. 840, fo434cdans Gdf. Compl.); 1543 (d'animé) (G. de Selve, Huict Vies de Plutarque, Prologue du Translateur dans Hug.); 2. 1356 subst. fém. méd. caduque « épilepsie » (Mandeville, ms. Didot, fo19 rodans Gdf.); 1520 mal caducque (Michel de Tours, trad. de Suétone, I, 21 rodans Hug.); 3. 1690 dr. « annulé » (Fur.); 4. 1803 bot. (Boiste).
Empr. au lat. caducus « (surtout en parlant des feuilles, des fruits), qui tombe, ou est près de sa chute », (Caton, Agr., 23 dans TLL s.v., 33, 78); d'où « fragile, périssable », (Cicéron, Nat. deor., 1, 98, ibid., 35, 33); terme méd. « qui tombe du fait de l'épilepsie, épileptique », (Apulée, Apol., 43, ibid., 34, 48), d'où en b. lat. l'adj. substantivé caduca (affectio) « épilepsie », (Chiron, 490, ibid., 34, 68); terme jur. dep. Cicéron, De orat., 3, 122, ibid., 36, 23. STAT. − Fréq. abs. littér. : 217. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 303, b) 230; xxes. : a) 409, b) 293. |