| CADRE, subst. masc. I.− [L'idée dominante est celle de délimitation] A.− [Désigne un objet délimitant] 1. Bordure de bois, de métal, de marbre, etc., qui entoure un tableau, un miroir, une photographie... tout autre objet qu'elle protège et décore : 1. Au-dessus, une petite glace Louis XV au cadre doré, faisant face à la glace de l'autre côté; les deux glaces entre deux quinquets de cuivre, à globes de lampe, qui donnent une lumière fumeuse et une odeur d'huile.
E. et J. de Goncourt, Journal,1859, p. 663. 2. Les formes des personnages, des objets, des paysages eux-mêmes, y sont toujours doublées de leur répétition ornementale, qui charge le pourtour du tableau, et jusqu'au cadre, de fleurs entrelacées, d'anges, de lignes et de figures abstraites.
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 287. − ARCHIT. ,,Moulure saillante, unie ou décorée de sculptures, entourant un motif ou simplement un panneau uni`` (Noël 1968). ♦ P. méton. Le tableau lui-même : 3. [le musée renferme] ... un grand nombre de tableaux remarquables, entre autres deux petits cadres de Béga qui sont deux perles inestimables.
T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1843, p. 12. 2. TECHNOL. Assemblage de pièces rigides constituant l'armature de certains objets servant de bordure ou de support. a) [L'image dominante est celle d'un carré ou d'un rectangle] − APIC. ,,Bâti en bois de forme rectangulaire, placé dans les ruches pour contenir les rayons des abeilles`` (Séguy 1967). − BÂTIMENT. Cadre d'une fenêtre, d'une porte. − CYCLISME, MOTOCYCLISME. Ensemble de tubes formant l'ossature d'une bicyclette, d'une motocyclette. − MAR. Châssis rectangulaire en bois ou en tubes métalliques, suspendu à ses extrémités, recouvert de forte toile, servant de couchette. − MÉD. Armature métallique utilisée comme support d'un membre en cas de fracture. − MIN. Élément de soutènement en bois ou en fer épousant la section d'une galerie ou d'un chantier. Les galeries de mine se boisent au moyen de cadres (J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 653). − TYPOGR. Ensemble des filets entourant une annonce (Cham. 1969). − P. anal., RADIOTECHN. ,,Bobinage à grande surface destiné à capter un champ électromagnétique`` (Électron. 1963-64). b) [L'image dominante est celle d'un cube] − TRANSP. Caisse de très grandes dimensions servant au transport des meubles par chemin de fer ou camion. B.− [Désigne un domaine délimité] 1. Espace délimité en vue d'une production, d'une occupation, etc. : 4. Mais la Chine est le pays du riz : toute l'occupation de l'homme est de construire des cadres et des cloisons, de ménager à l'infini des niveaux, de contenir quelque chose, de surveiller cette pâture, ...
Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 257. − JEUX (billard). Surface délimitée pour le jeu. − En partic., CIN. et TÉLÉV. a) Limite spatiale d'une scène de film. b) Cadre de montage. ,,Unité à la fois spatiale et temporelle qui constitue un élément de composition d'un film`` (Giraud 1956). 2. [Parfois avec emploi métaph. des sens I A et I B] Milieu physique ou humain dans lequel se déroule habituellement l'existence et l'activité d'une personne, d'un groupe : 5. En ce qui concerne les mouvements de la population française, il s'agit moins de tourisme au sens classique du mot, c'est-à-dire de découverte, mais de mouvements réguliers et répétés d'hommes cherchant provisoirement un nouveau cadre de vie.
G. Belorgey, Le Gouvernement et l'admin. de la France,1967, p. 378. − [En parlant d'une personnalité officielle] :
6. Épanouie, la cité [Poitiers] le fut ... en ces années qui virent Aliénor s'affirmer comme duchesse d'Aquitaine. On peut dans ce cadre l'imaginer telle que la représente son sceau, tenant dans la main droite une fleur, et, sur le poing gauche un oiseau de chasse. C'est dans ces années que la cour de Poitiers devient par excellence un foyer de poésie, le centre de la vie courtoise et chevaleresque du temps.
R. Pernoud, Aliénor d'Aquitaine,Paris, 1965, p. 161. − [En parlant d'une institution] :
7. Il n'y a pas une église morte. (...) Mon enfant, ma petite fille, le bon Dieu a fait des cadres. Il faut travailler, il faut prier, il faut souffrir dans les cadres que le bon Dieu nous a faits.
Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc,1910, p. 68. 3. Limites assignées à un sujet, à une matière, à un pouvoir. ♦ Loc. prép. Dans le cadre de.Dans les limites de : 8. ... y [sur la question] reviendrons systématiquement dans le cadre d'une méditation sur la nécessité...
Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 144. Rem. La loc. est d'une fréq. croissante au sens de « à l'occasion de, lors de »; d'où (qqc.) s'inscrit dans le cadre de « se rattache à, fait partie de » (tel domaine, telle matière). − Spécialement a) Limites assignées à un travail, à un ouvrage notamment dans le domaine artistique ou littéraire. − Le cadre d'un roman. Matière et domaine de ce roman : 9. Dans son mouvement incessant qui la fait se déplacer toujours vers cette ligne mobile où parvient à un moment donné la recherche et où porte tout le poids de l'effort, elle [la vie] a brisé les cadres du vieux roman et rejeté, les uns après les autres les vieux accessoires inutiles.
N. Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 63. − Arg. Lettre supposée, écrit apocryphe : 10. « ... aucun de vous, quand vous en aurez pris connaissance, ne s'imaginera que c'est une lettre supposée, un cadre, comme nous disons dans notre argot de journalisme, (XIXeSiècle, 1881). »
G. Fustier, Suppl. au dict. de la lang. verte d'A. Delvau,1883, p. 502. b) Loi-cadre. Loi définissant les grandes lignes d'une disposition votée par la législature de manière à permettre au pouvoir exécutif une application souple tout en la maintenant dans les limites définies. II.− [L'idée dominante est celle d'une catégorie déterminée de pers.] A.− ART MILIT. Tableau, puis p. ext. registre sur lequel sont inscrits les noms des officiers et des sous-officiers exerçant un commandement. Cadre de réserve : 11. Commence-t-il à comprendre que la question de savoir si un innocent est au bagne, et si un criminel se cache sous l'uniforme d'un officier français − dont personne n'a encore demandé la radiation des cadres de la Légion d'honneur − ne peut pas comporter d'autre solution que la manifestation de la vérité?
Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 290. − P. méton. L'ensemble de ce personnel; chacune des catégories de ce personnel. Les cadres d'un régiment; être rayé des cadres. Le cadre noir. Écuyers militaires de l'École de Saumur : 12. Cadre noir. Instructeurs de cavalerie, portant le costume noir des écuyers.
E. Titeux, Saint-Cyr et l'École spéc. milit. en France,1898, p. 632. B.− P. ext., ÉCON. [Surtout au plur.] Ensemble du personnel d'une entreprise investi d'une fonction de commandement de contrôle, de direction. Conférence, retraite des cadres. − Fam., usuel, au sing. et au plur. Personne membre de ce personnel. Un cadre moyen, supérieur : 13. La première source nous indique, en terme de salaire individuel, que le rapport entre le salaire d'un ouvrier et celui d'un cadre supérieur est en moyenne de l'ordre de 1 à 4 pour l'ensemble du secteur privé et du secteur semi-public industriel.
L'Univers écon. et soc.,1960, p. 5016. PRONONC. ET ORTH. : [kɑ:dʀ
̥]. Également [kadʀ
̥] (Passy 1914 [en tant que var.], Dub., Pt Lar. 1968). Fér. Crit. t. 1 1787 propose l'orth. câdre. ÉTYMOL. ET HIST. − A. − 1354-76 « quartier (de la lune) » (Modus et Racio, ms., fo225 ro, ap. Ste-Pal. dans Gdf.). B.− 1. 1549 quadre « bordure (formant un carré à l'orig.) entourant un tableau, une glace, etc. » (Rabelais, La Sciomachie, éd. Marty-Laveaux, t. 3, p. 401); 2. 1690 « châssis fixe rectangulaire (ex. chambranle d'une porte) » (Fur.); 3. 1736 mar. (Aubin, Dict. de la marine contenant les termes de la navigation et de l'archit. navale, Amsterdam, 2eéd.); 4. 1751 « châssis qu'on applique sur la forme dans la fabrication du papier » (Encyclop. t. 2); 1867 « chassis de bois sur lequel les chamoiseurs, les mégissiers, les parcheminiers ... étendent les peaux pour les écharner, les poncer... » (Lar. 19e); 5. 1832 anat. cadre du tympan (Raymond). C.− Fig. 1. av. 1778 « entourage qui sert à faire valoir une personne, ou à la montrer sous un certain jour » (Voltaire dans Lar. 19e); 2. 1803, avr. « ce qui circonscrit un sujet, surtout littéraire » (Chateaubriand, Extrait de la Défense au Génie du Christianisme ds René, éd. par J.-M. Gautier, p. 26); 3. 1796 « ensemble des officiers et sous-officiers de l'armée » (Le Néologiste fr. ou Vocab. portatif des mots les plus nouveaux de la lang. fr.); 1840 « ensemble des employés d'un rayon administratif » (Land.); d'où 1840 rayer (un employé) des cadres (Ibid.); 1931 les cadres « le personnel d'encadrement (des entreprises) » (M. Farbman, Piatiletka, 75 [Rieder, 1931] dans Quem.).
Empr. au subst. ital. quadro « carré » (Hope, p. 171; substantivation de l'adj. quadro « carré ») attesté dans Tomm.-Bell. au sens géom. dep. le début du xives., « ouverture carrée, petite fenêtre » dep. 1540; « peinture, tableau » dep. 1584; au fig. au sens C 2 dep. 1794. STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 302. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 634, b) 3 246; xxes. : a) 3 654, b) 4 458. BBG. − Delisle (J.), Gauthier (F.). La Gestion de l'entreprise. Meta. 1970, t. 15, p. 39. − Dubois (M.-M.). Peut-on... Pourquoi... Comment... agir sur la lang. fr.? Vie Lang. 1962, p. 306. − Giraud (J.), Pamart (P.), Riverain (J.). Mots dans le vent. Vie Lang. 1970, pp. 47-48. − Gohin 1903, p. 366. − Grandpré (J.-P. de). Qq. termes d'assurance sur la vie. Meta. 1972, t. 17, p. 167. − Hope 1971, p. 171. − Kohlm. 1901, p. 35. − Pohl (J.). La Maison dans les fr. marginaux. Vie Lang. 1969, p. 81. − Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 6. − Vocab. techn. des quilles. Cah. de l'Office de la lang. fr. 1972, no15, p. 9, 16. − Wandruszka (M.). Nos lang. Meta. 1971, t. 16, p. 9. |