| CADENASSER, verbe trans. A.− Fermer à l'aide d'un cadenas. Cadenasser une grille, une malle, une porte : 1. ... ils [les gardes du corps] regagnent la place par la rue de l'Orangerie, et se réfugient dans la grande cour, dont ils cadenassent les grilles.
Marat, Les Pamphlets,Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 109. ♦ Au fig. Cadenasser le bec à qqn. L'obliger à garder le silence. Cf. clouer le bec à qqn : 2. ... si quelqu'un voulait soutenir le contraire, il était prêt, lui, « vieille brisque », à cadenasser le bec aux radoteurs, quels qu'ils fussent. Évidemment on n'osa pas trop contrarier le discoureur, ...
L. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 45. ♦ P. métaph. : 3. Oui, je sens que mon âme est cadenassée dans le verrou de mon corps, et qu'elle ne peut se dégager pour fuir loin des rivages que frappe la mer humaine...
Lautréamont, Les Chants de Maldoror,1869, p. 226. 4. ... maintenant elle [la jeune génération des écoles] se drape sur Byron, rêve de désespoir et se cadenasse le cœur à plaisir.
Flaubert, Correspondance,1839, p. 46. − [Avec une idée d'emprisonnement] :
5. Entre les hommes et lui, le condamné sentait peser sur sa tête un entassement de pierres et de geôliers, et la prison tout entière, la massive bastille n'était plus qu'une énorme serrure compliquée qui le cadenassait hors du monde vivant.
Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 368. B.− Emploi pronom. 1. Emploi au sens passif : 6. Ordinairement [sur une cange] la première chambre sert de divan, la seconde de harem. Le tout se ferme et se cadenasse hermétiquement, sauf le privilège des rats du Nil...
Nerval, Voyage en Orient,t. 1, 1851, p. 319. 2. Emploi réfléchi. a) S'enfermer solidement : 7. Plassans, quand il s'était bien cadenassé, se disait : « Je suis chez moi », avec la satisfaction d'un bourgeois dévot, qui, sans crainte pour sa caisse, certain de n'être réveillé par aucun tapage, va réciter ses prières et se mettre voluptueusement au lit.
Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 38. − P. métaph. : 8. Les portes furent officiellement fermées, en plein midi. Cette mesure, prise pour rassurer la population, porta l'épouvante à son comble. Et rien ne fut plus curieux que cette cité qui se cadenassait, qui poussait les verrous, sous le clair soleil, au beau milieu du dix-neuvième siècle.
Zola, La Fortune des Rougon,1871p. 253. 9. Je me demandais s'il ne valait pas mieux (...) mener avec cette jeune femme, (...) cette existence grasse des bons époux qui dînent toujours à la même heure, lisent régulièrement le feuilleton du journal et se cadenassent si bien entre l'habitude et la nullité que jamais plus ils n'en peuvent sortir.
Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 105. b) S'obliger à garder le silence : 10. [Le Marquis à Mmede Vartot] Oui, exaspéré ma chère amie, ... Grëllo semblait se contenir, se cadenasser pour ne pas me charger de reproches...
J. de La Varende, La Dernière fête,1953, p. 292. Prononc. : [kadnase], (je) cadenasse [kadnas]. Étymol. et Hist. 1606 [sources Hug.] cadenaté part. passé adj. « enfermé au moyen d'un cadenas » (Trad. de Folengo, Merlin Coccaie, L. XII [I, 332] dans Hug.); 1569 cadenasser (Castelnau, Mém. dans DG). Dér. de cadenas* étymol. 1 (m. fr. cathenat, cadenat); dés. -er. Fréq. abs. littér. : 57. |